Relativement petit par rapport à d’autres secteurs d’activité, le marché de l’impression 3D présente un potentiel de croissance néanmoins considérable dont les grands noms de l’industrie ont compris l’importance de s’en saisir. Le dernier en date est le géant de l’acier ArcelorMittal.
Propriété du milliardaire indien Lakshmi Mittal, le groupe sidérurgique aux 80 milliards de dollars de chiffre d’affaires, a récemment officialisé son entrée sur le marché de la fabrication additive métallique en tant que fournisseur de poudre d’acier. La société révèle avoir construit un atomiseur de gaz inerte à l’échelle industrielle à Aviles, en Espagne. Le lancement de la production est annoncé pour janvier 2024.
Commercialisée sous la marque AdamIQ, la nouvelle gamme de produits d’ArcelorMittal, englobera une variété d’aciers inoxydables (316L, 430L, 17-4PH), des aciers à outils (H11, H13, M300) et des aciers faiblement alliés (un alliage biphasé ; équivalent 4140). Quant à la compatibilité des matériaux, elle sera très large puisqu’elle concerne tous les procédés actuels de fabrication additive métallique utilisant de la poudre, tels que la fusion laser sur lit de poudre (LPBF), le jet de liant (BJ) et le dépôt de matière sous énergie concentrée (DED). Les poudres seront disponibles dans une gamme de tailles adaptées à toutes les technologies additives à base de poudre présentes dans des industries manufacturières telles que l’aérospatiale, la défense, l’automobile, le médical et l’énergie.
Si l’aluminium et ses alliages sont très appréciés en fabrication additive pour réaliser des pièces à la fois légères et solides pour de nombreuses industries comme l’automobile, l’énergie ou le high-tech, Lakshmi Mittal n’en fait pas une priorité. L’entreprise revendique son savoir faire et son expertise dans le domaine de l’acier (en particulier l’acier inoxydable 316L) qui lui permet d’aller au delà des idées préconçues sur ce matériau.
Le PDG d’ArcelorMittal Powders, Colin Hautz, évoque l’utilisation de logiciels d’optimisation topologique supérieures aux solutions standards du marché. Il cite l’exemple d’un projet mené avec l’Université de Nebrija, où un châssis d’environ huit kilos, a d’abord été remplacé par un châssis en aluminium pesant 5,6 kilos, lequel a été optimisé par ArcelorMittal pour réduire encore son poids à seulement 3,9 kilos en utilisant de l’acier.
« L’industrie de la fabrication additive a connu une croissance phénoménale au cours de la dernière décennie et devrait continuer à connaître une croissance à deux chiffres au cours des 10 prochaines années. Bien que la production de poudres d’acier soit une nouvelle aventure pour ArcelorMittal, nous sommes convaincus que notre expertise métallurgique et notre approche basée sur des solutions fourniront à nos clients le soutien dont ils ont besoin pour améliorer la qualité et la fiabilité de leurs projets de fabrication additive. » a déclaré Gregory Ludkovsky, directeur général de la recherche et du développement mondial chez ArcelorMittal.
« Nous pensons que l’acier a un grand potentiel pour devenir le matériau de choix pour la fabrication additive »
En ce qui concerne sa capacité, l’atomiseur permettra une production substancielle par lots, avec des quantités variant de 200 kg à 3 tonnes, et une capacité annuelle initiale qui atteindrait 1 000 tonnes. ArcelorMittal entend ainsi répondre aux besoins croissants du marché, plus spécifiquement à ceux de ses partenaires de longue date de l’industrie automobile.
L’entreprise qui jusqu’ici ne proposait pas d’offre en matière de fourniture de poudres pour la fabrication additive, veut donc combler ce déficit pour maintenir ses clients existants et en attirer de nouveaux. Cela requiert des volumes de production assez importants de poudres d’acier, mais aussi de pouvoir assurer une qualité, une fiabilité et une traçabilité constantes, conformément aux normes et spécifications rigoureuses de l’industrie de la fabrication additive.
Par ailleurs le géant de l’acier doit être conscient des besoins croissants de la fabrication additive en termes de poudre métallique. Non seulement, les systèmes sont des plus en plus productif, mais proposent des volumes de production de plus en plus gros. Ces deux dernières années ont été marquées par l’arrivée de solutions très grand format permettant désormais d’imprimer des pièces au-delà du mètre. Les systèmes dévoilées par Nikon SLM Solutions (3,0 x 1,2 x 1,2 mètre ) et Bright Laser Technologies (1200 mm x 600 mm x 1500 mm), témoignent de cette évolution.
« Nous sommes fiers de lancer ArcelorMittal Powders, une nouvelle unité commerciale qui reflète notre vision d’être à la pointe de l’innovation et de la durabilité dans l’industrie sidérurgique. En produisant et en fournissant des poudres d’acier pour la fabrication additive, nous élargissons notre portefeuille de matériaux et de solutions avancés pour l’avenir de la fabrication. Nous pensons que l’acier a un grand potentiel pour devenir le matériau de choix pour la fabrication additive, grâce à sa polyvalence, ses performances et sa durabilité », ajoute Gregory Ludkovsky.
L’autre info intéressante dévoilée par ArcelorMittal, est que son atomiseur générera des poudres à partir de ferraille d’acier. Une processus plus vert, conforme à son engagement en faveur du développement durable et de la décarbonation, qui ira jusqu’à inclure la consommation d’électricité renouvelable et de gaz industriels issus de sources d’énergie renouvelables, avec également l’engagement d’utiliser des emballages recyclés et recyclables. Une initiative qui vient en rejoindre d’autres, notamment celle de 6 K, une jeune entreprise américaine du Massachusetts, qui a mis au point un procédé particulièrement innovant qui permet d’utiliser des matériaux recyclés pour l’impression 3D métal, comme des rebuts d’usinage CNC, des structures de support métallique, et même des impressions défectueuses.
« nous sommes maintenant prêts à augmenter notre production et à offrir à nos clients et partenaires une source fiable et compétitive de poudres d’acier de haute qualité »
Pouvant apparaître comme soudain, ce nouveau tournant pris par ArcelorMittal cache en fait des incursions antérieures en fabrication additive. Bien sûr, le géant de l’acier ne découvre pas cette technologie. Son engagement dans la production de poudre d’acier remonte à avant 2017, avec le lancement d’un atomiseur pilote dans son laboratoire de fabrication additive à Avilés. A cette période, la société était également impliquée dans la création du Centre des technologies de production additives et numériques avancées du MIT. Deux ans plus tard, elle a commencé à soutenir l’incubateur espagnol d’impression 3D, IAM 3D HUB.
Ce qu’on sait également moins, c’est que le géant de l’acier a collaboré avec des acteurs bien connus de l’impression 3D, parmi lesquels le néerlandais MX3D. Un rapprochement effectué dans le cadre de son projet de pont d’acier imprimé en 3D. Assez discret sur le sujet, ArcelorMittal utilise également la fabrication additive dans ses usines. On se souvient qu’en janvier 2022, la société avait révélé qu’elle utilisait la fabrication additive métallique (de type WAAM) pour effectuer des réparations et imprimer des pièces de rechange.
Enfin, lui et Schneider Electric, le spécialiste mondial en gestion de l’énergie, ont annoncé cet été un partenariat visant à créer un campus d’enseignement supérieur dédié à la fabrication intelligente. Celui sera construit à Ahmedabad, la plus grande ville de l’État du Gujarat.
« La fabrication additive est un domaine dans lequel nous investissons et renforçons nos capacités depuis plusieurs années, et nous sommes maintenant prêts à augmenter notre production et à offrir à nos clients et partenaires une source fiable et compétitive de poudres d’acier de haute qualité », a commenté Colin. Hautz, PDG d’ArcelorMittal Powders, avant de conclure « Depuis notre usine en Espagne, nous proposerons une gamme de poudres d’acier adaptées aux besoins de nos clients. Une technologie aussi innovante et disruptive que la fabrication additive nous permet non seulement de réfléchir aux changements dans le processus de conception et de fabrication de nombreuses pièces et composants que nous utilisons aujourd’hui, mais également d’exploiter l’une des caractéristiques intrinsèquement durables de l’acier : sa recyclabilité. »
Si on ignore dans quelle proportion, l’arrivée d’un acteur aussi important ArcelorMittal, ne peut être que bénéfique à l’industrie de la fabrication additive, notamment par l’impact qu’il pourrait avoir sur le coût des poudres métalliques, mais aussi l’élargissement à de nouveaux alliages. Par exemple, la difficulté actuelle à laquelle sont confrontés les concepteurs pour les aciers maraging (des alliages à haute résistance), réside dans la réalisation d’une limite d’élasticité très élevée et d’une bonne ductilité qui sont obtenues en ajoutant plusieurs pourcentages de cobalt et de molybdène. Cependant, le cobalt est un élément d’alliage coûteux et dont l’approvisionnement n’est pas fiable. Une situation qui ne vas pas aller en s’arrangeant, pour la simple et bonne raison qu’il est un composant essentiel dans la fabrication des batteries de voitures électriques. Par conséquent, le cobalt est d’ores et déjà exposé à de fortes tensions sur l’approvisionnement.
Pour surmonter cette contrainte liée au cobalt, ArcelorMittal ambitionne donc de produire des aciers maraging sans cobalt. Un matériau dont on devine qui pourrait être particulièrement intéressant pour les secteurs de l’aérospatial et médical, mais aussi pour la fabrication d’outils et de pièces nécessitant une haute résistance mécanique, sans dépendre du cobalt coûteux.
Selon un rapport de Transparency Market Research, le marché des poudres de fabrication additive métallique était évalué à 466 millions de dollars en 2022 (sur un marché global de 6,84 milliards de dollars). Avec un TAC de 21,5 %, celui-ci devrait atteindre les 2,7 milliards de dollars d’ici 2031. Stimulées par l’essor de la fabrication additive, les poudres métalliques sont de plus en plus demandées dans le secteur automobile en raison de la demande croissante de véhicules légers, plus économes en carburant. Dans le secteur aérospatial, elles contribuent à réduire le poids des aéronefs et engins spatiaux, ce qui améliore le rendement énergétique.