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Rencontre avec le français EPEIRE 3D et ses imprimantes 3D industrielles à granulés

Bruno Pluchard, François Migeot et Olivier Grateau, les 3 co-fondateurs d’EPEIRE 3D.

Bruno Pluchard, François Migeot et Olivier Grateau, les 3 co-fondateurs d’EPEIRE 3D (crédits photo EPEIRE 3D)

Malgré ses atouts évidents de coût, de qualité et de choix matériaux, l’utilisation directe de granulés peine encore à s’imposer en impression 3D. Le filament dont il est la matière première, reste de loin le matériau le plus employé sur le marché. Aujourd’hui les pellets sont principalement utilisés sur des imprimantes 3D industrielles très grand format pour réaliser de gros prototypes dépassant aisément le mètre. Parce que rares sont encore les machines additives à même de traiter ce type de matériau, à fortiori dans les ateliers et les environnements de bureau, une entreprise française dénommée EPEIRE 3D a décidé de se lancer sur ce créneau. Pour vous faire découvrir cette jeune pousse Lilloise et les nombreux avantages de l’impression 3D à granulés, Primante3D a interrogé l’un de ses co-fondateurs François Migeot.

« Nous nous sommes entendus sur le fait de construire une imprimante 3D capable de transformer les matières vierges & recyclées, directement en granulés »

François Migeot, l'un des trois co-fondateur d'EPEIRE 3D

François Migeot, l’un des trois co-fondateurs d’EPEIRE 3D

Bonjour François, pourriez-vous nous parler de votre parcours avant EPEIRE 3D ?

Bonjour Alexandre, et merci de votre interview. J’ai démarré mes études par un BTS en mécanique et automatismes industriels, ce qui m’a donné le goût des machines spéciales. J’ai continué par un diplôme d’ingénieur en alternance ce qui m’a offert l’opportunité d’entrer dans le monde de l’automobile, et plus précisément dans le calcul mécanique par la méthode des éléments finis. Une fois dans le monde du travail, j’ai pu m’enrichir par un passage dans la conception aéronautique, puis dans la fourniture industrielle pour ensuite revenir dans l’automobile. La R&D a été mon fil conducteur au cours de ces différentes expériences.

Cette discipline ouvrant les portes de l’optimisation topologique, j’ai commencé à m’intéresser à l’impression 3D, seule technologie capable de suivre ces optimisations. Au fur et à mesure, après différents calculs, aucune des machines sur le marché à l’époque ne savait répondre à mes besoins. Après quelques années dans l’automobile, l’aéronautique et l’armement, et avec la rencontre de messieurs GRATEAU et PLUCHARD, nous fondons EPEIRE3D et axons notre travail sur le développement de machines et de logiciels à destination de l’impression 3D.

Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec l’impression 3D ?

L’optimisation topologique est l’art de mettre suffisamment de matière aux endroits nécessaires. Je me suis donc tourné très tôt vers l’impression 3D, vers 2012, lorsque j’ai commencé mes recherches pour imprimer une pièce aéronautique en PEEK. La première machine que j’ai vue était une REPRAP Darwin, imprimante de maker à filament. Puis j’ai cherché sans forcément trouver mon bonheur, une imprimante 3D capable de transformer les matériaux vierges afin de ne pas avoir à refaire les certifications depuis le départ.

Comment l’aventure d’EPEIRE 3D a-t-elle commencé et qui sont ses protagonistes ?

EPEIRE3D est née de ma rencontre avec M. PLUCHARD, professeur de plasturgie depuis 35 ans, et de M. GRATEAU, communicant et entrepreneur. Nous nous sommes rencontrés à l’occasion d’une conférence en novembre 2016, où M. GRATEAU recherchait une imprimante 3D capable de transformer des matériaux spécifiques, et M. PLUCHARD présentait ses activités professorales. Nous nous sommes entendus sur le fait de construire une imprimante 3D capable de transformer les matières vierges & recyclées, directement en granulés, afin de pouvoir s’affranchir des qualifications normatives de certains milieux industriels (Transports – Automobile, Aéronautique, Ferroviaire –, Médical, Energie…)

« les granulés sont de 10 à 100 fois moins chers que le filament »

Présentez-nous votre technologie ainsi que les spécifications de vos machines. Quels sont ses atouts par apport au FDM traditionnel ?

Notre technologie est assimilable à de l’extrusion, mais avec une vis modifiée qui permet de faire de l’injection. Cette vis, spécialement conçue par M. PLUCHARD avec la contrainte de fabrication des matériaux très durs, permet de transformer énormément de polymères, chargés ou non. De plus, la solution de la bulle chaude, permet de s’affranchir d’une enceinte thermorégulée. L’air autour de la tête est puissamment réchauffé pour ramollir les couches inférieures, et ainsi assurer une adhésion inter laminaire très forte. L’autre avantage est de minimiser le warp de manière assez drastique, car la pièce n’a pas le temps d’évacuer toutes ses calories. Du fait d’une enceinte non chauffée, il est possible de gérer une extraction d’air vicié, pour protéger les utilisateurs de la machine.

Sur les spécifications, nous sommes sur une machine qui propose un volume de 450*500*500mm, avec une résolution de 0.01mm en X et Y, et de 0.002mm en Z. Les atouts par rapport au FDM sont multiples : le matériau est pur, on sait ce qu’il y a dedans grâce au certificat fournisseur, par opposition aux filaments où la dégradation due à la fabrication ne permet pas de quantifier les performances. Le prix : les granulés sont de 10 à 100 fois moins chers que le filament (de ce que nous avons pu constater), et plus particulièrement sur des matériaux techniques (PEEK, PAEK, PPS, PPA…) Les références : avec plus de 350 000 références de polymères disponibles, le filament ne peut pas rivaliser.

Quels sont les matériaux possibles avec votre technologie ?

Tous. Les EPEIRES (en fonction de leur gamme) savent transformer les polymères, les métaux (MIM), les céramiques (CIM) et même récemment du sucre !

EPEIRE T-MIM pour l'impression des granulés chargés en métaux

L’EPEIRE T-MIM pour l’impression des granulés chargés en métaux (inox, inconel, cuivre, aluminium) ou céramiques (Zircone, alumine…) (crédits photo EPEIRE 3D)

Pour les granulés chargés en métaux, proposez-vous les équipements périphériques de post-traitement qui vont avec ?

Nous proposons la chaine complète, imprimante 3D, fours de frittage sous vide ou sous atmosphère réductrice, station de déliantage, station de polissage automatique, capable de fournir des polis-miroirs ! Nous savons aussi fournir des stylos à anodisations permettant de donner tout un panel de couleurs au titane, sans adjonction de peinture. Cela permet un renforcement substantiel de la surface de pièce en titane, tout en apportant une personnalisation assez poussée.

« Nous avons taillé nos imprimantes selon des critères industriels. »

D’autres fabricants proposent déjà des imprimantes 3D à granulés. Quels sont vos atouts par apport à l’existant ?

Nous avons taillé nos imprimantes selon des critères industriels. Elles sont capables de rester précises, et de fonctionner jour et nuit afin d’assurer une production de petite et moyenne série. De plus, le système plug and play des têtes permet un changement rapide de famille de polymère, de type de métal ou de céramique. A noter, elles sont très à l’aise avec les matériaux les plus techniques : fibrés verre ou carbone, chargés talc…

Conscient que le SAV reste une problématique forte dans l’impression 3D, nous avons simplifié au maximum les composants, en leur ajoutant des témoins, afin de pouvoir identifier, isoler et réparer rapidement le dysfonctionnement.

La sécurité est notre préoccupation principale : notre procédé permet une extraction des airs viciés : si on ouvre l’imprimante, (contrairement au SLS) les poussières métalliques ne risquent pas de contaminer les utilisateurs (elles sont emprisonnées dans une matrice), cela évite les combinaisons et les masques pour opérer sur la machine. Lors de l’utilisation, elle est conçue pour s’arrêter en cas d’intrusion humaine, grâce à sa chaine de sécurité.

À qui s’adresse votre solution ? Donnez-nous des exemples concrets d’applications.

Notre solution s’adresse à tous les professionnels : santé, transports, médical… nous avons réalisé des turbines de zones froides de turbo en titane, des appareillages dentaires, des pièces internes de moteurs automobiles (bielles), des pièces d’habitacles automobiles (accoudoirs, vides poches…), des vessies de drapage composites, des silentblocs, des supports de panneaux solaires… Il est assez difficile pour nous de donner une direction, étant donné que la machine est capable de répondre à beaucoup de besoins.

« notre machine est à 99.5 % européenne, 95 % française, et 75 % du Nord »

Système d'extrusion développé par EPEIRE 3D

Tête développée par EPEIRE 3D caractérisée par une technologie de bulle chaude permettant de générer une zone chaude ciblée autour de la buse sans avoir à chauffer l’ensemble de la chambre d’impression (crédits image EPEIRE 3D)

Que pouvez-vous nous dire sur la part de Made in France dans vos machines ? En quoi est-ce un atout ?

Les premières heures de la conception de la machine remontent à 2017. A l’époque, notre souhait était de se fournir au maximum en France. 4 ans plus tard, notre machine est à 99.5 % européenne, 95 % française, et 75 % du Nord, car nous approvisionnons dans un rayon de 90 km autour de Lille. La seule pièce venant de chine est l’écran.

C’est un atout, car nous travaillons avec des professionnels passionnés, qui nous apportent un savoir-faire précieux, et une qualité de travail énorme, dus à notre proximité.

Dites-nous en plus sur votre actualité et vos objectifs pour 2021.

L’actualité : nous devrions sortir en décembre un nouveau slicer qui tirera partie du Z dynamique de nos machines (la capacité d’imprimer en vraie 3D), et pour septembre une nouvelle machine dédiée à l’impression titane et une plus petite qui viendra compléter la gamme actuelle à destination du secteur dentaire (et par extrapolation au secteur médical).

Moule en titane réalisé sur l'EPEIRE T-TITANE, modèle doté d'une tête spécialisée dans l’impression 3D des titanes et alliages de titane

Moule en titane réalisé sur l’EPEIRE T-TITANE, modèle doté d’une tête spécialisée dans l’impression 3D des titanes et alliages de titane (crédits photo EPEIRE 3D)

Alexandre Moussion