Indissociable des performances des imprimantes 3D et de leur diversité d’applications, les matériaux sont un moteur clef de la fabrication additive. Les nombreuses innovations, en particulier dans le domaine des filaments stimule la croissance de cette technologie. La diversité des filaments d’impression 3D a littéralement explosé ces dernières années, répondant aujourd’hui beaucoup mieux aux attentes des professionnels. Fut un temps presque exclusivement cantonné au prototypage, ils s’ouvrent désormais à des applications variées, allant jusqu’à la production de pièces finales et fonctionnelles pour des usages spécifiques dans des secteurs comme l’aéronautique, l’automobile ou la santé. C’est dans ce contexte que nous allons aujourd’hui faire le point sur ce marché. Pour nous aider à décrypter ces évolutions, j’ai fait appel à un pionnier dans ce domaine : Sylvain Judeaux, le fondateur et gérant de Filimprimante3D.
« les filaments techniques font progressivement leur place. Mais il n’en reste pas moins que ce sont les filaments standards qui font le marché.. »

Sylvain Judeaux
Bonjour Sylvain, pour ceux qui ne connaîtraient pas encore filimprimante3d, pourrais-tu rappeler la genèse de cette entreprise et ses activités ? Il y a t’il des nouveautés produits sur ta boutique que tu aimerais nous partager ?
Filimprimante3D est, comme son nom l’indique, spécialisée dans la vente de filaments pour imprimante 3D. C’est en 2013 que ce site a été mis en ligne, au début de la démocratisation de l’impression 3D de bureau. Avec un profil « geek » et toujours à la recherche de nouveaux apprentissages dans la sphère technique, j’ai été rapidement happé par cette technologie qui commençait à se diffuser largement au début des années 2010. Filimprimante3D a donc vu le jour avec l’offre existante à l’époque : du PLA, de l’ABS, voire du PETG !
Depuis l’offre s’est bien étoffée. Filimprimante3D s’adresse essentiellement aux clients professionnels, les collectivités, l’éducation, mais reste ouverte aux particuliers. Filimprimante3D en résumé c’est plus de 10 ans de spécialisation dans le filament 3D, une offre multi-marques large (y compris encore en diamètre 2,85 mm !), des filaments exclusivement fabriqués en Union Européenne ou en France. Tous les filaments proposés sur Filimprimante3D sont d’origine UE, j’insiste, c’est une ligne directrice de notre offre. A ce sujet, je pense pouvoir dire que la plus grande gamme de filaments fabriqués en France se trouve chez Filimprimante3D !
S’il fallait sélectionner une « actualité », je citerais les recharges de filament 1kg. Je travaille fort à mettre en avant cette nouvelle offre de conditionnement de filament. A ce sujet, il faut rendre à César ce qui est à César. Ce concept de recharge de filament n’est pas nouveau. Dès 2018, le youtubeur Richard Horne a présenté son concept de « masterpool ». Comme c’est le cas aujourd’hui, l’idée était de monter une couronne de filament sur des flasques réutilisables. Nous avons proposé un temps ce type de recharge de filament à l’époque. Le concept a eu du mal à être adopté du fait du format, 750 grammes, et de l’absence de noyau central.
En l’absence de noyau central, la production de ces recharges était fastidieuse pour les fabricants de filaments, logiquement assez peu enclins à produire ces masterspools. Aujourd’hui les choses ont changé, la masse de filament de ces recharges est de 1 kg, devenue le standard, et le noyau central facilite bien la tâche des fabricants. Mais il était important de rappeler la véritable origine de ce concept de recharge.
« Testez donc votre filament habituel (non vendu comme « haute vitesse ») avec un profil et une machine haute vitesse et regardez le résultat… »
En 11 ans d’existence, tu as pu constater les nombreuses évolutions de l’impression 3D et de son marché. En tant qu’expert et l’un des leaders français dans la vente de filaments pour imprimante 3D, j’aimerais avoir tes retours du terrain, tes observations. Quelles innovations/évolutions de l’impression 3D, que ce soit sur la partie hardware ou software, ont selon toi eu un impact sur le développement des filaments ?
Voilà une question très précise ! L’impact de l’évolution de l’impression 3D sur les filaments… Au début des années 2010, deux diamètres de filament co-existaient, 1,75 mm et 3 mm. Et oui 3 mm, assez rapidement phagocyté par le diamètre 2,85 mm. Ceci s’explique notamment par les acteurs de la démocratisation de l’impression 3D à l’époque : Makerbot en 1,75 mm et Reprap/Prusa/Ultimaker en 3mm/2,85 mm. A l’époque le marché était relativement équilibré entre le filament 1,75 mm et 2,85 mm. Pourquoi donc 2,85 mm ? L’idée était de disposer d’un filament plus rigide que le filament 1,75 mm, mieux adapté au dispositif bowden (l’idée du bowden étant de gagner en masse à déplacer et donc de gagner en vitesse et précision ; lorsque l’on connaît la suite de l’histoire, ce dogme est clairement mis à mal aujourd’hui).
Bref, le filament en 2,85 mm est à présent, disons-le, en voie de disparition. De nombreux fabricants réduisent leur gamme 2,85 mm et lancent les nouveaux produits uniquement en 1,75 mm. Aujourd’hui les imprimantes 3D en direct drive tirent profit du filament 1,75 mm, plus « malléable » que le filament 2,85 mm, peu souple et gardant fortement sa courbure acquise lors de son enroulement sur la bobine. Possesseurs d’imprimantes 3D en 2,85 mm, attendez-vous à disposer de moins en moins de choix !
Autre évolution, la masse de filament par bobine. Avec l’augmentation du volume d’impression des machines, et plus récemment des vitesses d’impression, le besoin en bobine plus volumineuse a fait son chemin. Si le format 1 kg reste le « standard » (le format 750 g étant lui aussi en voie de disparition), les formats 2 kg, 4 kg, voire 8 kg, ont fait leur place au fil des années. L’objectif est économique (prix au kilo inférieur) mais aussi tout simplement pratique : pouvoir imprimer de grosses pièces sans avoir à changer de bobine.
Autre thème, les filaments chargés. Ici c’est plutôt l’offre de filament qui a fait évoluer les machines et non l’inverse. Avec l’adoption progressive de l’impression 3D de bureau par les professionnels, les filaments chargés (carbone, fibre de verre, aramide, etc) se sont développés. Imprimer avec un filament chargé est synonyme de buse renforcée (autre que laiton) et de diamètre supérieur à 0,40 mm. Il y a quelques années changer de buse était fastidieux ! Les fabricants d’imprimante 3D ont planché sur le sujet, il est aujourd’hui très facile de changer de buse ou de bloc d’extrusion.
Pour finir, parlons des vitesses d’impression. C’est la grande évolution de ces dernières années, permise à la fois par l’amélioration de la mécanique des imprimantes 3D mais aussi des trancheurs, carte mère et micro-logiciels des imprimantes 3D. Avec des machines très rapides, il faut des filaments « haute vitesse ». Business is Business. Si cela répond à de vraies problématiques physiques, il y a ici aussi, à mon sens, beaucoup de marketing. Testez donc votre filament habituel (non vendu comme « haute vitesse ») avec un profil et une machine haute vitesse et regardez le résultat. Les pièces produites seront peut-être tout aussi propres que si elles avaient été sorties avec un filament ultra-haute-super-mega vitesse…
Voilà donc les thématiques qui me viennent en tête lorsque l’on parle de l’évolution du couple machine/consommable au fil de ces 10 dernières années. On pourrait parler des granulés (impression 3D FGF) mais ce sera pour la prochaine interview !
« Je vais provoquer et exagérer en disant que tous les filaments standards (PLA, ABS, PETG) se valent. »
Etant en contact direct avec le consommateur, quels changements as-tu pu observer dans leurs demandes et leurs attentes, mais aussi dans l’évolution de leur profil ?

Bobine de filament PETG Prusa
Filimprimante3D a évolué progressivement et volontairement vers une clientèle essentiellement professionnelle. Aussi l’évolution de notre clientèle a été guidée par des choix stratégiques et pas seulement par l’évolution « naturelle » des utilisateurs d’imprimantes 3D au fil des années. Il est important de le souligner pour mieux interpréter les lignes qui suivent.
Au début de la démocratisation les imprimeurs 3D cherchaient un filament fiable, synonyme à l’époque, d’un diamètre constant et maîtrisé. En somme, un filament qui ne bloque pas une impression en plein milieu. Une évidence me direz-vous ! Oui mais à l’époque il est vrai que l’on pouvait tomber sur des filaments avec une boursouflure ou un étirement au milieu de la bobine, mettant à mal des heures d’impression. Aujourd’hui ce type de problèmes n’existe plus (sauf l’exception qui confirme la règle bien entendu).
On me demande souvent : « je veux un filament vraiment bien, de la qualité qui marche bien, lequel dois-je prendre ? ». Avec les progrès logiques qui ont été faits durant toutes ces années, il n’existe plus de filament qui ne « marche pas ». Je vais provoquer et exagérer en disant que tous les filaments standards (PLA, ABS, PETG) se valent. Cela fait plus de 10 ans que nous vendons des filaments, de toutes marques. Il n’y a pas autant de fabricants que de marques de filaments en Europe.
Voyez-vous où je veux en venir ? Combien de fois des clients nous ont témoigné, de bonne foi, que tel filament PLA vert foncé de marque X était bien meilleur que tel filament PLA vert foncé de marque Y. Sauf que, nous, savions pertinemment qu’il s’agissait strictement du même filament, produit dans la même usine, juste enroulé sur une bobine différente, dans une boîte différente, et un discours de vente différent. Ah, marketing quand tu nous tiens ! Tous les filaments standards se valent ai-je dis. Oui sauf leur origine. Au-delà des considérations éthiques ou politiques, c’est pour moi un vrai sujet. N’oublions pas que l’impression 3D, même à dépôt de filament fondu, c’est de la chimie. Une imprimante 3D FFF met en fusion du plastique, ce n’est pas anodin. Si nous avons fait le choix de ne proposer que des filaments fabriqués en UE sur Filimprimante3D c’est aussi pour une question une sécurité d’utilisation pour nos clients.
Continuons avec une note d’humour, je dirais que de tout temps, les imprimeurs 3D cherchent avant tout des bobines de filament sans nœuds. Ah les nœuds dans les bobines, une longue histoire (je vois mes confrères derrière leur écran lisant cet interview, eux aussi fabricants ou distributeurs de filaments, rirent jaune) ! Un nœud dans une bobine à son déballage n’est pas possible, point. Pour produire un nœud dans une bobine, les fabricants devraient user d’ingéniosité et de patience, ce n’est tout simplement pas possible ! Les « nœuds » se produisent lors des chargements / déchargements de filaments, pas à la fabrication de la bobine.
Sujet clos, ou presque, pour la qualité du filament et les fameux nœuds. J’en viendrais à la question de la couleur. Ah la couleur, sujet également complexe ! Disposer d’une couleur stable d’une bobine à une autre, d’un batch à un autre, est légitime. Aujourd’hui, là aussi le sujet est clos. Beaucoup de progrès ont été fait. Les fabricants sont aujourd’hui capables de produire des couleurs stables. Le problème est qu’il n’existe presque jamais la bonne couleur…
On nous demande régulièrement : « il me faudrait du filament, disons ABS, en RAL 7008. OK, combien de kilos ? 5kg pour commencer. » Oui sauf qu’aucun extrudeur de filament ne vous sortira 5 kg d’un filament de telle couleur et tel matériau. Soit vous avez la chance que cette référence existe d’avance, soit vous acceptez une commande de 20kg, grand minimum. J’exagère un peu, certains fabricants se sont positionnés sur ce créneau comme Colorfabb ou Francofil, et c’est une bonne chose ! Mais il faudra mettre le prix, justifié, en face. Je passe ici les notions de perception des couleurs, unique à chacun, et de réglages colorimétriques des écrans d’ordinateurs…
Pour conclure, et parce que vous l’attendez tous, je vais dire que les utilisateurs demandent des filaments toujours plus techniques. Du moins, c’est ce que l’on nous promet depuis bien longtemps. Oui, avec l’adoption de l’impression 3D chez les professionnels et dans l’industrie (qui connaît et utilise ce procédé de fabrication depuis bien longtemps d’ailleurs), les filaments techniques font progressivement leur place. Mais il n’en reste pas moins que ce sont les filaments standards qui font le marché. Mais j’anticipe ici la question suivante…
« Les filaments haute performance prennent aussi une part du marché bien entendu, mais sur des projets très spécifiques et sur des volumes moindres »
Quels types de filaments sont les plus populaires aujourd’hui, et pourquoi ?

Lampes imprimées à partir de filament PLA (à gauche) et ABS (à droite)
Le PLA. Pour les makers, les particuliers ? Non, pour tout le monde. Et oui, le PLA est le roi des matériaux, y compris chez les professionnels. Le PLA est le matériau le plus facile à imprimer, au rendu parfait, bon marché. Il répond ainsi a de bien nombreuses problématiques, y compris chez les pros, à moindre coût (de matériau et de technologie d’impression). Son vrai point faible est sa résistance à la chaleur. Validation de forme, prototypes, gabarits, maquettes, etc, le PLA répond à toutes ces situations dès lors que les pièces produites sont stockées en intérieur et non dans le coffre d’une voiture en plein été.
Ce n’est pas un hasard si la très grande majorité des boutiques en ligne qui vendent du filament ont pour première entrée de leur arborescence… le PLA. Pour être encore plus précis, le matériau roi est le PLA noir. Notre Or noir, sauf que lui n’est pas issu du pétrole (à l’inverse de la majorité des autres thermoplastiques de l’impression 3D), point fort qui peut aussi expliquer sa large adoption.
Ensuite suivent le PETG, l’ABS, l’ASA et les TPE. Voilà l’arsenal de la majorité des imprimeurs 3D.
Les filaments haute performance prennent aussi une part du marché bien entendu, mais sur des projets très spécifiques et sur des volumes moindres. Notre plus gros client s’approvisionne quasi exclusivement en PETG (du moins chez nous…). Et pourtant quel acteur !
» la demande en matériaux haute performance a augmenté au fil des années (et de l’offre !) mais les matériaux standards font le gros du marché »
En précisant ce qui différencie ces deux familles de filament, comment la demande en matériaux techniques et haute performance a-t-elle évolué ?

Composants électriques réalisés avec le filament ABS ESD (Anti décharge électrostatique), du fabricant français Nanovia (crédits photo : Nanovia)
Je pense qu’il est ici fait référence à notre arborescence de catégories sur filimprimante3d.fr : PLA, Filament technique, Filament haute performance. La classification des filaments est parfois complexe surtout lorsqu’il faut concilier arborescence simple/accessible et offre de thermoplastiques toujours plus large. Pour le PLA, vous avez compris pourquoi il s’agit de la première entrée . Sur notre site, la catégorie « Filament technique » comporte tous les filaments (autres que PLA) qui s’impriment sur les imprimantes 3D de bureau standards. J’entends ici par « standard » une buse devant atteindre un maximum de 290°C, un plateau devant atteindre un maximum de 100-110°C et une buse classique (laiton en 0,40 mm de sortie).
Au final, cela représente tout de même une large gamme : PETG, ABS, ASA, TPE, PP, Nylon essentiellement. La terminologie « Filament technique » vient en opposition au PLA, le matériau parfait sauf pour sa résistance à la chaleur. Du fait de cette limite, il est difficile de conseiller le filament PLA pour des applications techniques. C’est la raison pour laquelle on distingue le PLA, des autres matériaux « standards », qu’on appelle ici « techniques ».
La catégorie Haute performance comporte un large spectre de matériaux. On y trouve les filaments chargés, les filaments nécessitant des températures d’extrusion particulièrement élevées et les filaments répondant à des besoins très spécifiques comme par exemple les applications ESD.
Vous l’avez compris (notamment au regard du début de l’interview), le PLA, première entrée de l’arborescence répond disons à 60-70% de la demande, les filaments techniques à 20-40%, et les filaments haute performance à 10-20%. Pour ce qui est de l’évolution de la demande sur ces différentes catégories de produits, je pense que la réponse a été donnée avant : oui la demande en matériaux haute performance a augmenté au fil des années (et de l’offre !) mais les matériaux standards (PLA, PETG, ABS, ASA, TPE) font le gros du marché (du moins de ma fenêtre).
« la bobine carton ne serait finalement pas si bénéfique que cela en comparaison à une bobine plastique issue de plastique recyclé et recyclable »
Quel rôle jouent les préoccupations environnementales dans le développement de nouveaux filaments ?

Exemple de bobines en carton pour filament, celles de Raise 3D (crédits photo : Raise 3D)
Les imprimantes 3D à dépôt de filament fondu utilisent comme matière première du « plastique », matière qui n’a pas le vent en poupe. Loin s’en faut. Nous avons une chance, le PLA, matériau de l’impression 3D, n’est pas issu du pétrole, mais de la biomasse. Pour autant, il ne faut pas se dédouaner de notre impact sous prétexte que l’on utilise très principalement un matériau issu de la biomasse. On pourrait d’ailleurs tout simplement se demander si l’utilisation que l’on a du PLA ne vient pas en concurrence d’autres utilisations plus « éthiques » de la biomasse…
Relativisons, le marché de l’impression 3D est une goutte d’eau en comparaison à bien d’autres usages du PLA. Le caractère biosourcé du filament PLA en lui-même est aussi à nuancer. La plupart des filaments PLA qui sont imprimés ne sont pas « purs ». On y ajoute des pigments, des paillettes et autres additifs pour disposer d’effets particuliers. Tout cela pour dire que certes le PLA est, à la base, biosourcé mais qu’imprimer du PLA n’est pas, de fait, totalement « eco friendly ». Il y a quelques années déjà j’ai rédigé un article au titre pouvant paraître surprenant pour une entreprise vendant du filament : « Comment réduire sa consommation de filament 3D ? ».
Si l’on s’en tient au filament en tant que tel on peut noter le développement depuis plusieurs années de filament dits « recyclés ». En y regardant de plus près, la très grande majorité des filaments « recyclés » est en fait produite à partir de rebuts de production, soit des usines de fabrication de filaments directement, soit d’usines de plasturgie. C’est déjà bien ! Mais il faut avoir conscience que la très grande majorité des filaments « recyclés » ne sont pas issus de pièces déjà imprimées qui auraient été broyées puis réextrudées.
Il s’agit là du process rêvé : impression de pièces 3D => broyage des pièces 3D obsolètes ou ratées => production de nouveaux filaments. L’idée est louable, bien entendu. Malheureusement cela est très difficile à mettre en place. Pourquoi donc ? Introduisez une très petite quantité d’ABS dans une extrusion de PLA ou vice-versa et toute la production est fichue. Des discussions que j’ai pu avoir avec des fabricants de filaments, il est quasi impossible d’être sûr que le lot de pièces ratées ou obsolètes reçu pour valorisation contienne exclusivement un matériau précis (même avec le plus précautionneux des imprimeurs 3D m’a t’on dit). Pour autant des sociétés font ce pari, et c’est tant mieux !
Pour finir sur ce point, la base serait de pouvoir marquer les pièces d’une empreinte directement dans le trancheur (« PLA marque X», « PETG marque Y », « ABS marque Z », etc), d’un simple clic sous l’objet. Je ne sais pas si cela existe.
En terme de préoccupations environnementales, c’est surtout sur le conditionnement du filament que les efforts ont été portés. Les fabricants de filament proposent depuis déjà pas mal de temps des bobines en carton et il faut dire que la très grande majorité des imprimeurs aiment travailler avec des bobines carton (je passe ici les questions d’incompatibilité avec certains récents systèmes de chargement multi-bobines…). Imprimer avec des bobines en carton a tendance à nous déculpabiliser : « j’imprime du plastique mais les bobines sont en carton ! ». Sauf que là aussi la question est complexe.
Pour tenir compte de l’impact écologique de telle ou telle pratique il convient de faire une « Analyse du Cycle de Vie ». Et d’après des discussions que j’ai pu avoir avec des fabricants de filaments, la bobine carton ne serait finalement pas si bénéfique que cela en comparaison à une bobine plastique issue de plastique recyclé et recyclable… Ah là là, complexe les questions environnementales ! Mais j’ose imaginer que l’absence de bobine est la bonne option ! Cela fait écho au début de l’interview. La recharge de filament parait tout de même la solution la plus (éco) « logique ». Je pense et j’espère que le format Refill va faire son chemin. Formfutura propose même des Refill en format 2 kg, plus d’excuses !
« Il faut à présent caractériser encore plus les pièces produites et être en capacité de répondre aux exigences des professionnels. »
D’après tes échanges avec les fabricants de filaments, à quels défis, tant sur le plan économique, technique, que culturel, sont-ils aujourd’hui confrontés ?

Aperçu du stock de filaments de Filimprimante3D (crédits photo : Filimprimante3D)
Ce que je constate depuis plusieurs années, et tout particulièrement ces derniers mois, est une course folle au prix le plus bas. C’est le chemin suivi par la majorité des distributeurs et fabricants, de force ou non. Nous en sommes arrivés à une situation folle où vous pouvez vous faire livrer une bobine de PLA de 1 kg pour moins de 12€ TTC ! Qui dit mieux ? Où allons-nous… Comme dit plus haut, la technique est aboutie, la fabrication d’un filament PLA, PETG ou ABS fiable est à présent maîtrisée par tous les fabricants. Tous les filaments standards se valent, ai-je dis plus haut. Aussi la différenciation se fait à présent sur le prix. Il faut trouver un juste milieu. Selon moi, on arrive à une situation insensée.
Chez Filimprimante3D, on tente tant bien que mal de ne pas succomber à cette spirale folle. Dans quelques années, comme d’habitude, on se demandera pourquoi le gros du marché est géré par 1 gros acteur très bon en logistique mais incapable de fournir un conseil. Ce sont toujours les très gros qui gagnent à ce jeu là. Bref ! Il reste une place à se faire sur les filaments haute performance.
J’ai le sentiment qu’on a fait le tour des alliages possibles : PETG-Carbone, Nylon-Carbone, PP-Fibres de verre, etc. Il faut à présent caractériser encore plus les pièces produites et être en capacité de répondre aux exigences des professionnels. Je pense que des améliorations spécifiques à ces matériaux verront le jour dans les trancheurs d’objets. C’est pour moi un point essentiel. On peut disposer d’un plastique chargé très performant, s’il est mal imprimé cela ne sert à rien.
« L’évolution majeure de ces dernières années réside dans les gains colossaux en temps d’impression »
Au regard de l’évolution de l’impression 3D et de ses progrès, à quoi pourrait ressembler le marché des filaments d’impression 3D d’ici 10 ans ?

La ferme d’imprimantes 3D de NES (Normandy Ecospace) (crédits photo : NES)
Une chose me rassure, nous (fabricants, distributeurs, utilisateurs) jouissons d’un marché ouvert. Si certains fabricants d’imprimantes 3D ont, logiquement, tenté de fermer plus ou moins le couple machine-consommable, on constate aujourd’hui que ce n’est définitivement pas le chemin suivi. Je pense que l’on ne se rend pas compte de la chance que nous avons dans l’impression 3D : pouvoir utiliser un filament de marque X avec une imprimante 3D de marque Y.
Il n’y a pas tant de domaines où cela est possible ! Nous devons cela notamment à l’origine de la démocratisation de l’impression 3D avec le projet open-source Reprap, merci. Il fut un temps, je craignais qu’un des leaders des machines 3D FFF ne tente de brider le consommable avec un filament de section, allez, hexagonale… Je ne le crains plus. Je pense acquis le fait que le marché soit ouvert. Certes il existe des systèmes de puces pour reconnaître le matériau, mais les fabricants qui proposent ce type de dispositif permettent aussi l’utilisation de bobines tierces sans puce.
Comment vois-je donc le marché dans 10 ans ? Un marché maîtrisé par un seul gros acteur ? Non, car il reste les filaments techniques et haute performance. Fort heureusement les fabricants de filaments véritablement techniques ou haute performance ne succombent pas à cette spirale suicidaire de baisse sans fin des prix. Car comme son nom l’indique, on parle ici de filaments techniques.
Tout le monde n’est pas en mesure de fabriquer des filaments avec une véritable valeur ajoutée, caractérisés selon des normes reconnues dans le milieu des professionnels et de l’industrie. Et les utilisateurs de ces filaments répondant à des problématiques précises ont besoin de conseil, de sérieux, pas juste d’une bonne logistique. Je vois donc se profiler un marché avec du PLA à 10 € TTC le kg (pas chez nous) et des filaments techniques, haute performance, avec des fabricants qui savent de quoi ils parlent et des utilisateurs avec un besoin d’accompagnement.
L’évolution majeure de ces dernières années réside dans les gains colossaux en temps d’impression. Certains fabricants de filaments s’attendent de ce fait à une augmentation exponentielle de la consommation de filaments. Je n’en suis pas si sûr. Du moins, oui l’utilisation des imprimantes 3D va encore davantage se démocratiser mais je ne pense pas que les heures d’impression au sein d’une même structure vont exploser du fait de la réduction des temps d’impression. C’est juste que l’impression 3D aura encore davantage sa place dans l’industrie de demain !