L’un des freins au développement de l’impression 3D sur le marché B2B, c’est la grande réticence de ses utilisateurs à partager leurs expériences. Les acteurs de cette industrie (et moi même), le constatent tous les jours. Soucieuses de conserver leurs gains technologiques, les entreprises rechignent (à juste titre ou pas, c’est un autre débat) à communiquer sur leurs cas d’applications.
Pourtant, on sait que les exemples de réussites sont très importants pour convaincre et rassurer les industriels, dont beaucoup d’entre-eux restent solidement cramponnés à leurs habitudes de fabrication traditionnelle.
L’avantage de la construction 3D en revanche, est que pour des raisons évidentes, il est plus difficile d’en dissimuler les applications. Là où habituellement la fabrication additive s’opère à l’abri des ateliers, l’impression 3D béton par exemple, à fortiori lorsqu’elle concerne des bâtiments imprimés in situ, se fait pour ainsi dire à la vue de « tous ». C’est la réflexion que je me suis faite en découvrant la dernière initiative de Walmart.
Comparable à notre Carrefour en France, ce géant américain de la grande distribution a tiré parti de l’impression 3D pour construire une extension à son Supercenter d’Athens, dans le Tennessee.
La première chose que l’on apprend, est que la construction a été achevée. La seconde est qu’elle ne porte pas sur un magasin de détail, mais un lieu destiné au stockage des articles qui ont été achetés en ligne avant qu’ils ne soient livrés ou récupérés par les clients.
D’une superficie de 750 m2 et 6 mètres de haut, cette structure serait l’une des plus grandes imprimées en béton aux États-Unis. Pour ce chantier, Warmart confie avoir fait appel à Alquist 3D, une entreprise américaine basée dans le Colorado spécialisée dans la construction 3D béton. Portée par l’ambition de résoudre la crise de logement aux Etats-Unis, la jeune pousse a pour ce chantier, tiré parti de sa propre technologie 3DCP.
Je sais que pour d’autres constructions, il est arrivé que l’entreprise exploite d’autres solutions que la sienne, notamment des systèmes à portique, comme ceux de Cobod et de Black Buffalo 3D. « C’est la première installation de ce type et c’est tout simplement incroyable qu’elle soit une réalité ; elle va jouer un rôle majeur dans l’avancement de la technologie 3DCP. » a déclaré Zachary Mannheimer, fondateur et président d’Alquist 3D.
« Chaque fois que vous vous trouvez dans un nouveau climat, il faut mettre en place un processus de recherche et développement »
Walmart explique avoir sélectionné Alquist 3D après avoir examiné diverses entreprises spécialisées. Ce dernier aurait su se démarquer pour plusieurs raisons clés, en particulier son expérience avérée dans la gestion de projets complexes et sa capacité à collaborer avec des acteurs majeurs du secteur comme SIKA et RIC Technology. Des collaborations qui ont permis à Alquist 3D d’acquérir les compétences et les ressources indispensables pour faire face aux défis liés à ce projet ambitieux.
L’autre aspect intéressant de cette construction, est qu’Alquist 3D en a profité pour ouvertement évoquer les échecs et difficultés qu’elle a déjà pu rencontrer sur d’autres chantiers. Quand on sait que beaucoup d’acteurs de ce segment, ont tendance à sur-vendre les capacités de leur technologie, le fait que l’un d’entre-eux admette que l’impression 3D n’est pas une solution miracle, est une bonne chose pour sa crédibilité. Cela permet d’éviter les déceptions liées à des attentes irréalistes.
L’événement rapporté par l’entreprise, est en fait un problème survenu l’année dernière sur un projet de construction de 10 maisons dans l’Iowa. Suite à l’apparition de fissures superficielles, la première maison avait dû être démolie. Alquist 3D a expliqué cela par la difficulté à gérer les fortes différences de température dans cette région.
En effet, si la Floride et le Texas sont propices à l’impression en raison de températures relativement stables. Il en va autrement pour l’Iowa. Les impressions commencent souvent tôt le matin, lorsque les températures avoisinent les 10 degrés, et malgré une légère hausse à 9 heures, il fait toujours 10 degrés, tandis qu’à midi, la température grimpe à 40 degrés. « Chaque fois que vous vous trouvez dans un nouveau climat, il faut mettre en place un processus de recherche et développement. C’est la grande leçon que nous avons apprise. » explique Alquist 3D.
Sur le chantier de Walmart, l’entreprise a rencontré aussi des problèmes de température, le Tennessee étant une région particulièrement chaude et humide en été. Pour résoudre cela, l’équipe a dû refroidir le béton en surchauffe avec de l’eau pour qu’il retrouve la température idéale pour l’impression. On apprend également que la pompe d’origine d’Alquist 3D était incompatible avec le matériau et plusieurs tuyaux se sont obstrués pendant le processus.
Quand bien même Walmart n’a pas été terminée dans les délais prévus, rapportant même que le coût de l’impression 3D était à peu près le même que si elle avait recouru à des méthodes classiques, le choix de Walmart de faire appel à l’impression 3D pour ses projets de construction s’inscrit également dans sa démarche globale visant à améliorer son empreinte environnementale. Bien que cela ne soit pas précisé, l’impression 3D béton permet des économies importantes de matériau, en général de l’ordre de 25 %.
Le géant de la distribution semble également vouloir miser sur l’avenir de cette technologie, laquelle est sans aucun doute amenée à être de plus en plus avantageuse, notamment en termes de coût et de délais. Un autre projet de construction serait d’ailleurs programmé avec Alquist 3D.