L’impression 3D ne cesse de s’enrichir de nouvelles méthodes aidant à repousser toujours un peu plus loin ses limites. Ces dernières années ont été marquées par l’apparition sur le marché de nombreuses start-up dont l’inventivité a permis l’éclosion de nouveaux matériaux et des procédés plus performants. Particulièrement dynamique, le segment métal a bénéficié d’une multitude de nouvelles solutions créées dans l’optique de lever certaines barrières propres aux procédés additifs plus anciens à laser.
De plus en plus d’acteurs se sont mis à proposer des systèmes plus abordables et facile d’utilisation, le plus souvent dérivés du MIM ou de la projection à froid. C’est ainsi qu’on a vu arriver cette nouvelle génération d’imprimantes métal sans laser tirant parti de nouvelles techniques, à base de fils ou de pâtes chargés en métal, en passant par des poudres liées ou projetées, jusqu’à des méthodes hybrides par moulage. La dernière levée de fond réalisée récemment par Fabric8Labs pour un montant de 50 millions de dollars, est l’occasion de mettre en lumière une technologie bien plus atypique encore.
Pour ceux qui seraient passés à côté de cette entreprise californienne, celle-ci s’est faite connaître en développant un nouveau procédé de fabrication additive métallique capable de fonctionner sans poudre ni même chaleur. Le seul procédé qui me vienne à l’esprit pouvant accomplir cela, est une technologie française appelée Stratoconception.
Inventé par le CIRTES, ce procédé de type solide/solide, si vous le connaissez pas, consiste à décomposer un objet en plusieurs couches élémentaires appelées strates, grâce à un processus automatisé. Une méthode idéale pour les pièces de grandes dimensions, mais qui offre aussi l’avantage d’être très bon marché puisque reposant sur des plaques de matériaux disponibles sur le marché, tels que le carton, le plastique ou l’aluminium. Les plaques sont mises en panoplie puis fabriquées par différentes techniques de découpe telles que le micro-fraisage rapide ou la découpe au fil.
Fabric8Labs a opté pour une approche très différente qui s’appuie sur un phénomène physico-chimique. Sa technologie qu’elle a baptisée ECAM, ce qui signifie « Electro Chemical Additive Manufacturing », repose en fait une technique assez similaire à la galvanosplastie. Un terme générique dont vous avez certainement déjà entendu parler, qui décrit le fait de recouvrir un objet d’une fine pellicule d’un autre métal à l’aide de techniques par électrochimie. En d’autres termes, il s’agit d’un processus qui consiste à immerger une pièce conductrice dans une solution chimique sous l’effet d’un courant électrique. Les atomes de métal s’accumulent sur l’une des électrodes pour former ainsi une surface solide.
Le procédé de fabrication non thermique imaginée par Fabric8Labs, consiste en une approche similaire qui consiste à immerger une multitude d’électrodes dans une solution d’électroplastie. La tête d’impression et la plaque d’impression sont immergées dans une solution renfermant le matériau convoité. La plaque d’impression alors est disposée à côté de la tête d’impression qui, grâce à l’électricité, s’active de manière sélective. Seuls les pixels choisis sur le réseau de têtes d’impression s’enclenchent, formant ainsi les parties solides de la couche.
L’électricité fait son chemin à travers le liquide jusqu’à la position exacte sur la plaque, déclenchant alors un effet électrochimique qui provoque l’accumulation de métal à cet endroit. Une fois la couche achevée, la plaque d’impression s’écarte alors légèrement de la tête d’impression, alors prête pour une nouvelle itération.
Le fabricant américain explique que chaque électrode est contrôlée de manière précise pour déposer les quantités de matériaux nécessaires, couche par couche. Une approche qui offre l’avantage de pouvoir fonctionner sans poudres métalliques coûteuses ni lasers, ce qui permet une réduction significative des coûts d’équipement et de matières premières. En outre, le fait de déposer les matériaux « atome par atome » plutôt que de fusionner la poudre, permet de produire des pièces produites presque entièrement denses et de meilleure qualité.
En témoigne la photo ci-dessus, la précision est impressionnante. L’entreprise parle d’une résolution de 0,05 mm, ce qui est remarquable pour un matériau tel que le métal. On se rapprocherait des performances obtenues par des imprimantes 3D de type SLA. L’absence de laser et de chaleur, signifie en outre des économies considérables d’énergie comparées aux systèmes actuels. Le fabricant américain publie d’ailleurs un tableau comparatif (voir ci-dessous) démontrant l’impact de sa technologie ECAM par rapport aux autres technologies additives et à la fabrication traditionnelle. Elle réduirait de plus de 90 % les émissions de gaz à effet de serre.
La technologie ECAM serait donc l’une des rares à pouvoir faire de l’impression 3D métal sans poudre ni chaleur. Sur les capacités de son système, Fabric8Labs dit pouvoir imprimer des objets en cuivre et en nickel, mais on imagine que bien d’autres métaux pourraient suivre. Par sa capacité à répondre aux besoins actuels en matière de matériaux, de complexité des pièces et de volumes de production, la jeune pousse a dans sa ligne de mire des applications variées comme le secteur de l’aérospatial et la communication. Quant au volume de fabrication autorisé par son système ; après des premiers essais menés sur un petit plateau de 25 x 25 mm, Fabric8Labs est passée à 100 x 100 mm. Mais l’entreprise envisage déjà plus grand, soit de panneaux de 1000 mm.