La formidable dynamique dont fait l’objet la fabrication additive métallique ces dernières années, s’accompagne, comme tout activité industrielle, de ses problématiques sécuritaires. Parce que l’impression 3D par fusion sur lit de poudre métallique ajoute aux risques pour les opérateurs, l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), a publié une fiche pratique de sécurité sur les dangers des produits manipulés ou émis par cette activité. Pour comprendre quels sont ces risques pour notre sécurité et santé, PRIMANTE3D a interrogé Cosmin Patrascu, expert à l’INRS.
« Les risques sont directement liés aux dangers présentés par les poudres ou les produits de dégradation… »
Cosmin bonjour, pourriez-vous définir vos fonctions et nous dire en quoi consiste votre travail ?
Depuis 11 ans je suis expert conseil sur le risque chimique au sein de l’INRS. Avec l’expertise des autres départements de l’INRS1 (formation, recherche et information) j’accompagne différentes branches industrielles sur l’évaluation des risques professionnels et surtout sur l’identification de solutions de prévention adaptées.
En parallèle je réponds aux interrogations de différents interlocuteurs (chargés de prévention, chefs d’entreprise, services de santé au travail, opérateurs…) sur les risques chimiques que comportent leur activité ou les produits utilisés. Une mission essentielle à mon travail est d’identifier les risques engendrés par les nouvelles technologies, comme la fabrication additive et de proposer des moyens pour maitriser ces risques.
Quel est le rôle de l’INRS ?
L’INRS est une association loi 1901, créée en 1947 sous l’égide de la Cnam2, administrée par un Conseil paritaire (représentants d’employeurs et de salariés). L’Institut accompagne les entreprises du régime général – soit 2,2 millions d’établissements et 18,4 millions de salariés – en matière de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. L’Institut met à profit ses ressources pluridisciplinaires pour diffuser une culture de prévention dans les entreprises et proposer des outils adaptés à la diversité des risques professionnels.
L’INRS vient de publier une fiche pratique de sécurité sur la fabrication additive utilisant les poudres métalliques. Jusqu’alors cette technologie était très peu investiguée par les organismes de sécurité, comment se décide la mise en œuvre d’un tel document ?
Pour rappel, une de nos missions est la veille et la prospective des risques associés aux nouvelle technologies. Bien que le premier brevet date de plusieurs dizaines d’années l’essor de la fabrication additive est survenu après les années 2000. L’INRS a investigué dans un premier temps la filière pour évaluer la taille de la population concernée.
« nous avons observé des lacunes en matière de conseils et de bonnes pratiques pour maitriser les risques identifiés »
Ensuite nous avons analysé les possibles expositions des opérateurs et le danger des produits manipulés ou émis par cette activité. En parallèle, nous avons observé des lacunes en matière de conseils et de bonnes pratiques pour maitriser les risques identifiés. Ces différentes données nous ont amenés, il y déjà 3 ans, à travailler sur la prévention des risques spécifiques à la fabrication additive.
L’évaluation des risques est une étape clef dans la démarche de prévention. Quelles sont les différentes étapes ? Le code du travail impose-t-il une méthode d’évaluation ?
L’évaluation des risques doit passer par l’inventaire des produits utilisés, émis, générés et leur danger respectif. Ensuite elle doit identifier les situations exposantes. Une évaluation solide fait ressortir naturellement les solutions de prévention adaptées. Cette évaluation doit être effectuée pour toutes les étapes de la fabrication, de la réception de la matière première jusqu’au nettoyage et maintenance de la machine. Le code du travail n’impose aucune méthode. Le code du travail impose une obligation de résultats, libre à l’utilisateur de choisir la méthode pour les atteindre.
Comment l’INRS définit-il les notions de risque et de danger ? Quelle est la différence ?
Le danger est intrinsèque à un objet ou un produit. Un couteau coupe, un acide est corrosif, le Nikel est allergisant, le benzène est cancérogène etc. Le risque est l’exposition au danger, rentrer en contact avec ce qui fait mal.
« la taille des poudres est suffisamment fine pour produire des effets comme des difficultés respiratoires et de l’asthme »
Que pouvez-vous nous dire sur les principaux dangers intrinsèques aux poudres métalliques utilisées en fabrication additive ?
Certains métaux ont des effets sur la santé par exemple le Nikel qui est allergisant et cancérogène ou le cadmium, les oxydes de certains métaux (Chrome VI, Cobalt III, etc.) qui sont aussi cancérogènes.
Par ailleurs, en fabrication additive, la taille des poudres est suffisamment fine pour produire des effets comme des difficultés respiratoires et de l’asthme. Un autre danger important à prendre en compte est l’inflammabilité de la majorité des poudres. Car même si elles ne sont pas classées officiellement comme inflammables, dans certaines conditions de température, concentration, etc. elles peuvent le devenir.
Quels sont les principaux risques associés à la mise en œuvre de produits chimiques et ceux associés aux machines ?
Les risques sont directement liés aux dangers présentés par les poudres ou les produits de dégradation (oxydes). L’exposition par inhalation ou par contact cutané peut entraîner des risques pour la santé. En présence d’une source d’inflammation (surface chaude, …) les poudres peuvent provoquer un incendie ou une explosion. Les situations exposantes se rencontrent tout au long de la chaine de production et non seulement lors de la fabrication proprement dite. D’ailleurs, ce sont les opérations annexes qui présentent le plus de risques et sont les plus exposantes.
Les risques associés à la machine sont les risques mécanique, électrique, rayonnement laser, etc. Globalement ces risques sont pris en compte lors de la conception de la machine afin de respecter les exigences de la directive « Machine » 2006/42 CE.
Les fabricants d’imprimantes 3D disposent-ils aujourd’hui d’un référentiel de conformité pour leur machines ?
En complément de la directive « Machines » s’appliquant à toutes les machines, il existe une collection de normes spécifiques aux machines de fabrication additive. Il s’agit de la NF EN ASTM ISO 52900 et de la collection NF EN ISO 17296-2 à -4. Malheureusement ces normes ne traitent pas les aspects hygiène et sécurité.
En revanche, le groupe de normalisation ISO/TC 261 responsable de la rédaction de ces normes continue à en élaborer et un groupe, dont je fais partie, rédige une norme sur les aspects hygiène et sécurité. En attendant, les fabricants de machines peuvent s’appuyer sur les guides publiés par l’INRS ou des organismes homologues pour proposer des produits plus sûrs pour l’utilisateur (intégrant des boites à gants par exemple).
« Une fiche pratique de sécurité sur la fabrication additive utilisant des polymères est en cours de rédaction »
Quelles sont les prochaines échéances ? Pouvez-vous nous dire si d’autres procédés de fabrication additive feront l’objet de fiches de sécurité ?
L’INRS poursuit la diffusion de connaissance sur les moyens de maitriser les risques spécifiques à la fabrication additive. Une fiche pratique de sécurité sur la fabrication additive utilisant des polymères est en cours de rédaction et sera publiée en 2020. L’INRS mène une campagne de mesures d’émission et d’exposition. Avec les résultats obtenus nous espérons rédiger un guide plus complet de bonnes pratiques avec des exemples concrets de réalisation en matière de prévention des risques.
Retrouver ICI l’ensemble de la fiche de sécurité de l’INRS, avec les gestes à adopter pour prévenir de ces risques et minimiser tout danger.
1 Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)
2 Caisse nationale de l’Assurance Maladie