Si pour des raisons évidentes de contraintes techniques et sanitaires, le secteur de l’alimentaire met plus de temps que les autres à s’emparer de l’impression 3D, les initiatives se montrent de plus en plus nombreuses et abouties. Il n’y a qu’à voir les dernières créations sucrées de Sugar Lab, ou plus fou encore, les filets de saumon de la start-up autrichienne Revo Foods (ex Legendary Fish) pour mesurer les progrès réalisés sur l’impression directe d’aliments. Apparue sur le devant de la scène il y a un an, cette dernière refait aujourd’hui surface avec un nouveau nom et l’annonce d’une première dégustation publique. Prévue en mars prochain dans un restaurant viennois de bagels, celle-ci permettra de tester en situation réelle le « premier fruit de mer végétal imprimé en 3D au monde. »
Ce qui pour beaucoup pourrait être considéré comme une alimentation futuriste dont on ne verra pas la couleur avant très longtemps, se rapproche bien plus vite de nos assiettes qu’on ne pourrait le penser. Preuve en est le nombre impressionnant de start-up aujourd’hui tournées vers le développement de viande alternatives à base de plantes ou de cellules animales, et l’avancement de leur travaux. On se souvient, c’était il y a plus d’un an déjà, de cette émission d’Envoyé Spécial où un journaliste s’était rendu dans le laboratoire de Redefine Meat en Israël pour goûter son steack végétal imprimé en 3D. « C’est presque impossible de faire la différence avec un vrai steak » avait-il alors conclu.
Remplacer les produits animaux par des substituts sans émission de gaz à effet de serre et sans souffrance animale, est une tendance qui s’est considérablement accélérée ses dernières années. Très souvent annonciateur des tendances à venir en Europe, aux Etats-Unis, les ventes d’alternatives végétales à la viande avait déjà bondi de 18 % en 2019. Désormais, ils sont plus de 14 % des ménages américains à consommer des ersatz végétaux de viandes. En France, où l’argument de santé arrive en première position juste devant le bien être animal, 5,2 % de la population est végétarienne, végétalienne ou véganne. Ce taux grimpe à 12 % chez les 12-24 ans.
« Notre saumon végétal est composé de seulement 11 ingrédients, et nous sommes fiers de son fantastique contenu nutritionnel »
Tout comme elle pourrait jouer un rôle dans l’impact environnemental de la production de viande, l’impression 3D alimentaire a également une carte à jouer pour diminuer celui de la pêche et de l’aquaculture. Le saumon bon marché qui inonde aujourd’hui nos supermarchés, s’accompagne de nombreux impacts néfastes sur l’agriculture terrestre et sur les écosystèmes marins. En moyenne 3.5 kilos de poisson sauvages serait nécessaire pour fabriquer un kilo de poissons d’élevage. C’est pour tenter de résoudre cette problématique, que trois jeunes danois (Robin Simsa, Theresa Rothenbücher et Hakan Gürbüz) ont imaginé Revo Foods.
Le projet fou de cette startup est de proposer différents produits de la mer réalisés à partir de plantes. Experts en biotechnologie moléculaire et appliquée, ses trois fondateurs ont développé une méthode d’impression 3D qui leur permet de reproduire l’aspect et la texture du saumon, mais aussi ses qualités nutritionnelles avec suffisamment de protéines pour être une alternative viable. Pour reproduire toutes les caractéristiques de ce saumon fumé baptisé « The Smokey One », les trois jeunes partenaires ont recours à des imprimantes 3D de bureau Felixprinters, et des bioimprimantes 3D sur lesquelles ils extrudent plusieurs encres en même temps.
Les premières formulations de la jeune pousse portent sur la combinaison de protéines de champignons et de pois. Des ingrédients qui mis ensemble permet d’obtenir une consistance semblable à celle du poisson, grâce aussi à l’ajout d’agents gélifiants comme de l’amidon et l’agar-agar. Le gras du poisson enfin, est remplacé par de l’avocat ou des huiles de graines / noix, apportant dans le même temps les précieux Oméga -3 acides gras.
« Notre saumon végétal est composé de seulement 11 ingrédients, et nous sommes fiers de son fantastique contenu nutritionnel. » Se félicite Revo Foods. « Bien entendu, notre saumon ne contient absolument aucun métal lourd, microplastique, antibiotique ou tout autre déchet trouvé dans le saumon d’aquaculture industrielle. Nous pensons que nous avons besoin de meilleures alternatives aux fruits de mer pour convaincre les consommateurs. Chez Revo Foods, nous avons une vision claire : La surpêche est le passé. Rejoignez-nous pour un avenir durable avec des produits de la mer à base de plantes ! »
Pour passer à l’échelle industrielle, Revo Foods planche actuellement sur une ligne de production automatisée qui lui permettrait d’imprimer une plus grande quantité de poisson. Dans un secteur, celui de l’impression 3D alimentaire, ou de nombreuses certifications restent encore à définir, les défis réglementaires constituent un obstacle peut-être plus importants encore que les aspects techniques. La start-up qui souhaiterait aussi à l’avenir produire du thon, propose également plusieurs aliments sous forme de pâte, qui ne sont pas imprimés en 3D, mais fabriqués à partir d’ingrédients végétaux.