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Défense : L’US Navy envisage la fabrication additive pour 5 500 pièces métalliques

Défense : L'US Navy envisage la fabrication additive pour 5 500 pièces

L’impression 3D continue de prendre des galons dans le secteur de la défense. Un constat particulièrement vrai dans l’armée américaine qui, très tôt, a fait le pari de cette technologie en investissant massivement dans des centres de recherches dédiés et déployant des machines sur ses bases militaires. La raison de cet intérêt, est que la fabrication additive est en mesure d’aider les militaires à résoudre un certain nombre de problématiques liées aux techniques de fabrication traditionnelles.

Les conditions extrêmes et le niveau d’urgence qui caractérisent cette industrie, rendent d’autant plus pertinent le recours à l’impression 3D. Une fois déployées sur les théâtres d’opérations, les forces armées ont un besoin constant en pièces d’entretien et de réparation pour leurs équipements. C’est pourquoi la logistique y est particulièrement lourde et coûteuse.

Pour l’heure principalement confinée au prototypage, la fabrication additive commence tout juste à être mise en oeuvre dans les opérations réelles. La crise du Covid et sa mise en exergue des problématiques d’approvisionnement, a néanmoins relancé l’intérêt de cette industrie autour de l’impression 3D. Grâce à elle, les militaires seraient en mesure de produire directement sur place et en toute autonomie, des pièces manquantes ou défectueuses. Ce qui signifierait une réduction importante des coûts et des stocks physiques, mais aussi une diminution des temps d’arrêt des véhicules que l’on sait particulièrement longs lorsqu’une pièce de réparation vient à manquer. Au-delà des théâtres d’opérations, l’industrie de la défense est confrontée aux mêmes problématiques d’approvisionnement que les autres industries.

Bien que timidement, l’impression 3D commence néanmoins à s’inviter dans les pratiques des forces armées. 9 ans après avoir embarqué pour la première fois à son bord une imprimante 3D polymère (la Fortus 400 MC de Stratasys), la marine américaine s’est équipée cet été de sa première imprimante 3D métal. Depuis le 18 juillet, le porte-avions de la marine des Etats-Unis USS Essex, a installé une machine du fabricant américain Xerox. Il s’agit du modèle ElemX, une imprimante de type DED (dépôt de matière sous énergie concentrée) qui est capable d’imprimer très rapidement des pièces à partir d’un fil d’aluminium. Installée pour tester sa viabilité en mer, elle permettrait la fabrication de pièces telles que des adaptateurs de carburant, des dissipateurs thermiques, des boîtiers, ou encore des soupapes de purge d’air.

Imprimante 3D métal ElemX de Xerox

Imprimante 3D métal ElemX de Xerox (crédits photo : Xerox)

C’est dans ce contexte que l’US Navy a récemment fait part d’une initiative visant à examiner 5 500 pièces pour envisager leur impression 3D. Des pièces métalliques dont Matt Sermon, directeur exécutif du Program Executive Office for Strategic Submarines, explique qu’elles posent des problèmes de calendrier pour les nouvelles constructions et les disponibilités de maintenance pour les sous-marins et les navires. Six matériaux seraient responsables de 70 % des retards de livraison.

Selon Brian Fields, vice-président de HII (anciennement Huntington Ingalls Industries, Inc. ) la plus grande entreprise de construction navale militaire aux États-Unis, il existe une longue liste de pièces en métal coulé difficiles à se procurer dans les temps et de bonne qualité. Il ajoute que si l’entreprise peut faire le moulage du métal, une fois que les opérateurs commencent à l’usiner, tout défaut dans le métal nécessite soit une réparation par soudage, soit une reprise de toute la pièce. Ces défauts ne sont pas toujours visibles dès le début. Et la refonte d’une pièce peut être une mauvaise surprise pour le calendrier de construction du navire.

L’autre contrainte soulevée par l’US Navy, est que les pièces complexes lui posent de plus en plus de problèmes d’approvisionnement. Les techniques classiques comme le forgeage et l’usinage sont généralement plus coûteuses, et imposent des délais trop longs. Il en va de même pour les pièces moulées, qui peine également à suivre la demande. Selon les performances de l’imprimante 3D, l’US Navy estime que la fabrication additive pourrait aider à raccourcir le délai de production de certaines pièces métalliques jusqu’à 80 % en moyenne.

« La marine a élaboré un plan pour faire mûrir les métaux, les machines d’impression et les processus associés à ces six matériaux »

Comme nombre d’industries, le secteur de la défense pâtit également du fait qu’un nombre restreint d’entreprises métallurgiques est disponible pour répondre à la demande. On sait par exemple que les États-Unis n’ont plus la capacité nationale de produire de grandes pièces moulées en titane à haute performance. Le défi de l’US Navy va donc consister à déterminer lesquelles de ces pièces sont les plus pertinentes pour l’impression 3D et d’enclencher un processus de certification. Seront privilégiées les pièces de grande taille et celles sujettes à un usage intensif. « La marine a élaboré un plan pour faire mûrir les métaux, les machines d’impression et les processus associés à ces six matériaux cette année, de sorte que d’ici mars 2024, ils puissent être imprimés en volume et installés sur les sous-marins » a déclaré Matt Sermon.

« Nous n’avons pas encore atteint la maturité de ce processus au point de pouvoir développer la fabrication additive à grande échelle comme je le pense » , ajoute Bill Galinis, commandant du Naval Sea Systems Command.  « Nous pouvons faire des pièces uniques, et franchement, même pour un composant de réacteur, nous avons construit des pièces assez complexes en utilisant la fabrication additive, mais nous ne sommes pas encore arrivés au point où cela est évolutif. »

Brian Fields précise que son entreprise imprime déjà des pièces de navires pour respecter le calendrier exigeant de la Marine pour les systèmes nouveaux et sophistiqués. Il va même jusqu’à révéler une anecdote particulièrement intéressante, à savoir que l’an passé, la fabrication additive a permis la réalisation d’un superlift (module de navire) destiné au projet de porte avion américain CVN-80. « J’étais censé ériger un grand superlift sur CVN-80 en mars dernier. En novembre, nous avons constaté que la partie moulée n’allait pas être disponible avant juin ou juillet« , se souvient Brian Fields.

Devant l’impossibilité de respecter les délais, l’HII et une équipe de la Marine ont conçu, qualifié, imprimé en 3D, et usiné cette pièce en l’espace de quatre mois. « Je veux dire, je n’ai jamais vu dans ma carrière la Marine passer une qualification de procédure comme ça« , a déclaré Fields. « Je ne vais pas vous dire quelle partie, mais je vais vous dire que vous seriez choqué si vous saviez où elle se trouve. C’était une partie très critique du navire. »

Quant à l’utilisation de la fabrication additive pour les sous-marins, Brian Fields estime que les niveaux de sécurité et de supervisions techniques de ces bâtiments sont tels, que l’intégration de l’impression 3D va prendre plus de temps. Les programmes ont défini des besoins et des domaines où leur chaîne d’approvisionnement est bloquée. Par conséquent des pièces moins critiques doivent d’abord être mises en oeuvre.

Alexandre Moussion