Forte de sa démocratisation et de son accessibilité croissante, l’impression 3D soulève aujourd’hui de nombreuses questions sur le plan de la propriété intellectuelle. Si jusqu’alors la problématique portait sur la capacité de reproduction des imprimantes 3D, une étude américaine pointe aujourd’hui du doigt la sécurité de ces machines. En effet, selon une étude très surprenante menée par l’Université de Californie à Irvine, les sons émis par les imprimantes 3D pourraient compromettre la propriété intellectuelle, en révélant le code source des objets imprimés.
D’après ces travaux menés par Mohammad Al Faruque, ingénieur électricien, informaticien, et directeur de Advanced Cyber-Physical Systems Lab de l’UCI, les signaux acoustiques et les vibrations émis par une imprimante 3D portent des informations uniques sur les mouvements précis de la buse. Une fois décortiquée cette information peut alors révéler le code source des objets. « Le fichier source, appelé G-code, peut être protégé avec un cryptage fort, mais une fois que le processus de création a commencé, l’imprimante émet des sons qui peuvent révéler les secrets du logiciel.» Explique l’UCI dans son étude.
« Les émissions produites par les imprimantes 3D sont des signaux acoustiques qui contiennent beaucoup d’informations »
L’information acoustique est si précise que Mohammad Al Faruque et son équipe sont parvenus à reproduire un objet avec une précision de 90%, en utilisant uniquement les enregistrements audio d’une imprimante 3D. Dès lors une personne mal intentionnée (on pense notamment à de l’espionnage industriel) pourrait avec un simple téléphone portable enregistrer ces informations et les utiliser à mauvais escient. « Mon équipe a fait cette découverte l’été dernier alors que nous effectuions des recherches sur la relation entre les flux d’information et de l’énergie. Les émissions produites par les imprimantes 3D sont des signaux acoustiques qui contiennent beaucoup d’informations, » a ajouté Mohammad Al Faruque. « Au départ, nous ne sommes pas intéressés à la notion de sécurité, mais nous avons réalisé que nous tenions vraiment quelque chose…«
« Selon les lois fondamentales de la physique, l’énergie ne se consomme pas, elle est convertie d’une forme à une autre, passant par exemple de l’électromagnétique à la cinétique. Certaines formes d’énergie sont converties de façon significative et utile; d’autres deviennent des émissions, qui peuvent involontairement divulguer des informations secrètes. Dans le cas présent, les émissions sont les sons d’une imprimante 3D émis au moment de l’extrusion de matières plastiques, selon des couches pré-programmées. »
« les entreprises peuvent risquer des pertes financières »
Selon ces scientifiques il existe un vrai risque pour les entreprises, l’impression 3D étant de plus en plus utilisée pour faire du prototypage. « Dans de nombreuses usines de fabrication, les gens qui travaillent en trois huit ne sont pas contrôlés pour leurs smartphones. « Si les informations sont volées pendant les phases de prototypage, les entreprises peuvent risquer des pertes financières. » Peut-on lire dans les conclusions de l’étude. Pour se protéger, l’UCI suggère diverses méthodes pour dissuader les enregistrements malveillants, comme l’utilisation de bruits de fond pour brouiller les signaux acoustiques ou de solutions algorithmiques . La mesure la plus efficace prodiguée, consiste à interdire tous téléphones portables et appareils d’enregistrement à proximité des zones de prototypages.
Depuis la publication de son étude, l’UCI a suscité un vif intérêt, que soit aussi bien des autres départements de l’université que d’organismes gouvernementaux américains. Financée par une subvention de recherche sur les systèmes cyber-physiques, l’étude sera officiellement présentée à l’occasion de l’ICCPS 2016 (Conférence internationale sur les systèmes cyber-physiques), le 11 avril prochain à Vienne.
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