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6K recycle les déchets métalliques en poudre de fabrication additive haute performance

Tuyère de fusée imprimée par Castheon avec de la poudre 6K (crédits photo 6K)

Au-delà des qualités intrinsèques d’une imprimante 3D, celles des matériaux employés jouent on le sait un rôle important dans les propriétés du produit final. Pour les systèmes de fabrication additive à lit de poudre, la sphéricité et la porosité des grains, ainsi que leur répartition, font partie des nombreuses caractéristiques qui conditionnent le résultat final, mais aussi le prix du matériau. Les poudres métalliques – qui plus est lorsqu’il s’agit de métaux techniques ou précieux – au-delà même du prix élevé de la matière première, sont particulièrement coûteux à produire. Plusieurs traitements sont nécessaires pour passer de la matière première à l’état de poudres frittables. C’est ainsi que les poudres métalliques peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros au kilo.

Pour contourner ce problème, une jeune entreprise américaine du Massachusetts du nom de 6K (anciennement Amastan Technologies), a mis au point un procédé particulièrement innovant qui permet d’utiliser des matériaux recyclés pour l’impression 3D métal, comme des rebuts d’usinage CNC, des structures de support métallique, et même des impressions défectueuses. Pour valoriser ces déchets, ce fabricant utilise un système permettant de broyer, nettoyer, presser, puis de sécher la matière première, pour ensuite la transformer à l’aide sa technologie Unimelt®.

Là où la plupart des fabricants de poudres utilisent des techniques d’atomisation à l’eau ou au gaz, 6K a développé un procédé par micro-ondes capables de générer un plasma de 6 000 K (5778 ° C pour être exact), soit la même température que la surface du soleil. Grâce à cette approche, l’entreprise affirme pouvoir contrôler très précisément les températures pendant le traitement, et ainsi créer des poudres presque parfaitement sphériques pour des pièces denses et sans défauts. Plus intéressant encore, son procédé permettrait de produire des alliages inhabituels à haute entropie, (alliages constitués d’au moins cinq métaux) impossible à produire avec les autres méthodes. 

Pendant que la concurrence produit sa poudre avec une efficacité de seulement 10 à 20 %, 6K Additive revendique de son côté une efficacité de 90% ! Son processus est également très rapide. Il ne faudrait pas plus de 2 secondes pour fabriquer un lot de matériau, soit 1/100 000e du temps des autres processus d’atomisation. L’autre atout de la technologie UniMelt, est qu’elle est particulièrement économe, n’utilisant qu’un cinquième de la quantité de gaz habituellement consommée. De quoi faire considérablement baisser le prix des poudres, mais aussi tendre vers un mode de production beaucoup plus durable.

« Ce procédé fournira à l’armée américaine un approvisionnement national sûr et traçable de matériaux critiques »

Unité de production de poudres métalliques

Unité de production de poudres métalliques UniMelt (crédits photos : 6K )

L’autre atout de la méthode employée par 6K réside dans sa capacité à recycler les restants de poudres métalliques qui n’ont pas été imprimées. En effet, il faut savoir que les procédés à fusion laser sur lit de poudre n’utilisent qu’une fraction du matériau pour imprimer la pièce finale. Comme le bac d’impression doit être entièrement recouvert de poudre, le produit ne représente que 10% de la densité du bac rempli, soit 10 kg de matière pour produire une pièce de 1kg. Le problème est que la poudre à proximité de l’impression, et c’est encore plus vrai avec le métal, à tendance à s’agglomérer. Ce restant de poudre altéré, non seulement 6K Additive promet de la rendre à nouveau imprimable, mais de meilleure qualité que son état d’origine.

Sans surprise, plusieurs grands noms de l’industrie ont déjà manifesté leur intérêt pour cette capacité de recyclage. C’est le cas de la start-up aérospatiale Relativity Space qui a souhaité s’associer à 6K pour fabriquer à moindre coût ses fusées, mais aussi développer de nouveaux matériaux spécifiques. Plus récemment, la société a reçu un autre soutien de poids, celui du Département de la Défense des États-Unis. Sa « Defense Logistics Agency » qui est l’agence en charge de fournir du matériel aux forces armées nationales et d’assurer l’acquisition de pièces de rechange d’armes et des munitions, a versé près d’un million de dollars à 6K pour soutenir son développement. Objectif de l’opération : établir une capacité nationale de récupération et de conversion des métaux critiques des déchets de défense en poudre de fabrication additive de première qualité.

« L’utilisation de la plateforme plasma micro-ondes UniMelt® exclusive de 6K, issue du programme, démontrera la capacité de 6K à fournir, traiter et récupérer les composants de ferraille de superalliages de nickel, les déchets d’atelier et les poudres usagées pour les convertir en poudres de qualité aérospatiale. Les nouvelles poudres seront utilisées pour la fabrication additive de pièces imprimées discrètes et réelles qui démontreront leur fonctionnalité dans des bancs d’essai ou des systèmes. » Commente l’entreprise.

6K Additive revendique son système de production de plasma comme le seul capable de convertir des déchets métalliques de grande valeur et de formes diverses en poudres métalliques de haute performance pour la fabrication d’additive, le moulage par injection de métaux et d’autres techniques de production de la métallurgie des poudres. « Et ce faisant, il permet pour la première fois d’accéder à un vaste approvisionnement national de métaux et d’alliages d’importance stratégique tels que le nickel et le titane provenant d’ateliers d’usinage, d’exploitations d’os et de sources d’autres matériaux usagés qui sont essentiels à la mission du combattant moderne. » ajoute 6K Additive. « Ce procédé fournira à l’armée américaine un approvisionnement national sûr et traçable de matériaux critiques tout en éliminant les anomalies de performance inattendues dues à un approvisionnement douteux à l’étranger. »

Cet été 6K Additive a mis en service ses deux premières unités UniMelt dans sa nouvelle usine de fabrication ultramoderne de 3700 m2 située à Bugettstown. Les premiers échantillonnages de matériaux porteront sur de l’Onyx In718 et de l’Onyx Ti64. La méthode développée par 6 K est compatible avec de nombreux autres matériaux comme les céramiques et les thermoplatiques, et procédés de fabrication additive comme le PBF (Powder Bed Fusion), le DED, le MIM et le jet de liant. Des polymères à haute température, comme le PEEK, ont également été testés à titre expérimental.

Schéma du processus de production d'UniMelt

Schéma du processus de production par plasma micro-ondes d’UniMelt. (crédits image 6K)

Alexandre Moussion