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France : l’impression 3D béton prend de la hauteur avec un immeuble de 12 logements

projet d'immeuble imprimé en 3D

En France, les expérimentations menées autour de l’impression 3D pour la construction continuent de progresser. Dans ce secteur réputé pour son conservatisme et sa standardisation excessifs, introduire de nouveaux procédés tel que celui de la fabrication additive n’est pourtant pas chose aisée. La raison est que les exigences de conformité et de sécurité y sont particulièrement élevées.

Créée à l’initiative du CSTB et d’acteurs de la construction, l’ATEx (Appréciation Technique d’Expérimentation), une procédure rapide d’évaluation technique sur tout produit ou procédé innovant, constitue néanmoins un progrès dans l’ouverture de ce secteur à l’innovation. Rappelons qu’en France, le premier à avoir décroché cette certification pour un procédé additif, est la start-up Nantaise Bâtiprint. C’était en 2018. Ajoutons que sa maison en forme de Y est aussi le premier logement habitable au monde imprimé en 3D.

Parmi les quelques (encore trop) rares acteurs à tenter l’aventure de la construction 3D en France, on retrouve également le bailleur social Plurial Novilia. Spécialisée dans la construction, la location et la gestion de logements sociaux, cette société a initié ses propres expérimentations autour de ce procédé il y a quatre ans. Indispensable pour amener cette technologie à un stade pleinement opérationnel et reproductible, cette mise en pratique s’est concrétisée en juin dernier par l’inauguration à Reims de 5 maisons imprimées en 3D. Des logements d’une superficie comprise entre 77 et 108 m2, qui ont pu accueillir leurs premiers locataires un mois plus tard.

Forte de ce succès, Plurial Novilia a décidé d’élever ses ambitions. Dans une annonce faite cette semaine, le bailleur social a lancé un nouveau programme de construction 3D. Portant également sur l’impression 3D directe de murs en béton, ce projet dénommé ViliaSprint2 vise cette fois-ci à imprimer directement sur site un immeuble de logements collectifs de 2 niveaux et 1700 m2. L’impression 3D béton portera plus exactement sur les façades du bâtiment. L’autre différence avec ce projet et qui rend cette expérimentation particulièrement intéressante, est qu’un second immeuble sera construit sur la même parcelle mais de manière traditionnelle. De cette façon, il sera possible de comparer in situ les avantages des deux procédés constructifs.

« l’impression 3D à matière à devenir un vrai game changer pour la construction en général… »

À nouveau, le projet de construction sera mené à Reims. Plus exactement dans la ZAC de Bezannes qui a déjà accueilli plusieurs projets innovants signés PLURIAL NOVILIA ces dernières années. « Si Viliaprint nous a permis de confirmer notre intuition de départ qui est que l’impression 3D à matière à devenir un vrai « game changer » pour la construction en général, et pour le logement social en particulier, il faut qu’un seul projet pour mesurer toutes les possibilités de la démarche. » Souligne Fabien Petit, Président de Pluria Novalia. « Nous avons donc souhaité rapidement mettre en place un second projet, avec une approche et une équipe différente pour avoir des éléments concrets de comparaison. »

Pour mettre en oeuvre cette approche très différente de la première consistant notamment à imprimer directement sur site, Plurial Novilia s’est cette fois-ci attaché les services d’un géant mondial de la construction. Un partenaire qui n’est autre que PERI, le leader mondial dans le domaine du coffrage, de l’étaiement et de l’échafaudage. Convaincue que le l’impression 3D révolutionnera le secteur de la construction, ce groupe allemand est allé jusqu’à entrer dans le capital de la société danoise Cobod, l’une des référence mondiale de l’impression 3D béton.

C’est ainsi qu’en 2020, PERI GmbH a construit sa première maison d’habitation en impression 3D béton, à Beckum en Allemagne. Une maison individuelle à un étage, d’environ 80 m2 de surface habitable par niveau. Le bâtiment en question a été imprimé avec la même imprimante 3D qui va servir au projet ViliaSprint2. Il s’agit de la BOD2, un système dont j’ai régulièrement parlé ici,  particulièrement adaptée à la construction in situ.

La différence majeure est qu’il ne s’agit pas d’un système à bras robotique comme celui d’XtreeE, mais d’une imprimante à portique. Ce qui signifie que la tête d’impression se déplace le long de 3 axes sur un cadre métallique solidement installé. PERI explique que l’avantage avec cette imprimante, est qu’elle peut se déplacer le long de son cadre vers n’importe quel point dans la construction et n’a besoin d’être calibrée qu’une seule fois.

« ViliaSprint2 s’inscrit pleinement dans une approche harmonieuse de l’architecture visant à utiliser le bon matériau au bon endroit »

L’autre atout de ce système, est qu’il peut prendre en compte les conduites et les connexions pour l’eau, l’électricité, etc. qui doivent être installées. En effet, la BOD2 a été certifiée de manière à ce que d’autres travaux puissent être effectués dans la zone d’impression pendant que l’impression est en cours. Des travaux manuels, tels que l’installation de fourreaux et de raccords, peuvent être facilement intégrés dans le processus d’impression.

Pour couronner le tout, Cobod revendique une vitesse de construction record, soit 1 m/s. Soit l’équivalent de 10 t/h de béton. Quant à la main d’oeuvre, son utilisation ne mobiliserait seulement que deux opérateurs. Le constructeur danois ajoute que la tête d’impression et les résultats d’impression sont contrôlés par une caméra.

Parmi les nombreux avantages à recourir à l’impression 3D sur un chantier, que sont notamment la réduction de la pénibilité des artisans, du coût de la main d’oeuvre, et de la quantité de matériau utilisé,  il faut bien sûr ajouter cette faculté à créer des formes complexes ou courbes. C’est pourquoi l’apport de l’impression 3D sur ViliaSprint2 se ressent dans la visualisation du concept architectural. Imaginé par le cabinet bordelais HOBO, celui-ci tire pleinement parti des possibilités offertes par le numérique. « A l’image de la guêpe maçonne qui fait son nid en terre, nous voulons faire de l’impression 3D une solution pour l’architecture bas-carboniste de demain », explique Frédérik DAIN, Directeur du cabinet HOBO. ViliaSprint2 de matière, l’adaptation et la justesse dans une forme de simplicité frugale afin de maximiser le rendement rir la plus grande surface avec le moins de matière. Avec ses formes arrondies, son recours aux matériaux biosourcés, et son orientation pensée pour un ensoleillement optimal, ViliaSprint2 s’inscrit pleinement dans une approche harmonieuse de l’architecture visant à utiliser le « bon matériau au bon endroit »

Côté matériau, on apprend que c’est le cimentier Holcim qui fournira la matière première. Là ou d’habitude un mortier est employé, un mélange à base de liant et de poudre fine minérale, Holcim dit vouloir utiliser un autre type de béton plus vert formulé avec des matériaux locaux. Comme pour le précédent projet, le procédé additif employé nécessitera une certification ATEX (Appréciation Technique Expérimentale) par le CSTB afin de garantir notamment l’assurabilité du chantier et la mise en location des logements. Enfin, s’agissant d’un immeuble, et parce que la construction d’étage implique d’autres difficultés, notamment en matière de réglementations thermiques et incendies, et de coordination des tâches (jonctions façades/planchers), la certification sera encadrée par le bureau de contrôle Socotec. Fait intéressant, on apprend que des études en cours pourraient également conduire à la réalisation de murs porteurs. La livraison du bâtiment est prévue pour début 2024.  

Alexandre Moussion