Des moteurs de fusée aux satellites, les initiatives menées par l’aérospatiale dans le domaine de la fabrication additive n’ont jamais été aussi nombreuses. Les derniers entretiens de PRIMANTE3D avec Thales Alenia Space et LISI AEROSPACE Additive Manufacturing, témoignent de la montée en puissance de cette technologie dans cette industrie et des avantages considérables dont elle peut lui faire bénéficier. La liberté de formes et l’allègement drastique des pièces permis par l’impression 3D, répondent à la quête permanente de performances et d’économie de carburant de ce secteur.
Loin encore d’avoir livré tous ses bienfaits sur Terre, l’impression 3D nous promet des avancées plus importantes encore lorsqu’elle pourra être utilisée directement dans l’espace. Sa capacité à produire un grand nombre de pièce à la demande résoudrait nombre de problématiques ; à fortiori pour les missions de longues durée telle que celle envisagée sur Mars. Les ravitaillements, outre le fait d’être extrêmement coûteux, y seraient quasi impossibles. C’est la raison pour laquelle toutes sortes de projets d’impression 3D en microgravité sont menés ici et là, que ce soit pour subvenir aux besoins alimentaires et médicaux des spationautes, mais aussi d’habitats.
C’est dans cette optique qu’une imprimante 3D métal sera bientôt envoyée dans l’espace. AddUp, la filiale française de Fives et Michelin, a révélé aujourd’hui sa participation au projet « Metal3D », dont le but est de créer l’imprimante 3D qui produira les premières pièces métalliques depuis l’espace. Un projet ambitieux mené par l’Agence spatiale européenne (ESA), en charge de commander la mission et jouer le rôle du client, et Airbus Defense and Space qui pilote le projet.
Parmi les autres protagonistes, on retrouve l’Université de Cranfield qui a développé la source d’énergie et le mécanisme d’apport de matériau. Il s’agit plus exactement d’un laser et d’un fil en acier inoxydable. Une société dénommée Highftech s’est occupée de fabriquer l’enceinte de la machine et d’y intégrer la gestion des fluides. Quand à AddUp, c’est lui qui a conçu et fabriqué la structure interne de la machine, y compris toutes les pièces mobiles. Ses experts se sont également chargés de développer le programme d’automatisation de la machine, qui comprend des fonctions telle que la communication avec le sol (envoi de données, mesures, images, rapports, et exécution des commandes reçues de la Terre).
Alexandre Piaget, ingénieur R&D chez AddUp témoigne : “AddUp joue un rôle important dans la réalisation de cette mission mais son implication remonte à la phase d’avant-projet où il a fallu démontrer la faisabilité du projet. Cette première partie réalisée dans les locaux de Salon de Provence a construit les fondements de ce qu’est la machine aujourd’hui. Dans sa version finale, AddUp est en charge des axes mobiles, des pièces de structures et du logiciel de la machine.“
« Les perspectives de l’impression 3D dans le contexte de l’exploration spatiale sont nombreuses »
Pour tester les capacités de cette imprimante 3D à imprimer du métal dans l’espace, c’est à dire sans gravité, deux exemplaires identiques de la machine ont été fabriqués afin d’être capables de fonctionner dans les deux environnements. Pour caractériser les propriétés mécaniques du matériau mis en forme en microgravité, deux lots d’éprouvettes seront dans un premier temps produits par les deux imprimantes. Tandis que le premier lot sera imprimé à Toulouse en gravité terrestre, le second sera réalisé dans l’espace, plus précisément dans le module Columbus de l’ISS, en microgravité.
Le défi et la difficulté de la l’impression 3D en l’absence de gravité, est que la plupart des procédés actuels de fabrication additive ne sont plus utilisables. Soit parce qu’ils ne sont pas compatibles avec l’environnement spatial (l’utilisation de poudre fine est dangereuse dans la station spatiale), soit parce qu’il n’est pas possible de les mettre en œuvre simplement en microgravité (procédés dits lit de poudre par exemple).
AddUp explique que pour rendre possible la fabrication en microgravité, les partenaires ont choisi d’utiliser un procédé qui favorise les forces induites par la tension de surface : il s’agit de la combinaison fil-laser (W-DED). Un laser sera utilisé comme source d’énergie et un fil d’acier inoxydable 316L comme matière première. Le laser et le système d’alimentation en fil sont fixés dans le châssis de la machine, et la table d’impression est rendue mobile par 3 axes linéaires et 1 axe rotatif. La machine fonctionne sous azote afin de limiter l’oxydation du matériau et d’éviter les risques de combustion. L’accès aux ressources étant limité dans l’ISS, l’atmosphère de la machine est filtrée et refroidie tout au long du processus de fabrication pour limiter la consommation d’azote et recycler au maximum celui déjà présent dans la machine.
Si l’envoi de la machine sur l’ISS ne devrait pas avoir lieu avant février 2023, AddUp indique que les suites du projet sont déjà en route. L’entreprise et Airbus Defense and Space ont pour projet de construire une machine inspirée de Metal3D qui permettra de continuer les développements sur cette technologie. « Les perspectives de l’impression 3D dans le contexte de l’exploration spatiale sont nombreuses. » Conclut AddUp. « On pense bien sûr à la fabrication et la réparation d’outils et de pièces, directement sur place et avec un matériau d’apport unique pour une grande variété de pièces. C’est également la possibilité de concevoir des systèmes plus complexes, voire des habitats dans un contexte de base lunaire ou martienne.«
AddUp n’est pas à sa première incursion dans le spatial. On se souvient qu’en 2018, le spécialiste français de la fabrication additive métallique s’était associé à des élèves de l’ESTACA pour réaliser un moteur spatial en utilisant l’impression 3D. Ce projet de fin d’études baptisé Aurora Liquid Engine, visait à démontrer l’intérêt de la fabrication additive dans l’aérospatial en fabricant un moteur à très faible coût en seulement six mois.