De manière assez paradoxale, la succession des prouesses enregistrées ces dernières années par l’impression 3D contribuent à une forme de banalisation de la révolution qu’elle incarne. De même qu’on oublie aussi parfois les progrès considérables que cette technologie a pu réaliser au fil des ans.
Longtemps, les imprimantes 3D se sont limitées à une petite poignée de matériaux, et dans des volumes de fabrication extrêmement restreints. Hormis quelques rares procédés (dont le DED), imprimer des pièces au-delà des 30 cm faisait presque figure d’exploit.
En 2024, la fabrication additive n’a plus de limites. Aujourd’hui, ce sont des murs de maisons en béton, des moules en composite, et des fusées en alliage d’aluminium qui peuvent être imprimées en 3D. C’est dans ce contexte, qu’une entreprise américaine appelée Additive Engineering Solutions (AES), a récemment imprimé en 3D une maquette de missile. Mesurant plus de 6 mètres, ce modèle grandeur nature a été réalisé pour le compte de Lockheed Martin pour présenter son nouveau missile de croisière AGM-158 XR. Le géant de la défense a dévoilé son nouveau produit ce 16 septembre, lors de la conférence de l’Air & Space Forces Association (AFA) près de Washington, DC.
Fondée en 2016 et basée à Akron, dans l’Ohio, AES est la première société à proposer des services de fabrication additive à très grande échelle, notamment pour la création d’outils et de prototypes.
Son secret ? Si la société se montre discret quant à la technologie employée, on sait qu’elle est dotée d’une machine de fabrication additive grand format appelée BAAM. L’entreprise en posséderait quatre. Pour rappel, ce système à extrusion dont j’ai eu l’occasion plusieurs fois de traiter ici, a été développé par Cincinnati Inc. en collaboration avec Oak Ridge National Laboratory (ORNL) pour répondre aux besoins de fabrication à grande échelle dans divers secteurs, notamment l’aérospatiale et l’automobile.

Système de fabrication additive grand format BAAM (crédits photo : ONRL)
Bien entendu cette machine ne fonctionne pas avec des filaments mais avec des granulés. Mieux adaptés aux gros volumes de fabrication, ces derniers permettent un approvisionnement continu et une meilleure gestion des matériaux, ce qui rend le processus d’impression plus rapide et efficace. L’autre avantage des pellets, est qu’ils sont présents depuis très longtemps déjà dans l’industrie, ce qui les rend beaucoup moins chers (entre 10 fois et 100 moins chers) et plus diversifiés que les filaments. « Avec plus de 350 000 références de polymères disponibles, le filament ne peut pas rivaliser. » m’expliquait EPEIRE 3D, spécialiste français des imprimantes 3D à granulé, dans une interview.
Capable de produire des pièces jusqu’à 6096 × 2286 × 1828 mm, soit bien au-delà des capacités des imprimantes 3D traditionnelles, cette technologie exploitée par AES peut servir divers secteurs, notamment l’aérospatiale, la défense, l’automobile, et l’énergie, en créant des produits plus grands et plus complexes dans des délais beaucoup plus courts.
Réalisée à échelle réelle, cette maquette de missile illustre bien comment l’impression 3D peut aider au développement de produits innovants et complexes dans le domaine de la défense. Grâce à cette technologie, il est possible d’obtenir une personnalisation poussée et de raccourcir les délais de production, là où les méthodes de fabrication traditionnelles seraient plus restrictives et coûteuses.
Enfin, cette maquette va au-delà d’un simple outil d’illustration ; elle est essentielle pour matérialiser des concepts et obtenir des financements pour les projets de défense émergents. Grâce à ce support visuel les parties prenantes, investisseurs et clients, pourront mieux comprendre la conception et les capacités du produit. Cela pourrait encourager les financements dans un environnement concurrentiel, où des démonstrations concrètes ont le pouvoir d’influencer les décideurs.
Bien entendu, Lockheed Martin ne limite pas l’utilisation de la fabrication additive à ses prototypes ou maquettes. Dernièrement la société a révélé avoir utilisé l’impression 3D de manière directe pour divers composants de son missile Mako. Elle incluait notamment la section de guidage et les ailerons, des éléments essentiels à la performance et à la manœuvrabilité du missile
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