La vitesse d’impression 3D compte parmi les critères les plus mis en avant par les fabricants d’imprimantes 3D. Considéré comme déterminant dans le calcul du délai de fabrication, ce facteur fait l’objet de beaucoup de confusions et d’idées reçues chez les utilisateurs. C’est l’une des raisons pour laquelle, en pratique, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des performances annoncées sur le papier. Afin de démêler le vrai du faux, PRIMANTE3D a interrogé le spécialiste danois de la vitesse d’impression 3D Create It REAL.
« selon l’objet à imprimer et l’électronique utilisée par l’imprimante, cette vitesse ne sera en réalité que très rarement ou jamais atteinte »
Bonjour Jeremie. Pour ceux qui vous ne connaîtraient pas encore pourrais-tu nous présenter Create it REAL ? Que s’est il passé pour vous depuis notre première interview il y a 5 ans ?
Bonjour Alexandre, Create it REAL est un centre de Recherche et développement basé à Aalborg au Danemark. La vision de l’entreprise est de rendre les gens plus créatifs en leur fournissant les outils pour passer d’une idée à un objet réel. Pour cela nous développons des technologies de contrôle pour l’industrie de l’impression 3D. Nous avons développé un savoir-faire unique et travaillons avec les fabricants d’imprimantes 3D, les startups mais aussi de grandes entreprises sur leurs problématiques d’impression 3D.
Beaucoup de choses se sont passées depuis notre dernier entretien car nous venons tout juste de fêter nos dix ans. Nous avons encore amélioré notre plateforme haute vitesse pour imprimantes FDM en y ajoutant le cryptage des objets afin de garantir l’intégrité des fichiers et protéger les droits d’auteurs.
Notre slicer maison est maintenant compatible avec toutes les imprimantes du marché et donne de très bons résultats d’après nos premiers retours clients. Nous avons aussi reçu l’année dernière un investissement d’1.3 millions d’euros au Danemark pour nous aider à accélérer notre croissance. Nous travaillons beaucoup avec l’Asie mais nous sommes toujours à la recherche de nouveaux partenaires en Europe.
« c’est en fait la vitesse maximum que la tête atteindra à la fin de l’accélération initiale »
La vitesse d’impression compte parmi les critères les plus mis en avant par les fabricants d’imprimantes 3D. Quelle est sa définition ?
Je suis très content de pouvoir répondre à cette question car il y a énormément de confusion dans la communication des constructeurs qui n’utilisent pas toujours la même référence. Concernant le FDM, la valeur la plus utilisée s’exprime en mm/seconde et représente la vitesse maximum de déplacement lors de l’impression.
Il existe plusieurs vitesses d’impression pour le SLA et SLS car il existe plusieurs types de matériaux et technologies SLA et SLS. Par exemple il y a des technologies utilisant un laser qui vient solidifier une résine (SLA) ou fritter une poudre (SLS), dans ce cas la vitesse de déplacement du laser ou le volume d’impression par seconde peux être utilisé et dépend donc de la complexité de l’objet.
La technologie DLP est un type de technologie SLA où l’image entière peux être projetée sur une résine, chaque couche prend le même temps à solidifier et donc dans ce cas la vitesse du déplacement sur l’axe Z est le critère principal de vitesse.
À quoi correspond une vitesse d’impression de 300 mm/s par exemple ?
La distance par seconde représente la vitesse de mouvement de la tête d’impression. On pourrait s’attendre à ce que ce soit la vitesse constante de la tête pendant l’impression, or c’est en fait la vitesse maximum que la tête atteindra à la fin de l’accélération initiale.
C’est bien la source de confusion car même si une vitesse de 300 mm/s est définie dans les paramètres d’impressions, selon l’objet à imprimer et l’électronique utilisée par l’imprimante, cette vitesse ne sera en réalité que très rarement ou jamais atteinte.
« Chaque fabricant est donc libre de communiquer la valeur qui lui convient »
On retrouve également les mentions mm2/s et mm3/s pour la vitesse de déplacement.
Oui la surface par seconde (mm2/s) ou le volume par seconde (mm3/s) sont d’autre manière de définir la vitesse mais surtout un moyen d’éviter les comparaisons. Ce concept peut paraitre être une amélioration par rapport à la vitesse de déplacement de la tête mais peux être encore plus trompeur car dépendant de la résolution (épaisseur des couches) et de la taille de la buse d’extrusion.
Etant donné la multitude de paramètres qui influent sur la vitesse d’impression, que sait-on de la méthodologie des fabricants pour calculer cette vitesse et des normes actuelles ?
Aujourd’hui il n’y a pas de norme officielle et le groupe ISO (TC261) qui s’occupe de la fabrication additive se focalise surtout sur la technologie SLS. Nous ne sommes pas près de voir une norme aboutir prochainement.
Chaque fabricant est donc libre de communiquer la valeur qui lui convient le mieux. Beaucoup de machines vont afficher des spécifications qui paraissent rapide, mais le seul vrai critère serait le temps moyen d’impression d’un large échantillon d’objets.
« si vous imprimez autour de 30 min vous avez une machine haute vitesse »
À partir de quel moment peut-on considérer qu’une imprimante 3D est rapide ?
Un test à effectuer est d’imprimer le fameux « 3DBenchy » à 0,2 mm hauteur de couche, 15% de remplissage, murs d’1mm, si le temps d’impression est autour 1h30 pour une qualité acceptable (et oui même là c’est encore un peu subjectif) la machine à une vitesse standard, si la machine mets plus de 2h-2h30 la machine est lente, et enfin si vous imprimez autour de 30 min vous avez une machine haute vitesse.
Notre technologie permet d’aller jusqu’à 5 fois plus vite sur une très bonne machine optimisée, mais nous constatons en moyenne un gain de x3 avec une machine standard. Notre électronique s’adapte sur n’importe quelle imprimante 3D sans besoin de changer d’autres pièces. Je précise car de nombreux fabricants n’imaginent pas le contrôleur comme étant le goulot d’étranglement. Bien sûr, avec un bon filament et une mécanique optimisée, les gains en qualité ou vitesse sont encore meilleurs.
Dans la mesure où un tas d’autres facteurs limitants sont en prendre en compte, comme notamment la durée de refroidissement ou le post-traitement pour certains procédés comme le frittage laser, ne serait-il pas plus pertinent de parler de durée de fabrication ?
Exactement, c’est d’ailleurs cette notion que je trouve la plus intéressante. Sur des pièces moyennes, on arrive facilement à des temps de 9 à 10h d’impression, ce qui oblige les utilisateurs à programmer leur impression pendant la nuit, avec les risques que cela comporte. Pouvoir imprimer en 5h ou 3h, permettrait de faire plusieurs itérations en une journée.
En FDM quels sont les différents paramètres qui influent sur la vitesse d’impression ?
La technologie tout d’abord, les vitesses ne sont pas les même avec la FDM, la SLA ou la SLS, mais les utilisations sont aussi différentes. Sur une machine FDM, il faut prendre l’ensemble de la machine en compte : la qualité de sa fabrication, l’électronique, la mécanique ainsi que le filament utilisé et son refroidissement.
Les machines standards marchent bien à leur vitesse actuelle, mais dès qu’on les pousse un peu, on s’aperçoit de nombreux défauts. Nous accompagnons d’ailleurs nos partenaires dans l’optimisation de leur machine, car parfois il ne faut pas grand-chose pour arriver à des très bons résultats.
Quelles sont les astuces pour augmenter la vitesse sans perdre de la précision en FDM ?
Tout dépendra du modèle d’imprimante utilisé mais dans tous les cas, s’assurer que la mécanique est bien montée, les courroies tendues correctement et puis il faut passer du temps à pousser les paramètres un par un. Les fabricants proposent généralement des configurations par défaut qui sont stables mais ne prennent pas trop de risque pour éviter les appels au service client. Vous pouvez trouver sur les forums des configurations optimisées par des passionnés, il suffit de les demander en général.
« Comme dans tout industrie nouvelle et en forte croissance, la technologie va s’améliorer rapidement »
En terme de vitesse de fabrication, parmi les 7 procédés de fabrication additive normalisés, lequel sera selon toi le plus susceptible de rivaliser avec les techniques traditionnelles de fabrication ?
Il n’y a pas vraiment de concurrence entre les différents procédés de fabrication additive, tout comme il n’y en a pas entre une machine CNC et une machine à injection. Toutes ces technologies sont complémentaires ou adressent un besoin ou marché différent. Les grandes séries d’objets seront toujours moins chères en injection par exemple, mais la fabrication additive permettra la personnalisation des objets ou de faire des séries de faible volume.
Plus globalement comment vois-tu évoluer l’impression 3D dans les prochaines années sur cet aspect ?
Comme dans tout industrie nouvelle et en forte croissance, la technologie va s’améliorer rapidement et les prix vont chuter sous la pression des fabricants asiatiques qui font de très bonnes machines d’entrée de gamme. Pendant ce temps les fabricants Européens et Américains vont plutôt se focaliser sur le marché professionnel avec des machines plus chères amenant plus de fonctions et de valeurs pour les clients. Coté vitesse, le marché est encore jeune et les clients ne réalisent pas que les imprimantes sont très lentes.
Je pense que la vitesse est plus importante pour ceux qui en sont déjà à leur deuxième machine. De plus en plus de fabricants vont quand même s’y pencher afin d’apporter des nouveautés et se différencier de leurs concurrents. Nous sommes donc confiants en l’avenir de notre technologie.
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