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Stratasys se lance dans la bioimpression 3D d’implants mammaires

Implant mammaire imprimé à partir du biogel Collplant et de la technologie de Stratasys

Implant mammaire imprimé à partir du biogel Collplant et de la technologie de Stratasys (crédits photo : Stratasys)

Par ce qu’elle préfigure en termes d’avancées et de bouleversements pour le secteur de la santé, la bioimpression aiguise les appétits. Après 3D Systems, c’est un autre géant de l’impression 3D qui a décidé de pointer sa technologie en direction de ce futur marché colossal. Non des moindres puisqu’il s’agit de son compatriote, le leader de la fabrication additive Stratasys.

Jusqu’ici, la présence du fabricant américain sur le créneau de la santé, portait essentiellement sur la réalisation de prothèses de membres, d’orthèses, de masques gingivaux, de modèles anatomiques, et divers guides chirurgicaux. Un large panel de dispositifs médicaux donc, mais pas de produits qui puissent être implantés « sur » ou « dans » le corps humain.

En attendant que sa technologie d’impression 3D métal évoquée pour la première fois il y a 5 ans ne voit enfin le jour (ce qui lui ouvrirait également le marché des implants médicaux métalliques), la société s’est fixé un challenge d’un tout autre niveau : celui des organes et des tissus humains. Pour relever ce défi, la société a annoncé un accord très intéressant avec CollPlant Biotechnologie.

« Stratasys et CollPlant Biotechnologies ont annoncé aujourd’hui un accord de développement et de commercialisation conjoint pour collaborer au développement d’une solution de biofabrication de tissus et d’organes humains à l’aide de la bioimprimante basée sur la technologie P3 de Stratasys et des bioencres à base de collagène rh de CollPlant. » A déclaré Stratasys.

Si vous ne connaissez pas CollPlant Biotechnologies, cette société israélienne de médecine régénérative et esthétique, s’est spécialisée dans le développement de technologies et des produit innovants pour la régénération des tissus et la fabrication d’organes.

L’arme secrète de cette start-up réside dans sa bio-encre « rhCollagen » : un collagène humain pas comme les autres, puisque d’origine végétale. Là où habituellement les biocollagènes sont extraits d’animaux ou de cadavres humains, celui de Collplant a fabriqué en insérant des gênes de collagène humain dans des plants de tabac génétiquement modifiés. Cette approche, en plus d’éliminer tout risque de contamination et de risque allergique, offre une rhéologie optimale, ainsi qu’une bio-compatibilité et des propriétés physiques ajustables. L’autre atout de cette bioencre, elle qu’elle est compatible avec une large gamme de procédés d’impression 3D comme l’extrusion, le jet d’encre ou la stéréolithographie.

« …une étude de suivi sur de grands animaux au second semestre 2023 en utilisant des implants de taille commerciale »

Flacons de la bio-encre développée par Collplant

Flacons de la bio-encre développée par Collplant (crédits photo : Collplant)

Avec cette bio-encre, CollPlant indique être parvenue à produire des prototypes d’implants imprimés en 3D pour régénérer le tissu mammaire. Actuellement en phase d’essais précliniques. ces implants régénératifs visent à surmonter les défis des procédures mammaires existantes qui utilisent des implants en silicone ou le transfert de tissu adipeux autologue. En effet, contrairement aux approches classiques actuelles, les implants régénératifs de CollPlant sont biorésorbables. Ils sont conçus pour se dégrader dans le temps et être remplacés par un nouveau tissu mammaire nature.

« En janvier 2023, CollPlant a annoncé avoir terminé avec succès une étude sur de grands animaux pour ses implants mammaires régénératifs bio-imprimés en 3D. » A déclaré Collplant. « L’étude préclinique a démontré des stades progressifs de régénération tissulaire après trois mois, comme le souligne la formation de tissus conjonctifs matures et de réseaux néovasculaires au sein des implants, sans qu’aucun événement indésirable n’ait été signalé. Sur la base de ces résultats positifs, CollPlant prévoit de lancer une étude de suivi sur de grands animaux au second semestre 2023 en utilisant des implants de taille commerciale pour soutenir les études humaines ultérieures et la commercialisation future du produit. »

Ce partenariat entre CollPlant et Stratasys, vise donc à associer la technologie d’impression 3D du géant américain avec le bio matériau mis au point par la start-up israélienne pour réaliser des implants mammaires bioimprimés. Pour cela, Stratasys ne s’appuiera non pas sur sa technologie à jet de matière Polyjet, mais son système d’impression Stratasys Origin® One. Pour rappel, celui-ci repose sur une technologie baptisée « P3 », un procédé de type DLP (photopolymérisation) issu du rachat de la start-up Origin par Stratasys. Cette technologie a séduit le géant américain par ses  impressions incroyablement complexes et de très haute qualité. L’Origin One est en effet capable d’orchestrer précisément la lumière, la température et d’autres conditions afin d’optimiser automatiquement les impressions en temps réel. Il en résulte des détails d’une extrême finesse, ainsi qu’une qualité de surface comparable à celle d’une pièce obtenue par injection plastique.

« une alternative potentiellement révolutionnaire pour les procédures esthétiques et reconstructrices »

L'implant mammaire régénératif bio-imprimé en 3D de CollPlant

L’implant mammaire régénératif bio-imprimé en 3D de CollPlant (crédits photo : Collplant)

Par ailleurs, la Stratasys Origin® One est une imprimante 3D qui offre l’avantage de fonctionner avec une résine photopolymère, qui se trouve être l’un des matériaux d’impression 3D les plus polyvalents. En le combinant avec d’autres substances, il peut donner naissance à une large gamme de matériaux, comme des céramiques, des composites et même du métal.

L’idée est donc de s’appuyer sur cette technologie pour créer une nouvelle bio-imprimante 3D, spécifiquement conçue pour fonctionner avec les biorésines de CollPlant. « La nouvelle bio-imprimante, basée sur la technologie d’impression 3D précise P3™ de Stratasys en combinaison avec les bio-encres phares de CollPlant, permettra la production des implants mammaires de pointe de CollPlant, qui sont conçus pour régénérer le tissu mammaire naturel d’un individu sans provoquer de réponse immunitaire , offrant une alternative potentiellement révolutionnaire pour les procédures esthétiques et reconstructrices. » A commenté la start-up israélienne.

En attendant de pouvoir s’attaquer un jour à des organes, la solution développée par Stratasys et Collplant vise un marché mondial des implants mammaires qui se chiffrerait tout de même à 2,8 milliards de dollars. Si l’on en croît les statistique de la FDA, la solution développée par les deux partenaires constituerait un progrès attendu par de nombreux patients. Selon l’autorité en charge du contrôle des aliments et des médicaments aux Etats-Unis, rien qu’au pays de l’oncle Sam, ce sont pas moins de 350 000 personnes qui ont signalé des effets indésirables liés aux implants mammaires entre 2009 et 2019.

Le partenariat entre Collplant et Stratasys soulève en revanche quelques interrogations, puisque la start-up a déjà conclu deux accords du même type avec deux autres fabricants d’imprimantes 3D, à savoir Cellink et 3D Systems. Il se pourrait donc que l’entreprise israélienne n’est pas obtenu les résultats escomptés avec leur technologie, à moins qu’elle n’aie tout simplement l’intention de développer plusieurs versions de son implant mammaire bioimprimé pour ne retenir que la meilleure. L’avenir nous le dira… Soulignant le potentiel de sa solution, précisions qu’un autre accord a été mis en oeuvre avec 3D Systems pour développer cette fois-ci des transplantations pulmonaires bio imprimées en 3D.

Profitons enfin de l’actualité de Collplant, pour rappeler que la France compte deux champions dans le domaine de l’impression 3D mammaire : Lattice Medical et Healshape. Le premier a développé une méthode révolutionnaire d’implants mammaires réalisées avec un biopolymère imprimé sous la forme de filament. Son dispositif biorésorbable se compose de deux parties : un support tridimensionnel s’inspirant des propriétés 3D de la dentelle de Calais, et un dôme imprimé en 3D servant de guide à la croissance cellulaire. En septembre dernier, cette pépite Lilloise a réussi la première implantation de sa prothèse mammaire imprimée en 3D chez une patiente. Une première mondiale.

Quant à Healshape, cette biotech lyonnaise a inventé une bioprothèse mammaire réalisée à partir d’un hydrogel résorbable. Reposant sur la même idée de régénérer de manière naturelle le tissu du sein à partir des propres cellules de la patiente, une fois implantée celle-ci offre elle également l’avantage de pouvoir se résorber d’elle-même et complètement. Les premiers résultats précliniques seraient très prometteurs.

Alexandre Moussion