Près de 50 ans après le bon de géant de Neil Amstrong, notre satellite naturel, mais aussi la planète Mars, suscitent à nouveau l’engouement des plus grandes puissances spatiales. Sous l’impulsion de Donald Trump, la NASA prévoit d’envoyer à nouveau des hommes sur la Lune dans le but d’y établir une base pour une mission ultérieure sur Mars. En attendant que des terriens ne foulent un jour une autre planète, les défis techniques sont colossaux. Se pose notamment la question de la construction des habitations pour accueillir les premiers explorateurs. Parce qu’envoyer un vaisseau spatial rempli de matériaux de construction n’aurait aucun sens, la NASA s’est associée à Autodesk pour expérimenter l’impression 3D d’habitats sur site. Pour en savoir plus sur cette collaboration ô combien passionnante, Primante3D a questionné Fikret Kalay, responsable de la recherche en développement pour la robotique d’Autodesk.
« avec le laboratoire Swamp Works de la NASA, nous expérimentons l’impression 3D d’habitacles »
Bonjour Fikret Kalay. Présentez-vous et expliquez en quoi consiste exactement votre rôle chez Autodesk.
Bonjour ! Je suis responsable de la recherche en développement chez Autodesk pour la robotique, la fabrication et les composites. Je dirige une équipe de recherche qui propose une expertise en usinage, robotique, fabrication additive et composite… pour les besoins personnalisés des clients. Ce savoir-faire réside dans la maîtrise et la consolidation du jumeau numérique : de la conception à la fabrication jusqu’à l’inspection. Un premier pas vers l’intelligence artificielle en fabrication !
Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu parler d’impression 3D ?
C’était il y a 15 ans. A l’époque, nous en étions au stade de laboratoire de recherche. Nous avions déjà quelques idées quant à son utilisation pour la fabrication du futur mais il n’y avait aucune perspective d’industrialisation de cette technologie. Aujourd’hui, les avancées technologiques liées à la fabrication additive et les projets toujours plus innovants prouvent le contraire !
Autodesk est aujourd’hui impliqué dans plusieurs projets de construction 3D. On pense au fameux pont d’acier MX3D, mais plus récemment à sa collaboration avec la NASA pour la construction d’habitats durables sur Mars. Comment passe-t-on d’un projet tel que celui de Ember – une imprimante 3D de bureau – à celui-ci de l’exploration spatiale ?
Comme nous l’avions annoncé lors de son lancement en 2014, avec l’imprimante 3D Ember, notre objectif était de démontrer la puissance d’un système ouvert et connecté comprenant logiciel, matériel et matériaux développés ensemble pour faire progresser le secteur de manière significative. Il n’y avait aucune volonté de devenir fabricant de matériel. Il s’agissait d’aider à faire avancer la recherche dans ce domaine et notamment de montrer comment un système connecté peut influer sur la vitesse d’impression et atteindre une résolution inférieure au pixel.
Ces différentes recherches nous ont permis de faire progresser notre approche dans le domaine de la fabrication additive et plus généralement, de la fabrication. La première technologie était basée sur un slicer 2D où on venait progresser autour d’une direction principale (technologie basée sur lit de poudre).
Désormais, la technologie est plus complexe. Nous pouvons travailler à plus grande échelle et avec des débits de productivité bien plus élevés avec des machines de plus en plus complexes. Cela engendre ainsi d’autres incertitudes techniques mais n’est-ce pas ainsi que nous faisons avancer l’innovation ?
« L’objectif de ce projet ne se limite pas à la planète Mars »
Quel est le but de cette collaboration et le rôle joué par Autodesk ?
En collaborant avec le laboratoire Swamp Works de la NASA, nous expérimentons l’impression 3D d’habitacles en utilisant un procédé d’extrusion piloté par un robot et un matériau composite fait de déchets de sédiments (terre, poussière, pierre cassée…) et de plastique recyclé. Ces sédiments (plus connus sous le nom de « régolithe ») peuvent facilement être trouvés sur la Terre, mais aussi sur la Lune ou d’autres planètes, ou même sur des astéroïdes.
Il s’agit de repousser les limites de la fabrication additive en grand format, d’affiner notre expertise dans ce domaine pour aboutir à une technologie stable dans le futur.
L’objectif de ce projet ne se limite pas à la planète Mars. Nous souhaitons repenser la façon dont on conçoit et fabrique les habitations sur la Terre.
Parlez-nous de vos recherches et des premières expérimentations.
Le premier résultat de cette collaboration avec la NASA est la fabrication d’une barrière Jersey. Il s’agit de la barrière (fabriquée en béton ou en plastique) qui permet de séparer une voie de circulation d’une zone en construction. C’est une structure qui a besoin d’être extrêmement résistante et qui doit durer dans le temps. Des caractéristiques qu’on recherche aussi pour les habitations humaines.
La seconde étape de cette collaboration sera de construire des éléments plus grands et de voir s’il est possible de reproduire les mêmes propriétés mécaniques sur des pièces plus grandes.
« nous avons utilisé la technologie d’extrusion d’un matériau composite via un robot »
Que pouvez-vous nous dire sur le procédé de fabrication additive employé, les logiciels et matériaux ?
Pour ce projet, nous avons utilisé la technologie d’extrusion d’un matériau composite via un robot. Pour la partie conception, l’équipe de recherche avancée d’Autodesk a conçu cette barrière en s’appuyant sur les solutions technologiques Fusion 360 et PowerMill. Cette barrière répond aux enjeux de structure mais aussi aux contraintes liées au procédé d’extrusion robotique, tout en allégeant significativement son poids.
Autodesk a également développé un logiciel permettant de contrôler le robot industriel (qui s’adapte à l’effecteur spécialisé, ou la « main du bras », conçu par la NASA) pour permettre l’impression additive sans limite de formes sans avoir recourt au soutien externe d’un échafaudage.
Le matériau s’appuie sur le recyclage ! Il s’agit d’un composite fait de déchets de sédiments (terre, poussière, pierre cassée…) et de plastique recyclé.
Quelles sont les contraintes liées au procédé d’extrusion robotique et la gravité ?
Nous sommes en phase préliminaire du projet. Nous n’avons pas encore exploré les contraintes liées à la gravité mais il s’agit de la prochaine étape du projet.
« la fabrication additive est une réponse possible à la problématique mondiale de besoins en bâtiment »
Plus globalement comment voyez-vous l’avenir de la fabrication additive dans le domaine de la construction ?
Aujourd’hui, un tiers des déchets mondiaux sont issus du secteur du BTP. Quand on sait qu’il faut construire 13 000 bâtiments par jour d’ici 2050 pour pouvoir loger 75% de la population mondiale qui atteindra 10 milliards d’habitants à cette date, il est plus que temps de repenser fondamentalement notre façon de concevoir et de fabriquer. En se concentrant notamment sur la réduction des déchets et l’obtention de meilleurs résultats. Certaines réponses technologiques se trouvent dans le monde industriel. Nous assistons de plus en plus à une convergence des univers du BTP et de la fabrication.
Ainsi, la fabrication additive est une réponse possible à la problématique mondiale de besoins en bâtiment : elle va permettre d’aider à mieux construire puisqu’on automatise la façon dont les bâtiments sont conçus numériquement et physiquement mais aussi parce qu’on apporte de la matière uniquement là où on en a besoin.
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