La crise économique et sanitaire engendrée par la pandémie du Covid-19 a remis un coup de projecteur inattendu sur l’impression 3D. Si la couverture médiatique semble loin du battage que nous avions connu en 2013 avec le boom de l’impression 3D personnelle, l’ensemble des acteurs profitent aujourd’hui d’un regain de visibilité indéniable. Dans un contexte de pénurie de matériel médical, la fabrication additive fait aujourd’hui la démonstration de sa maturité en apportant une réponse rapide aux besoins en équipements des établissements de santé. Soumis à des contraintes réglementaires moins strictes, les masques à visières sont imprimés en grande quantité, tout comme les ouvre-porte, les presse-bouton et autre accessoires visant à limiter les contacts directs avec le virus. Plusieurs fabricants d’imprimantes 3D se mobilisent également pour fournir des pièces plus critiques telles que des valves de respirateurs, ou des écouvillons nasaux pour le dépistage.
Si la mise en exergue de notre dépendance à la Chine et la vulnérabilité de nos chaînes d’approvisionnement par cette crise, laisse entrevoir de formidables opportunités pour l’impression 3D pour tout un pan de l’industrie, elles soulèvent aussi de nombreuses questions sur son impact à court-moyen terme sur le marché. Face à cette situation exceptionnelle le cabinet britannique Context a mobilisé ses experts pour apporter un début de réponse. Dans un rapport intitulé « COVID-19 concerns make 2020 3D printer sales outlook challenging », la société d’analyse explique comment cette situation a poussé (à juste titre) de nombreux fabricants d’imprimantes 3D à se détourner de leur activité première, en passant de la fabrication de machines, à la production d’EPI (équipements de protection individuelle) et de dispositifs médicaux pour faire face à la pandémie.
« En concentrant les efforts sur la production de fournitures médicales indispensables, on s’est éloigné de la production et de la vente d’imprimantes pour se tourner vers les entreprises de services et l’infrastructure des bureaux de services. Ce recentrage et les contraintes de l’offre et de la demande attendues dans les semaines à venir – semble faire de 2020 une année difficile pour les expéditions d’imprimantes 3D, » a déclaré Chris Connery, vice-président de l’analyse globale chez CONTEXT. « Alors que COVID-19 n’avait pas encore eu d’impact, les expéditions mondiales d’imprimantes 3D étaient déjà anormalement faibles au quatrième trimestre 2019. Pour de nombreux fabricants – en particulier ceux qui se concentrent sur les imprimantes industrielles ou de design de classe de prix – ce ralentissement était associé à un marché automobile faible, à un secteur manufacturier généralement faible et à des économies asiatiques et européennes atones. »
« Il existe un grand potentiel pour le marché des imprimantes 3D puisque la capacité de cette technologie à répondre aux besoins immédiats »
Selon les données récoltées par le cabinet d’étude, la plupart des catégories d’imprimantes 3D classés comme suit : Industrielle (≥ 100K$), Design (20K-$100K), Professionnelle (2,5K-$20K), Personnelle ( ≤ 2,5K$ ; qui exclut les imprimantes grand public en kit ) ont connu une baisse de 11 à 23 % au quatrième trimestre 2019 par rapport à l’année précédente. Seule la catégorie professionnelle a augmenté de 26 %. Sur l’ensemble de l’année Context rapporte que les livraisons industrielles ont augmenté de 1 %, tandis que de la catégorie professionnelle a crû de 16 %. Si le segment du design est en baisse, le marché des imprimantes personnelles 3D montées et ses principaux représentants XYZPrinting, Prusa Research, Monoprice, Anycubic et Flashforge, se montre stable. Particulièrement difficile à estimer, le marché des machines grand public en kit reste quant à lui largement dominé par le chinois Creality 3D. Selon Context, le nombre de kits expédiés en 2019 était presque deux fois plus élevé que celui des imprimantes montées mais, si elles étaient comprises dans le total annuel, les ventes sur ce marché nébuleux auraient augmenté les revenus mondiaux de seulement 9 %.
Pour les segments « Design et Industriel » qui représentaient à eux seuls 78% de tous les revenus générés par la vente d’imprimantes 3D, le total des livraisons a diminué de 3% pour 2019. Malgré la dynamique du segment métal qui gagne encore 4 % de croissance par apport à l’année précédente, Context note une baisse de 10% sur les imprimantes de fusion à lit de poudre traditionnelles. Ce résultat s’expliquerait par la montée en puissance des solutions à dépôt de fil de type Mim-Like (Desktop Metal, Markforged…) et les systèmes à dépôt d’énergie dirigée. Le groupe Chinois HDB qui affiche de solides performances sur son marché intérieur tiendrait également une part importante dans ses résultats. En dépit de très bons chiffres de HP et UnionTech sur le segment polymère, le géant américain Stratasys reste large leader, malgré des expéditions qui ont chuté de 12% en 2019.
Dans son rapport Context explique enfin comment le ralentissement des marchés clefs de l’impression 3D (aérospatiale, dentisterie, automobile…) risque d’impacter à la baisse les ventes de machines. D’autant que du côté de l’offre, les composants clés des imprimantes, comme de nombreux autres produits électroniques, proviennent de Chine, une région très touchée par la pandémie qui sort doucement de la crise. Selon le cabinet d’étude, les fournisseurs de matériel pensent maintenant en termes de semaines et de trimestres plutôt qu’en années, et les prévisions globales actuelles montrent que les segments Industriel et Design devraient connaître une baisse des expéditions de 4% de 2019 à 2020, et ce, même en tenant compte d’une reprise au 2ème semestre.
Si Context prévoit des baisses dans chaque segment pour l’année 2020, celle-ci sont relativement faibles comparées à 2019. Les cabinet s’attend à ce que chiffres repartent progressivement à la hausse, région par région, avant que les marchés ne commencent à se redresser. Malgré les incertitudes, le cabinet souligne le potentiel de l’impression 3D à répondre aux nombreux défis posés par cette crise, notamment en terme de relocalisation. « Il existe un grand potentiel pour le marché des imprimantes 3D puisque la capacité de cette technologie à répondre aux besoins immédiats de la communauté médicale a été démontrée dans le monde entier. Les réponses à la pandémie démontrent également que l’utilisation de l’impression 3D pour la production locale, au lieu de s’appuyer sur des chaînes d’approvisionnement multinationales complexes, peut aider de nombreuses entreprises à atténuer les risques futurs. »