Certes plus difficilement que dans d’autres secteurs mais sûrement, la fabrication additive continue de progresser dans l’industrie de la défense. C’est le cas notamment du secteur naval militaire qui d’année en année étend son utilisation pour assurer sa maintenance et moderniser ses équipements. De nombreuses marines dans le monde ont commencé à expérimenter les atouts de cette technologie pour réduire drastiquement les délais de la chaîne d’approvisionnement, les coûts de fabrication, mais aussi le poids des pièces, et donc in fine la quantité de matériau nécessaire.
À titre d’exemple, on se souvient qu’en janvier 2023, Naval Sea Systems (NAVSEA), qui est le plus grand des six commandements de systèmes, responsable de la construction, de l’achat et de l’entretien des navires de la marine américaine, avait donné son autorisation à l’un de ses principaux fournisseurs, la division Newport News Shipbuilding de Huntington Ingalls Industries, Inc. (HII), pour lui fournir certains composants imprimés en 3D destinés à ses navires de guerre à propulsion nucléaire.
Dernièrement c’est Hunt Valve, une société américaine spécialisée dans la production de vannes pour les secteurs de l’industrie et de la défense, qui a remporté un contrat auprès du Maritime Sustainment Technology Innovation Consortium (MSTIC) pour fabriquer des assemblages de vannes imprimés en 3D. Des pièces destinées à être installées sur les sous-marins de la marine américaine.
Selon Hunt Valve qui est une Filiale de la société Fairbanks Morse Defence, l’un des principaux fournisseurs de l’armée américaine, les valves seront imprimées dans un alliage de cuivre-nickel, et pèseront 70 livres (31 kg). Selon les protagonistes, la fabrication additive leur permettrait d’obtenir une qualité égale, voir même supérieure à celle obtenue avec le moulage au sable traditionnel, le tout avec un temps de production réduit d’environ 75 %.
Les quelques visuels (voir ci-dessous) publiés par Fairbanks Morse Defence montre clairement l’utilisation d’un système de fabrication additive métallique de type DED (dépôt de matière sous énergie concentrée). Son apparence laisser à penser qu’il s’agit de la technologie Wire Additive Manufacturing (WAM) du fabricant australien AML3D. On se souvient d’ailleurs qu’en 2023, le département américain de la Défense avait passé commande pour une ARCEMY® « X-Edition 6700 ». Une acquisition qui visait la fabrication de grandes pièces métalliques à la demande pour la base industrielle sous-marine de l’US Navy. Plus exactement son Centre d’excellence de fabrication additive (AM CoE) de Danville, en Virginie.
« L’utilisation d’assemblages de fabrication additive avec du cuivre-nickel pour la production de grandes vannes constitue un véritable pas en avant pour notre industrie« , a déclaré Andrew Pfister, vice-président du marché secondaire et du développement de produits chez FMD, dans un communiqué de presse. « Non seulement cela crée un produit supérieur en termes de qualité, mais le processus peut également réduire considérablement les délais de livraison. »
« En développant la fabrication additive, nous pouvons réduire les expéditions en provenance d’autres régions du monde et augmenter la vitesse de production dans notre pays »
L’une des raisons qui explique pourquoi la fabrication additive se déploie plus lentement dans le secteur naval militaire que dans d’autres secteurs, réside dans les niveaux de sécurité et de supervisions techniques des bâtiments. Ces derniers sont tels (à fortiori pour les sous-marins), que leur intégration met plus de temps.
Pour autant, et si jusqu’alors la marine américaine tirait parti de la fabrication additive pour des besoins de production à petite échelle, le contrat de Hunt Valve avec MSTIC devrait marquer un tournant dans l’augmentation des composants imprimés en 3D. En effet, selon ses termes, les assemblages de vannes sont désormais autorisés à être installés sur toutes les classes de sous-marins de l’US Navy.
Il faut savoir que les programmes de l’US Navy sont affectés par des retards importants de livraisons de l’industrie navale américaine. Son plus récent porte-avions pourrait même subir un retard de 2 ans. C’est dans ce contexte que le Pentagone a dernièrement réclamé qu’elle accélère la production de certains navires essentiels, tels que les destroyers Arleigh Burke, les sous-marins nucléaires d’attaque Virginia et les frégates Constellation. Par son agilité et sa liberté de conception, la fabrication additive apparaît donc comme l’une des solutions clefs pour rattraper une partie de ce retard.
En février 2023, l’US Navy avait fait part d’une initiative visant à examiner 5 500 pièces pour envisager leur impression 3D. Des pièces métalliques dont Matt Sermon, directeur exécutif du Program Executive Office for Strategic Submarines, expliquait qu’elles posent des problèmes de calendrier pour les nouvelles constructions et les disponibilités de maintenance pour les sous-marins et les navires. Selon lui, six matériaux seraient responsables de 70 % des retards de livraison.
En effet, comme nombre d’industries, le secteur est confronté à des problématiques d’approvisionnement et de dépendance à l’égard de certains métaux. On sait par exemple que les États-Unis n’ont plus la capacité nationale de produire de grandes pièces moulées en titane à haute performance. Le défi de l’US Navy consiste à déterminer lesquelles de ses pièces sont les plus pertinentes pour l’impression 3D et d’enclencher un processus de certification.
« Les technologies innovantes telles que la fabrication additive sont essentielles pour construire la base industrielle sous-marine afin de surmonter les défis de la chaîne d’approvisionnement. » abonde Andrew Pfister avant de conclure : « En développant la fabrication additive, nous pouvons réduire les expéditions en provenance d’autres régions du monde et augmenter la vitesse de production dans notre pays, ce qui a un impact positif sur l’objectif stratégique global de la Marine visant à fournir une flotte de plus de 300 personnes.«