Accueil » Marché de l'impression 3D » Pourquoi les expéditions d’imprimantes 3D industrielles continuent de plonger en 2024 ?

Pourquoi les expéditions d’imprimantes 3D industrielles continuent de plonger en 2024 ?

infographie sur les ventes d'imprimantes 3D au 3ème trimestre 2024

Il y a t-il une chance pour que l’impression 3D finisse l’année 2024 sous de meilleurs auspices ? Il semblerait que non. Sans surprise, les derniers chiffres de Context sont venus confirmer le climat de morosité dans lequel le marché se trouve actuellement plongé.

Les mauvais résultats enregistrés par les expéditions d’imprimantes 3D industrielles au premier semestre se sont poursuivis au 3ème trimestre. Selon un rapport publié aujourd’hui par le cabinet britannique, cette période a confirmé la mauvaise santé du marché.

Dans un contexte de climat difficile émaillé par des résultats financiers faibles, de licenciements, des changements de direction, des réductions opérationnelles et des fusions et acquisitions controversées, les expéditions de systèmes industriels (100 000 $ et plus) et de milieu de gamme (20 000 $ à 100 000 $) ont chuté respectivement de −24 % et de −8 % d’une année sur l’autre.

En dépit de ces résultats décevants, l’analyste britannique relève tout de même quelques signaux positifs. « Il y a eu quelques lueurs d’espoir », commente Chris Connery, vice-président de l’analyse mondiale chez CONTEXT. « Les ventes dans la catégorie de prix Professionnel (entre 2 500 et 20 000 USD) n’ont que légèrement baissé par rapport à l’année précédente (−1 %) et les expéditions d’imprimantes d’entrée de gamme (moins de 2 500 USD) ont continué d’augmenter, augmentant de 28 % d’une année sur l’autre (YoY). « Certains fournisseurs du secteur industriel en difficulté ont même connu du succès, car Eplus3D et Nikon SLM Solutions ont tous deux connu le succès avec leurs machines de fusion sur lit de poudre métallique (PBF) multi-laser ultra-avancées et à volume de fabrication élevé. »

Les expéditions mondiales d’imprimantes 3D par catégorie de prix

Au troisième trimestre, les analystes de Context ont donc confirmé la mauvaise forme des expéditions de systèmes industriels, lesquels ont chuté de – 24 %, participant à une baisse annuelle de – 19 % pour les douze derniers mois. Une réduction dont on apprend qu’elle touche l’ensemble des technologies d’impression et des matériaux dans la catégorie industrielle.

Dans le détail, à l’échelle mondiale, les expéditions de systèmesindustriels métal et polymère ont respectivement chuté de – 24 % et −25 %. Bien que certains fournisseurs chinois, plus exactement ceux spécialisé dans le PBF métal (fusion sur lit de poudre métallique), aient observé une légère croissance, le recul global des expéditions reste marqué, avec des baisses de – 37 % en Chine, – 25 % en Amérique du Nord et – 13 % en Europe occidentale.

Les systèmes industriels polymère

Au troisième trimestre 2024, le plus grand défi dans ce segment a de nouveau été celui des systèmes à photopolymérisation en cuve. Les expéditions ont chuté de -30 % en glissement annuel.
Context rapporte que sur les 12 derniers mois, les expéditions globales d’imprimantes à polymères industriels ont chuté de -29 %, tandis que celles de photopolymérisation en cuve de polymères ont chuté de -42 %.

Les deux leaders mondiaux de ce segment que sont les fabricants UnionTech (qui expédie principalement en Chine) et 3D Systems (qui expédie principalement en Occident), ont vu leurs expéditions chuter fortement.

Sur les causes de ce recul inquiétant, les deux sociétés pointent du doigt une baisse de la demande sur le marché dentaire comme la principale raison de ce déclin. « D’autres technologies industriels polymère ont également été mises à rude épreuve au cours de cette période, avec des baisses d’expéditions d’une année sur l’autre pour les systèmes basés sur Power Bed Fusion en baisse de −15 %, l’extrusion de matériaux en baisse de −15 % et les expéditions de Material Jetting en baisse de −43 %. » indique Context.

Les systèmes industriels pour le métal

Alors qu’au premier semestre, le fort ralentissement du marché avait été compensé par les bons résultats des systèmes métal industriels, ça n’a pas été le cas au troisième trimestre. Context rapporte que si les ventes de systèmes à jet de liant ont le mérite d’être restées stables, les expéditions des autres technologies d’impression 3D métal ont reculé. Représente 74 % des nouveaux systèmes, le segment des machines à fusion laser sur lit de poudre a connu une baisse notable de 24 % par rapport à l’année précédente.

De leur côté, les expéditions d’imprimantes de type DED (dépôt de matière sous énergie concentrée), le deuxième segment le plus important, ont chuté de 18 %. Malgré ce contexte difficile, le chinois Eplus3D, un fabricant chinois spécialisé dans les imprimantes 3D métal multi-lasers, a pris la tête du marché mondial en termes d’unités expédiées, avec une augmentation remarquable de 41 % de ses expéditions.

Un des faits marquants réalisé sur ce segment justement, est à mettre au crédit d’Eplus3D. L’entreprise a expédié l’une des plus grandes machines PBF laser, laquelle offre un volume fabrication de plus d’un mètre de haut. Tout laisse à penser qu’il s’agit donc de son système grand format EP-M2050. Un mastodonte à 64 lasers.

Parallèlement, Nikon SLM Solutions a vu les expéditions de ses machines multi-lasers de la série NXG continuer à s’accélérer, consolidant ainsi sa position de leader mondial en termes de part de marché dans cette catégorie.

Dans le peloton de tête, le britannique TRUMPF et l’allemand Renishaw, ont également enregistré une belle croissance, rejoignant ainsi Eplus3D comme les rares entreprises du top 15 à afficher des résultats positifs.

En revanche, si on regarde les revenus, c’est EOS qui décroche la palme de leader du marché, suivi de Nikon SLM Solutions.

Toujours sur le segment des machines PBF métal industrielles, sur le plan régional, la mauvaise conjecture a aussi bien impacté les fournisseurs chinois et occidentaux qui ont vu leurs ventes chuter. Il apparaît que les expéditions globales des fournisseurs chinois, qui sont principalement destinées au marché intérieur, ont diminué de −26 % par rapport à l’année précédente.

Mais il y a eu des variations significatives. Au cours du trimestre, Eplus3D a expédié plus d’imprimantes d’une année sur l’autre alors que la plupart des autres sociétés chinoises qui ont connu des baisses significatives d’une année sur l’autre.

Les imprimantes 3D milieu de gamme

Au troisième trimestre 2024, la réduction des dépenses dans la catégorie des systèmes industriels a nettement impacté le segment milieu de gamme. Cela s’est traduit par une baisse de 8 % des expéditions en glissement annuel.

Bien que Stratasys ait maintenu sa part de marché, on apprend que l’entreprise a souffert de faibles performances sur certaines lignes, notamment les imprimantes de type FFF (extrusion). De son côté, son homologue 3D Systems, confronté à des difficultés persistantes, a reculé à la sixième place dans cette catégorie de prix, signalant une érosion continue de son influence.

Fidèle à ce qui commence à devenir une habitude, ce sont les fabricants chinois qui ont réussi à sortir leur épingle du jeu. UnionTech, ZRapid Tech et Flashforge, ont surperformé par rapport à leurs concurrents occidentaux.

Là où ces derniers ont vu leur expédition chuté de 24 %, celles des fournisseurs chinois ont bondi de 46 % sur un an. Fait intéressant, la raison pour laquelle Flashforge s’est particulièrement distingué ce trimestre, tient dans une demande accrue pour ses imprimantes à jet de matériaux WaxJet, portées par une dynamique du marché de la bijouterie.

Les systèmes professionnels

Confirmant ce qui avait été observé au premier semestre, le rebond de la catégorie professionnelle a été presque entièrement tiré par Formlabs. Bien que les expéditions globales du T3-24 soient toujours en baisse de −1 % en glissement annuel et de −20 % sur une base TTM, le déploiement extrêmement réussi de la nouvelle plateforme de photopolymérisation LFD a fait bondir ses ventes de 26 % par rapport à la même période en 2023.

« Dans le même temps, les ventes d’imprimantes 3D FFF dans cette gamme de prix, ont continué d’être comprimées par des produits d’entrée de gamme aux caractéristiques similaires et à prix inférieur, ce qui a entraîné une baisse de −28 % des expéditions d’imprimantes FDM/FFF
professionnelles au cours du trimestre. » explique Context.

Les machines d’entrée de gamme

Confirmant les bons chiffres du premier semestre, les expéditions d’imprimantes d’entrée de gamme se porte admirablement bien. Le cabinet d’études rapporte une augmentation de 28 % en glissement annuel au T3-24 et de 43 % sur une base TTM.

Si la croissance a ralenti pour Creality et, bien qu’elle ait continué à dominer la catégorie de prix, des entreprises telles que la start-up Bambu Lab et l’acteur de longue date Flashforge ont gagné des parts de marché.

Quelles sont les perspectives pour 2025-26 ?

Dans son dernier rapport, Context s’attarde également sur les défis et bouleversements auxquels le marché est actuellement confronté, en s’attardant sur certains acteurs clés du secteur. Plusieurs entreprises traversent des périodes difficiles, marquées par des défaillances et des complications liées à des opérations de fusions et acquisitions.

Parmi les sagas du moment, celle de Desktop Metal, Markforged et Nano Dimension truste l’actualité. Ce dernier, en particulier, a récemment procédé à des changements significatifs dans sa direction et son conseil d’administration, remettant en question la viabilité de ses projets d’acquisition.

D’autres fournisseurs, dont BigRep et Prodways, ont également connu des changements de direction, tandis que voxeljet, acteur de longue date, a annoncé son intention de vendre à une société d’investissement technologique. Par ailleurs, Nexa3D a considérablement réduit ses opérations et Velo3D a apparemment été récemment sauvé du bord de la faillite.

« Bien que ce chaos ait eu des répercussions importantes, des analyses récemment mises à jour montrent que 2024 dans son ensemble a été encore plus fortement affectée par des taux d’intérêt élevés et par la suite par des dépenses d’investissement réduites », a déclaré Chris Connery. « Il semble donc que les chiffres de l’année entière soient susceptibles d’être proches des plus bas observés au plus fort des confinements liés à la pandémie en 2020, avec au moins −12 % de moins d’imprimantes industrielles expédiées dans le monde en 2024 qu’en 2023. »

moules fabriqués avec la technologie d'impression 3D de sable de voxeljet

Sans grande surprise, Context ne s’attend pas à ce que le marché parvienne à se redresser au dernier trimestre. Selon ses analystes, les expéditions mondiales de systèmes milieu de gamme sont en passe de baisser de −8 % sur l’ensemble de l’année.

À l’inverse, il est probable que le segment d’entrée de gamme, en plein essor (mais en baisse), termine 2024 avec une augmentation de 30 % en glissement annuel des expéditions mondiales annuelles.

L’une des explications de Context, est que de nombreux acteurs s’attendent à ce que les taux d’intérêt récemment abaissés seront encore réduits en 2025, ce qui contribuera à accélérer les dépenses d’investissement d’ici le second semestre de 2025 et entraînera une croissance de 14 % des expéditions de systèmes d’impression industriels sur l’ensemble de l’année 2025.

Selon le cabinet d’étude, les expéditions d’imprimantes milieu de gamme suivantes devraient désormais augmenter de 12 % en 2025, tandis que les expéditions de systèmes professionnels de 6 %.

La reprise la plus prometteuse est attendue sur le long terme, avec des projections pour 2026 qui prévoient une croissance annuelle solide à deux chiffres. Les estimations de Context tablent sur des taux de progression annuelle dépassant les 30 à 40 % sur un horizon de cinq ans, reflétant un retour en force de l’ensemble des secteurs.

« Pour mettre cela en contexte, notez que le marché a fortement rebondi après la crise du Covid, les fournisseurs ayant répondu à une demande refoulée : entre 2020 et 2021, les expéditions d’imprimantes 3D industrielles ont augmenté de 30 % et celles des systèmes milieu de gamme de 26 % », a déclaré Chris Connery avant de conclure. « Cependant, l’impact d’un changement de gouvernement américain reste à déterminer : alors que la nouvelle administration se concentre généralement sur l’accélération du potentiel commercial, l’inflation persistante et les restrictions d’importation inconnues tempèrent l’optimisme. »

Alexandre Moussion