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Zortrax explore l’impression 4D avec l’Agence Spatiale Européenne

Démonstrateur de mouvement de torsion finale. Un mécanisme imprimé en 3D à gauche et un principe de fonctionnement à droite.

Démonstrateur de mouvement de torsion finale. Un mécanisme imprimé en 3D à gauche et un principe de fonctionnement à droite.

Dans un récent article, Zortrax a révèlé avoir clôturé avec succès un projet d’impression 4D financé par l’Agence spatiale européenne. Unanimement reconnu pour la qualité de ses imprimantes 3D de bureau professionnelle FFF, le fabricant polonais s’est attiré les faveurs de l’ESA pour un projet visant à développer de nouvelles technologies d’impression 4D pour l’industrie spatiale. Une étude d’autant plus intéressante, que leurs équipes de recherche et développement ont réalisé des avancées majeures dans le domaine.

Si vous ignorez encore ce qu’est l’impression 4D, c’est un peu normal puisque ce segment de l’impression 3D est relativement récent. Cette approche n’est apparue qu’il y a une dizaine d’année seulement. L’un des premiers à avoir évoqué cela est Skylar Tibbits, fondateur du Self-assembly Lab du MI. En avril 2013, celui-ci avait animé une conférence TEDx où il expliquait le caractère révolutionnaire de cette technologie.

Comme son nom le présume, l’impression 4D reprend le principe de fabrication couche par couche de l’impression 3D, mais en y ajoutant une 4ème dimension : celle de la temporalité. Les objets réalisés selon cette méthode sont imprimés avec des matériaux dits « intelligents », qui ont une sensibilité à différentes formes d’énergie tels que des changements de température, de lumière, ou encore de champs électriques.

Cette approche permet donc la fabrication d’objets capables de changer de propriétés, de formes et de fonctionnalités au cours du temps. Il va s’en dire que des produits pouvant intéragir avec leur environnement, intéressent de nombreuses industries qui y voient un grand potentiel pour créer des dispositifs et des structures personnalisés.

Sachant qu’il est possible de programmer un matériau intelligent, les applications sont extrêmement vastes. On pourrait par exemple imaginer une canalisation intelligente qui aurait la capacité de réguler son débit en se contractant ou se dilatant selon l’écoulement de l’eau, des murs indestructibles capables de s’autoréparer, ou encore des ailes d’avions qui au contact de l’air et sous l’effet de la vitesse modifieraient leur aérodynamisme… autant dire que les perspectives sont absolument passionnantes.

Quant à l’intérêt de l’ESA pour l’impression 4D, il est facile à comprendre quant on connaît l’importance accordée par l’industrie de l’aérospatiale à l’allègement de ses composants. Chaque kilo gagné représente des milliers d’euros économisés. Les objets 4D sont en effet capables d’effectuer des actions mécaniques sans avoir besoin de charnières, de boulons et d’autres matériels qui pourraient ajouter au poids d’un système spatial. L’autre bénéfice indirect de la suppression de fixations est la réduction des points de faiblesses.

« il y avait quelques problèmes apparents qui devaient être résolus avant que cette technologie puisse trouver des applications dans le monde réel. »

L'imprimante 3D M300 Dual de Zortrax

L’imprimante 3D M300 Dual de Zortrax (crédits photo : Zortrax)

Zortrax explique que le projet mis en oeuvre avec l’ESA visait à déterminer quelle serait la meilleure approche d’impression 4D pour développer des pièces plus légères pour le spatial. Ceci étant, la mise au point d’un système efficace pour accomplir cela est d’une complexité incroyable.

Les protagonistes expliquent que de nombreux aspects doivent être pris en compte. Tout d’abord, il faut choisir des matériaux adaptés, tout en développant une géométrie élaborée qui exploite les propriétés de changement de forme du matériau. De plus, toutes ces considérations doivent être prises en compte dans les conditions thermiques prévues de l’environnement spatial. En outre, l’intégration d’éléments conducteurs dans la conception est indispensable. Bien que des matériaux répondant à ces exigences existent, leur incorporation dans la conception 4D à changement de forme pose des défis supplémentaires.

« Bien que leurs résultats aient semblé impressionnants, il y avait quelques problèmes apparents qui devaient être résolus avant que cette technologie puisse trouver des applications dans le monde réel. » indique le fabricant polonais avant d’expliquer :

  • Le changement de forme a été déclenché par la température de l’environnement qui a réchauffé toute la structure en même temps.
  • Le processus était difficilement contrôlable : il s’est déclenché lorsque la température ambiante a atteint un certain niveau et vous ne pouvez pas toujours contrôler l’environnement.
  • Le changement de forme a commencé à une température relativement basse de 40 degrés Celsius : Étant donné que le changement de forme était déclenché par l’environnement, il n’y avait aucun moyen de déployer de telles structures de manière séquentielle, ce qui limitait leurs applications.

« Dès le départ, il est devenu évident que les filaments à mémoire de forme disponibles dans le commerce avaient une température de transition vitreuse allant jusqu’à 55 ℃, ce qui n’était pas suffisant pour les applications spatiales. » ajoute Zortrax. Un mécanisme imprimé en 4D avec de tels filaments s’activerait tout seul à des températures supérieures à 55 ℃, ce qui se produit assez souvent sur l’orbite terrestre basse lorsque le vaisseau spatial est exposé à la lumière du soleil. »

Le fabricant explique doncavoir mis au point un un filament à mémoire de forme personnalisé doté d’une température de transition vitreuse de 75 ℃. C’est à dire 50% plus élevé que tout ce qui est disponible sur le marché. Le matériau a été livré, puis minutieusement testé.

« L’impression 4D est une technologie qui a le potentiel de révolutionner le fonctionnement des mécanismes dans l’espace. »

Démonstrateurs de technologie d'impression 4D livrés à l'ESA par Zortrax.

Démonstrateurs de technologie d’impression 4D livrés à l’ESA par Zortrax.

Le fabricant polonais explique que choisir le bon matériau conducteur était plus facile, puisque plusieurs filaments standard répondaient aux exigences. Après une vaste campagne de tests où les propriétés thermiques et électriques de ces filaments ont été testées, le FIBERFORCE NYLFORCE Conductive a été sélectionné comme matériau pour chauffer le polymère à mémoire de forme dans les mécanismes imprimés en 4D.

C’est ainsi que Zortrax est finalement parvenu à développer trois démonstrateurs d’impression 4D capables de réagir avec différents types de mouvements activés électriquement : le pliage, la torsion et le déploiement. Pour ce faire, le fabricant polonais a utilisé sa M300 Dual, une imprimante 3D à double extrusion pour imprimer deux matériaux différents.

L’article publié par Zortrax décrit une expérimentation fastidieuse où ont été testées de nombreuses formes géométriques pouvant réagir au stimuli électrique. Un travail minutieux a été nécessaire pour trouver la combinaison idéale. Au final, les équipes de R&D ont (notamment) réussi l’exploit d’imprimer une barre capable se plier à près de 30 degrés en une minute seulement après avoir été alimentée en électricité. Les mécanismes 4D peuvent être activés électriquement en appuyant sur un simple bouton.

Non seulement les pièces peuvent fonctionner à n’importe quelle température ne dépassant pas 75 ℃, mais la chaleur peut être délivrée précisément aux points choisis du mécanisme. « Le mouvement de torsion était un peu plus délicat car il est plus facile de faire plier les mécanismes imprimés en 4D plutôt que de les faire tourner lorsqu’ils sont activés. Le premier tir était une conception en spirale qui se comprimerait et provoquerait le mouvement de rotation au centre. » peut-on lire dans l’article.

Si les travaux menés par Zortrax et l’ESA nous rappellent la complexité de l’impression 4D, les résultats obtenus ouvrent en tout cas un horizon de possibilités tout à fait passionnant. Cette capacité de créer des objets combinant la liberté de conception de l’impression 3D avec la capacité de se modifier et de s’adapter activement à leur environnement, ouvre des perspectives vertigineuses pour l’innovation et la conception de produits innovants.

L’ESA estime en tout cas que les démonstrateurs réalisés sont un bon point de départ pour le développement de mécanismes plus importants. « Cela signifie qu’ils sont facilement évolutifs, peuvent être activés à volonté et sont incroyablement simples, ce qui se traduit par une fiabilité. » déclare l’Agence Spatiale avant de conclure : « L’impression 4D est une technologie qui a le potentiel de révolutionner le fonctionnement des mécanismes dans l’espace. Du fait que le mouvement est une caractéristique inhérente aux matériaux utilisés, il n’y a pas besoin de systèmes d’actionnement séparés qui ajoutent du poids et donc augmentent le coût du mécanisme.«

Alexandre Moussion