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Impression 3D métal : une solution capable de détecter les défauts en quelques nanosecondes

détecter les défauts pour les imprimantes 3D métal

(crédit photos : Johns Hopkins APL)

Essentiel pour libérer le potentiel de croissance d’une innovation, mais aussi renforcer la confiance des marchés et des clients, le besoin de normalisation et la qualification ne sont pas les seuls obstacles qu’il reste encore à faire tomber pour hisser la fabrication additive à une plus grande échelle d’industrialisation. La répétabilité des procédés joue un rôle tout aussi crucial dans l’intégration industrielle de cette technologie.

Etroitement liée à la qualité, celle-ci (quand bien même elle ne cesse de progresser), continue en effet d’entraver son adoption pour de nombreuses applications potentielles. En effet, il faut savoir qu’au cours d’une impression de nombreux défauts peuvent venir entraver la qualité de la pièce finale. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’imprimer du métal à partir de procédés par fusion laser sur lit de poudre.

En effet, pour les plus néophytes, rappelons que les impressions 3D métalliques réalisées selon cette méthode, rencontrent un problème courant qui est que durant la fusion, de minuscules cavités peuvent se former et fragiliser l’objet. Comme les pièces imprimées en métal se destinent très largement à une utilisation finale, ces défauts en apparence mineurs, peuvent avoir de graves conséquences sur leur résistance.

Sur les causes menant à la formation de ces cavités appelées aussi « trous de serrure » (en anglais: keyhole). , on se souvient qu’en 2019, des chercheurs de l’Université Carnegie Mellon et du laboratoire américain d’Argonne, étaient parvenus à les identifier.

En s’appuyant sur l’imagerie à rayons X d’ultra-haute vitesse de l’Advanced Photon Source (APS) d’Argonne, l’un des trois plus grands synchrotrons au monde, les protagonistes avaient découvert que lorsque la puissance du laser est trop élevée et focalise trop d’énergie trop longtemps sur un point, celui-ci peut alors percer la seconde couche. Le bouillonnement du métal entraîne alors la formation de poches de gaz qui se retrouvent piégées entre les couches. La présence de ces pores peut engendrer des fissures qui constituent tout autant de points de faiblesse dans la pièce.

« Si nous pouvons identifier la formation de défauts à l’état fondu, nous avons la possibilité de réparer ces imperfections avant qu’elles ne limitent les performances »

Formation d’un défaut en trou de serrure, avec la diapositive la plus à droite montrant la vapeur piégée dans le métal en cours de refroidissement

Aperçu des différentes étapes de formation d’un défaut en trou de serrure. Sur la diapositive la plus à droite, on peut voir la vapeur piégée dans le métal en cours de refroidissement (crédit : Johns Hopkins APL)

C’est dans l’optique de résoudre cette problématique qu’aux Etats-Unis, une équipe de scientifiques américains de l’Applied Physics Laboratory (APL) à Laurel, dans le Maryland, s’est mis en quête de développer des capteurs capables de détecter et de prévenir ces défauts avant qu’ils ne se produisent.

« Si nous pouvons identifier la formation de défauts à l’état fondu, nous avons la possibilité de réparer ces imperfections avant qu’elles ne limitent les performances » , explique Morgan Trexler, qui dirige le programme Science of Extreme and Multifunctional Materials (science des matériaux extrêmes et multifonctionnels) de l’APL. « Nous nous efforçons de rendre les processus de fabrication plus intelligents, ce qui conduira intrinsèquement à une fabrication plus rapide et à des composants plus fiables. »

Les scientifiques ont suggéré que ces imperfections en forme de trou de serrure se manifestaient lors de phases transitoires. Dès lors, en stoppant le laser juste avant que ces anomalies ne commencent à se former, il serait possible de permettre au métal fondu de refroidir assez rapidement pour se déposer et combler la cavité de vapeur, évitant ainsi la formation de bulles.

Se heurtant aux limites des résolution optique et de vitesse des capteurs conventionnels dans la détection rapide des signatures de défauts, l’équipe a donc cherché à améliorer un capteur déjà existant, développé et breveté par l’APL. En collaboration avec le professeur Mark Foster de l’université Johns Hopkins et plusieurs étudiants postdoctoraux, ils ont donc perfectionné ce capteur en intégrant des photodiodes à différentes longueurs d’onde et en augmentant la fréquence d’échantillonnage.

Cette approche leur a permis de collecter des données à haute résolution spatiale et temporelle sur le bain de fusion et sa dynamique, facilitant ainsi l’identification précoce des premiers stades de formation d’un défaut en forme de trou de serrure. Une avancée qui pourrait donc permettre une détection et une réparation en temps réel de ces défauts. Après avoir mis en place le capteur à grande vitesse, les chercheurs ont cherché à développer un cadre de contrôle capable de faciliter la communication entre le capteur et le laser. Chargé de déclencher l’extinction du laser lorsque la température du bain de fusion atteignait un niveau critique, susceptible de provoquer un défaut, ce système a permis d’obtenir une réactivité de l’ordre de 10 à 20 microsecondes.

Poursuivant leur collaboration avec l’APL, Storck et Pagán expliquent avoir fait appel à l’expertise de Mike Brown, développeur ayant adapté un réseau de portes programmables à grande vitesse. Ce réseau, initialement conçu à des fins de défense pour la détection de missiles dans le ciel, est essentiellement un circuit intégré programmable pour répondre à des exigences spécifiques. « L’un des aspects uniques du travail à l’APL est la capacité d’exploiter des technologies provenant de domaines apparemment sans rapport ; par exemple, nous pouvons prendre les connaissances et l’expertise que nous appliquons à la défense antimissile – répondre aux données de mesure très rapidement et faire des ajustements encore plus rapidement – et les appliquer à la fabrication additive » , a déclaré M. Storck.

En combinant l’ensemble des systèmes, l’équipe est parvenue à obtenir une réactivité du système de seulement 952 nanosecondes, soit moins d’une microseconde, soit plus rapide encore qu’un clignement d’œil. « Ces résultats étaient excellents, car nous devons au moins mesurer deux fois plus vite que ce qui se passe physiquement, afin de pouvoir saisir les pics et les creux de la réponse spectrale en corrélation avec la température » , a expliqué M. Storck. « Notre système peut mesurer les relevés spectraux et de température et réagir dix fois plus vite que ce qui est nécessaire d’après les simulations de la formation des trous de serrure. »

Pour l’équipe de scientifiques, la prochaine étape va consister à incorporer de l’intelligence artificielle dans le processus pour accélérer la boucle de rétroaction et perfectionner la détection des défauts. L’objectif est d’obtenir un contrôle et une réparation en temps réel, ce qui faciliterait la production de composants prêts à l’emploi directement dès le processus d’impression.

Alexandre Moussion