
Pièce métallique imprimée par la Marine nationale destinée au porte-avions Charles de Gaulle (crédits photo : Marine nationale)
Fut un temps exceptionnel, l’emploi de la fabrication additive par l’industrie maritime et navale à des fins autres que du prototypage, a nettement progressé ces dernières années. Des hélices de bateau, en passant par des navettes fluviales et des chaumards, jusqu’à même des vannes de sous-marins, les applications de l’impression 3D pour des pièces d’utilisation finale et de production gagnent du terrain. Dans le domaine de la défense, certains navires vont même aujourd’hui jusqu’à embarquer des imprimantes 3D, lesquelles permettent d’améliorer leur maintenance en fabricant des pièces in situ à la demande.
En France, c’est la Marine nationale qui a récemment révélé comment l’impression 3D métal lui a permis de résoudre un problème d’avarie sur le porte-avions Charles de Gaulle. Dans le cadre d’un exercice « Ursa Minor » réalisé en mai 2024 – un exercice de maintien en condition opérationnelle naval réalisé dans un contexte de haute intensité et organisé par le Service de soutien de la flotte (SSF) – une expérimentation particulière de réparation d’avarie a été menée au sein des ateliers du service logistique de la Marine de Toulon.
Pour le dire plus simplement, le but de l’exercice était de s’assurer que les procédures et les solutions utilisées pour réparer les avaries (dommages) sur les navires sont suffisamment robustes et efficaces pour fonctionner dans des conditions réelles de combat ou d’opération. « Le 17 mai, le Service logistique de la Marine de Toulon (SLMT) a été sollicité par message pour une demande d’intervention consécutive à une avarie sur le porte-avions Charles de Gaulle. » explique la Marine Nationale dans un communiqué. « La pièce défectueuse n’étant pas disponible en stock, la défaillance exposait l’équipage à un risque de chute du pont d’envol en position basse. »
« la vitesse d’exécution et l’efficacité sont telles que la production est plus compétitive par rapport aux méthodes de fabrication traditionnelles »

Pièce d’essai imprimée avec la technologie de Meltio (Photos: Marie Bailly / Marine Nationale / Défense //Jeremy Vacelet / Marine Nationale / Défense)
À la question de savoir quelle technologie a été employée pour fabriquer cette pièce d’essai, après avoir intégré il y a trois ans des imprimantes 3D polymères, le Service de soutien de la flotte a doté l’atelier I3D d’une imprimante 3D métal MELTIO M450… Développée par le fabricant espagnol Meltio, celle-ci fonctionne selon un procédé DED (dépôt de matière sous énergie concentrée). Une tête d’impression vient déposer un fil métallique qui est instantanément fondu à l’aide de puissants lasers. Avec cette technologie il est possible de traiter de nombreux métaux, dont les aciers inoxydables (316L, 308L, 17-4PH), le titane (grade 5), l’inconel (718 et 625), l’acier doux (ER70S) et l’acier outil (H11).
Déjà validée par l’armée espagnole et américaine, qui utilisent les solutions d’impression 3D de Meltio dans leur processus de fabrication et de réparation de pièces métalliques, cette technologie pourrait à terme connaître le même succès dans la Marine française :
« Nous sommes à un stade de dépassement des tests technologiques de l’imprimante 3D métal Meltio pour la Marine Nationale. Son état d’utilisation est expérimental. La Marine nationale française utilise cette machine Meltio à terre. La machine est installée sur notre base navale, l’Arsenal, située dans la ville de Toulon » explique Jean-Marc Quenez, directeur de l’innovation et de la fabrication additive au Service de Soutien de la Flotte (SSF) du ministère français de la Défense. « En mai 2024, nous avons réalisé l’exercice en mer Ursa Minor 2024, au cours duquel le porte-avions Charles de Gaulle nous a demandé, depuis son centre interne d’ingénierie navale, de réparer des pièces métalliques. C’est à ce moment-là que nous nous sommes tournés vers la technologie d’impression 3D de Meltio. Disons que cette machine remplit une fonction, pour l’instant expérimentale depuis la terre et en test, de téléassistance terre-mer. L’exercice a été un succès. Nous prévoyons de réaliser d’autres exercices de ce type dans les mois à venir et, à l’avenir, la Marine nationale envisage la possibilité d’incorporer ce type d’imprimante 3D métal à bord« .
Selon l’atelier I3D, l’exercice se serait avéré très enrichissant et l’expérience concluante. Respectant les cotes fonctionnelles, la pièce a été transmise au bord dans un délai court. Bien sûr, quelques reprises d’usinages ont été nécessaire pour obtenir un meilleur rendu esthétique et visuel.
Si on ignore quelle est la nature exacte de la pièce imprimée en 3D, l’atelier I3D a souligné les bénéfices de cette méthode : « Le recours à l’impression 3D métal permet de fournir des pièces entièrement denses pour différentes applications industrielles. » avant de conclure : « Ces pièces sont fabriquées à faible coût de production par centimètre cube. Par ailleurs la vitesse d’exécution et l’efficacité sont telles que la production est plus compétitive par rapport aux méthodes de fabrication traditionnelles. »
En 2022, la technologie DED de Meltio avait franchit une étape importante en permettant l’installation de la première pièce métal imprimée en 3D à bord de l’USS Bataan de l’US Navy. Couplée à une machine CNC de Phillips Corporation, celle-ci avait permis de réaliser une plaque de pulvérisation de remplacement pour un compresseur d’air de ballast (DBAC). La pièce avait pu être fabriquée en seulement 5 jours, contre plusieurs semaines habituellement.