La greffe de tissus bioimprimés est une révolution dont ont peine à croire qu’elle soit à portée de main tant les perspectives sont immenses. Les avancées sont pourtant bien réelles. Malgré les nombreux freins qu’il va falloir encore lever, comme l’accessibilité aux plateformes de bio-impression et leur compatibilité avec la réglementation, cette technologie est véritablement entrée dans une nouvelle ère. Les récentes avancées réalisées dans ce domaine telles que celles du français Poeitis, avec la première implantation d’une bioimprimante pour la fabrication de tissus biologiques implantables dans un hôpital, ou cette jeune américaine greffée avec succès d’une oreille bioimprimée, sont la promesse de progrès jamais vus en termes de médecine personnalisée et régénérative.
Aux Etats-unis, des chercheurs en dermatologie de l’université de Columbia, ont révélé une nouvelle méthode de bioimpression surprenante qui pourrait faciliter la greffe de tissus de peau. Publiés il y a quelques jours dans Science Advances, les résultats de leur expérience montrent un modèle de peau dont la particularité est qu’il a été bioimprimé sous la forme d’un gant.
Par cette nouvelle approche, les protagonistes expliquent vouloir pallier aux limites des constructions 3D de peau traditionnelles. Le problème pointé du doigt, est que ces dernières se présentent habituellement sous la forme de bandes de peau rectangulaire. Si cela ne pose pas de difficultés pour les parties planes du corps telles que le dos, leur greffe est plus difficile pour les parties complexes telles que les mains. La conséquence est que les opérations sont plus longues et que la greffe nécessite plus de points de suture. Ce qui crée aussi plus de cicatrices chez le patient.
La parade trouvée par l’équipe de chercheurs est de créer des greffes qui soient capables d’épouser parfaitement les parties les plus complexes de notre corps. Des vêtements de peau en quelque sorte, que l’on pourrait enfiler sur les zones à traiter. Un gain de personnalisation supplémentaire par rapport aux techniques actuelles.
« Quatre semaines après l’intervention, la greffe était complètement intégrée à la peau environnante de la souris »
Là où les technologies habituelles de bioimpression reposent généralement sur des procédés par extrusion, les chercheurs se distinguent ici par l’emploi d’une technique par photopolymérisation. La deuxième surprise est qu’il s’agit de la technologie Digital Light Synthesis technology (DLS) que l’on doit à la firme américaine Carbon. Un nom qu’on ne s’attendait pas vraiment à voir associé au monde de la bioimpression.
La publication décrit un protocole qui commence par l’utilisation d’un scanner 3D pour générer un modèle de conception assistée par ordinateur (CAO) d’une partie du corps, comme une main humaine. Les chercheurs s’appuient sur celui-ci pour créer un échafaudage creux doté d’une paroi poreuse perméable. Un orifice d’entrée et de sortie est également ajouté pour le milieu de perfusion et de culture.
Une fois l’échaudage imprimé en 3D, vient alors la phase de création du derme. Pour cela, une solution composée de fibroblastes primaires humains et de collagène est coulée autour de la surface extérieure de l’échafaudage à l’aide d’un moule négatif. Une immersion de 14 jours dans le milieu est nécessaire pour achever la construction dermique. Après quoi, des kératinocytes primaires humains (KC) sont injectés dans l’espace entre la construction dermique et le moule.
Pour l’heure, les modèles de peau ont pu être testés sur des souris, et les premiers résultats seraient très encourageants. Le temps nécessaire pour enfiler la greffe sur le membre postérieur gauche de l’animal a été de 40 s, tandis que l’ensemble de la procédure chirurgicale aurait duré moins de 10 min « Nous n’avons pas pu greffer la même zone avec des constructions cutanées conventionnelles (CSC) en raison de la manipulation excessive requise pour découper le tissu circulaire CSC dans les formes d’intérêt, ce qui aurait provoqué le détachement de l’épiderme. » explique Hasan Erbil Abaci. « Quatre semaines après l’intervention, la greffe était complètement intégrée à la peau environnante de la souris et la souris a retrouvé la pleine fonctionnalité de son membre inférieur. »
La prochaine étape vise à effectuer de nouveaux essais de greffes sur des animaux plus gros. Si les résultats devaient se confirmer, plusieurs années seront encore nécessaires avant d’envisager des tests cliniques sur des patients humains.