Eprouvée déjà par un grand nombre d’applications sur terre et dans l’air, la fabrication additive se montre tout aussi à l’aise dans l’eau. C’est que tente à démontrer les essais menés en décembre dernier par la marine nationale sur une hélice imprimée en 3D sur Andromède, un navire de guerre chasseur de mines. Composé de cinq pales de 200 kg chacune, cet élément en alliage de cuivre est l’oeuvre de Naval Group, leader français de la construction navale de défense, et de son partenaire Centrale Nantes.
Fabriquée sur le site de production de Naval Group à Nantes-Indret, la pièce de 2,5 mètres de diamètre a ensuite été expédiée à la base navale de Brest pour équiper l’un de ses sept chasseurs de mines de la Force d’action navale. Soumises aux conditions d’utilisations très rudes des navires militaires (résistance aux chocs, corrosion…), les pales ont reçu la certification du Bureau Veritas.
Depuis plusieurs années déjà, Naval Group se penche sur la fabrication additive. On se souvient notamment qu’en 2018, la société avait collaboré avec Prodways pour embarquer une imprimante 3D à bord d’un bâtiment de la Marine nationale dans le but de tester les opportunités de cette technologie en opération. C’est quelques mois plus tard que l’industriel et son partenaire Centrale Nantes, avait dévoilé le prototype à grande échelle de cette hélice de bateau imprimée en 3D. Quant à la Marine Nationale, on se souvient qu’en 2020 celle-ci avait également recouru à l’impression 3D pour des boîtiers de commande pour ses avions de combat Rafale.
Pour réaliser une pièce d’une telle envergure, Naval Group s’est appuyé sur le procédé WAAM (Wire Arc Additive Manufacturing), une méthode de fabrication additive métallique qui consiste superposer des fils en métal soudés au moyen d’un arc électrique et d’un bras robotique. Cette technique qui avait été également employée pour l’hélice de RAMLAB aux Pays-Bas, permet la fabrication de pièces de plus grandes dimensions que le frittage laser limité lui, aux dimensions de son enceinte de construction. Le deuxième atout de cette méthode est qu’elle repose sur un fil métallique, un matériau plus abordable que les poudres métalliques, mais aussi plus rapide à imprimer.
« les pales en fabrication additive avaient des caractéristiques équivalentes, voire meilleures que les pales actuelles »
Plus habituée aux techniques traditionnelles de fabrication soustractives et de fonderie, l’industrie navale et maritime dispose avec la fabrication additive d’une opportunité formidable pour innover en concevant de nouveaux designs jusqu’alors irréalisables. Les améliorations attendues sont significatives, aussi bien en terme d’autonomie que de furtivité et de gain de poids. Les hélices imprimées en 3D sont plus légères et présentent une meilleure discrétion acoustique. La fabrication d’hélices creuses permettrait en outre d’intégrer des capteurs pour prévenir des pannes et des travaux de maintenance. Sur un matériau aussi onéreux que le cuivre, les économies de poids réalisées avec l’impression 3D sont loin d’être négligeables non plus. De 50 % avec les procédés de fabrication classique, ce surplus chuterait de 20% avec la fabrication additive.
Fort de ce premier succès, Naval Group envisage la création d’un nouveau catalogue de pièces issues de la fabrication additive. Des hélices bien sûr mais pas que… des carters aussi, des éléments internes de réacteurs nucléaires pour les sous-marins, ou encore des sous-ensembles de carlingages. « L’assemblage de cette hélice imprimée en 3D est très prometteur pour l’avenir. » Commente Eric Balufin, directeur du site du groupe naval de Brest. « Cette nouvelle technologie nous permettra de réduire considérablement les contraintes techniques, et donc de trouver de nouvelles solutions de fabrication pour des formes géométriques complexes qui ne peuvent être produites par des procédés conventionnels. Nos travaux et nos essais ont démontré que les pales en fabrication additive avaient des caractéristiques équivalentes, voire meilleures que les pales actuelles. »
Pour soutenir son développement dans la fabrication additive, Naval Group envisage d’investir pas moins de 7 millions d’euros par an dans cette technologie, contre 3 à 4 millions d’euros les années précédentes. Une partie de cette somme irait notamment à l’investissement d’une seconde machine de fabrication additive robotisée, pour doubler sa capacité de production.