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Un nez reconstruit par impression 3D pour une patiente atteinte d’un cancer

À gauche l'implant imprimé en 3D de Cerhum, à droite le greffon en nourrice sur l'avant bras

À gauche l’implant imprimé en 3D de Cerhum, à droite le greffon en nourrice sur l’avant bras (crédits photo : CHU Toulouse)

Le niveau de maturité atteint par l’impression 3D dans certains secteurs s’exprime de manière de plus en plus spectaculaire. Ce que l’on annonçait sans trop y croire il y a 10 ans, est en train de se produire sous nos yeux… Ainsi, les avancées et premières mondiales se succèdent, parfois même sans qu’on ait pris le temps de mesurer le chemin parcouru et les enjeux à venir. Tandis que des sociétés aérospatiales tirent parti de cette technologie pour imprimer des fusées entières, d’autres des murs en béton, et plus récemment du bois, cette révolution s’invite jusque dans notre propre corps.

Plus que des prothèses de membre ou des implants, l’impression 3D touche désormais à nos propres cellules. Quelques mois après que l’américain 3DBio Therapeutics ait réalisé avec succès la première greffe d’une oreille bioimprimée, des équipes de chirurgie ORL et cervico-faciale du CHU de Toulouse et de l’Institut Claudius Regaud sont parvenues à greffer un nez complet à partir d’un implant imprimé en 3D.

Inédite en France, cette opération qui n’est pas sans faire échos à l’implant mammaire imprimé en 3D de Lattice Medical, a profité à une toulousaine de 50 ans touchée par un cancer des fosses nasales. C’est en 2013, à la suite d’un traitement par chimio et radiothérapie, que cette patiente a perdu une large partie de son nez. Plusieurs tentatives de reconstruction nasale par greffe de lambeaux de peau ont alors eu lieu, mais sans succès. L’ultime solution proposée par l’équipe médicale qu’était le port d’une prothèse faciale, n’a jamais été supportée par la patiente.

L’innovation qui nous est rapportée ici ne réside pas seulement dans l’impression 3D, mais dans son mariage réussi avec un biomatériau spécifique. Le secret de cet implant baptisé MyBone, se trouve en fait dans une société belge dénommée Cerhum qui a mis au point un matériau biocéramique se rapprochant beaucoup de l’os humain.

Sa composition à base d’hydroxyde de calcium et de phosphatese, permet de réaliser des implants à la fois biocompatibles et durables. Des propriétés plus difficiles à obtenir avec les implants en métal ou en plastique. Il faut savoir que la durée de vie des implants médicaux en matériaux composites ont une durée de vie assez limitée. Passé 15 à 20 ans, il faut refaire une opération pour les changer. L’autre avantage de cet implant ostéoconducteur, est qu’il réduit aussi fortement les probabilités d’infection ou de rejet. Enfin, comparée à un greffon artificiel classique, la reconstruction est 5 à 7 fois plus rapide.

Quant à l’autre solution consistant à prélever tout un os dans la jambe avant de le découper, de le façonner et de le replacer sur le visage, elle entraîne souvent des complications au niveau des sites d’implantation et d’extraction. Le patient connait des problèmes de mobilité et des douleurs importantes. Une lourde rééducation est nécessaire.

« Le dispositif a ainsi pu être transplanté au niveau de la région nasale et revascularisé avec succès »

Membres de l'équipe de la start-up belge Cerhum

Equipe composant la start-up belge Cerhum (crédits photo : Cerhum)

Le rôle joué par l’impression 3D est qu’elle permet d’obtenir un implant personnalisé parfaitement conforme au nez de la patiente, qui plus est doté d’une structure poreuse qui favorise la colonisation des cellules. Ce qu’on appelle l’ostéointégration. Reproduit à l’identique via un scan effectué sur la future greffée, l’implant a été imprimé selon un procédé additif par stéréolithographie. Développée à l’origine par Sirris, un centre de collaboration important pour l’industrie technologique belge, cette technologie a été rachetée en 2015 par le fondateur de Cerhum Gregory Nolens.

Pour donner vie à ce nez, la deuxième étape a consisté ensuite à implanter celui-ci sur l’avant-bras de la patiente, afin qu’il puisse être colonisé par ses propres cellules. Les protagonistes expliquent avoir opté pour cette approche, notamment parce que la région du nez avait été irradiée par la radiothérapie. Cette zone était donc moins vascularisée.

Après une période de deux mois de mise en nourrice nécessaire à la colonisation complète du dispositif médical, les chirurgiens français ont alors greffé le nouveau nez sur le visage de la patiente. Une opération de microchirurgie particulièrement délicate, puisque visant à reconnecter les vaisseaux sanguins, particulièrement nombreux à cet endroit du corps. « Le dispositif a ainsi pu être transplanté au niveau de la région nasale et revascularisé avec succès à l’aide de la microchirurgie par anastomoses (création d’une connexion entre vaisseaux sanguins) des vaisseaux de la peau du bras sur des vaisseaux de la tempe de la patiente. » explique UCT-Oncopole dans un communiqué.

Après dix jours d’hospitalisation et trois semaines d’antibiotiques, la patiente se porterait aujourd’hui très bien. Si d’autres retouches sont à prévoir lors d’une nouvelle opération, elle respire avec son nouveau nez.

La solution ostéoconductrice mise au point par cette start-up biotech liégeoise, augure de nombreux progrès dans le domaine de la reconstruction osseuse, notamment pour des implants pour le secteur maxillofacial. En mai 2020, son dispositif Mybone avait cette fois-ci permis de reconstituer la mâchoire d’une patiente atteinte d’une tumeur. Une première mondiale. La jeune pousse entrevoit de nombreux débouchés dans le domaine chirurgie réparatrice, mais aussi esthétique, notamment pour refaire l’arête du nez, le menton ou les pommettes.

Alexandre Moussion