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Impression 3D et scan 3D : le duo gagnant pour créer des orthèses faciales indolores pour les grands brûlés

Laura Weibel, patiente du Centre Romans Ferrari, portant un masque de compression

Laura Weibel, patiente du Centre Romans Ferrari, portant un masque de compression (crédits photo : Formlabs)

Dans le secteur de la santé, le haut degré de personnalisation offert par l’impression 3D ne se cantonne pas aux prothèses de membres et aux implants. On sous estime le nombre de dispositifs médicaux qui profitent d’ores et déjà de la liberté de conception de cette technologie pour créer des solutions sur-mesure qui améliorent la guérison et le confort des patients. C’est le cas des orthèses, ces dispositifs qui à la différence des prothèses dont la fonction est de remplacer un membre défaillant, aident l’organisme à maintenir la fonction du membre déficitaire. Dans cette catégorie on retrouve par exemple les corsets et les plâtres.

Dans ce domaine, une magnifique démonstration nous est rapportée par Romans Ferrari, un centre médical de rééducation pédiatrique basé dans l’Ain. Démontrant le haut degré de précision pouvant être obtenu lorsque sont associées la complexité géométrique de l’impression 3D et la capacité à capturer numériquement n’importe quel forme du scan 3D, ce centre spécialisé dans l’accueil d’enfants et d’adolescents grands brûlés, cérébrolésés et polytraumatisés, parvient à créer rapidement des masques indolores et parfaitement conformes aux visages de ses patients grâce à cette approche.

À la recherche d’une technologie qui soit à la fois rapide, précise, sans contact et totalement sûre pour améliorer le traitement de ces enfants gravement brûlés, l’établissement médical a donc fait le pari de l’impression 3D et du scan 3D pour créer des masques de compression, plus exactement des dispositifs dits de maturation dermique graduelle (DMDG).

Le centre explique : « Ces masques de compression permettent une régénération plus rapide des tissus et de la peau des jeunes patients. Cette nouvelle méthode comporte l’avantage d’être une alternative efficace à la méthode traditionnelle du plâtre, généralement utilisée dans la fabrication de masques sur mesure mais qui comporte l’inconvénient d’être peu pratique, peu agréable, voire douloureuse et traumatisante pour des patients, au regard de la chaleur dégagée sur la peau sensible des enfants. »

« En tant que professionnels de santé, nous avons besoin de nous réinventer chaque jour dans l’intérêt des patients »

Le moulage sur visage du patient et le fraisage, deux des étapes qui composent le processus traditionnel

Prise d’empreinte avec plâtre et fraisage, deux des étapes qui composent le processus traditionnel des masques de compression

Le médecin procède à la délimitation des zones spécifiques à traiter, après quoi un orthoprothésiste réalise une numérisation en 3D du visage du patient

Le médecin procède à la délimitation des zones spécifiques à traiter, après quoi un orthoprothésiste réalise une numérisation en 3D du visage du patient (crédits photo : Formlabs)

La production des formes des visages brûlés s’avérant particulièrement délicate, les protagonistes expliquent la nécessité d’obtenir une réplique numérique du visage d’une extrême précision dans le but de créer une orthèse faciale sur-mesure. Pour la partie scan 3D, on apprend que le choix s’est rapidement porté sur une scanner professionnel, le modèle Artec Eva. « Très précis, sans contact avec la peau et basé sur une technologie de lumière structurée fiable, ses caractéristiques se sont avérées nécessaires à ce projet, qui met en avant une toute nouvelle norme en matière de soins aux grands brûlés. » commente Artec dans un communiqué.

Piloté par IA, le scanner a permis de réaliser une réplique 3D en temps réel des scans via un écran HD, ce qui a permis aux équipes de se concentrer sur les patients. « Avec Leo, nous nous arrêtons si la personne a bougé, mais ce n’est pas grave car Leo fusionne automatiquement les images et nous pouvons poursuivre et terminer le balayage. C’est une fonction très utile. »

Une fois le visage scanné en quelques minutes et l’image tridimensionnelle créée, le fichier est envoyé et traité dans le logiciel Artec Studio, afin d’obtenir la forme de masque la plus adaptée et de pouvoir passer à l’étape suivante : la création de l’orthèse. « En tant que professionnels de santé, nous avons besoin de nous réinventer chaque jour dans l’intérêt des patients. La numérisation 3D constitue une véritable révolution médicale, puisque au-delà de participer au rétablissement physique, elle contribue à améliorer la qualité de vie et donner à chaque enfant la force et la confiance dont il a besoin pour se rétablir. », commente Joël Lhermenault, Directeur du Centre Romans Ferrari.

« Le nouveau flux de travail a été grandement accéléré par l’impression 3D »

Le masque est imprimé en 3D sur une imprimante 3D SLS et sert de positif pour le thermoformage du masque final

Le masque est imprimé en 3D sur une imprimante 3D SLS et sert de positif pour le thermoformage du masque final (crédits photo : Formlabs)

Une fois l’étape de scan 3D effectuée pour concevoir le design des dispositifs de compression, le visage des jeunes patients a été imprimé à l’aide d’une imprimante 3D SLS (fusion laser sur lit de poudre. Il s’agit plus exactement de la Fuse 1 de Formlabs. L’impression 3D est donc utilisée de manière indirecte en imprimant le positif du thermoformage du dispositif de compression définitif. En partant du fichier 3D, importé sur un logiciel de CAO avant d’être envoyé à l’imprimante, le visage du patient marqué des dispositifs de maturation dermique graduelle est imprimé rapidement. Soit en quelques heures seulement.

« Les gains de cette technologie qui transforme l’expérience du personnel ont été immédiats pour le Centre Romans Ferrari. » témoigne le centre médical. « Le nouveau flux de travail a été grandement accéléré par l’impression 3D, après un court temps dédié à la formation des orthoprothésistes, afin d’optimiser le placement des dispositifs DMDG précisément pour permettre une cicatrisation améliorée. »

« Je le porte tous les jours depuis plus d’un an maintenant. » Témoigne Laura Weibel, une patiente du Centre Romans Ferrari. « Au début, c’est un peu bizarre, ce n’est pas très agréable, on a envie de l’enlever, et ça démange un peu. Mais après cela, on s’y habitue et je peux dire que lorsque je ne l’ai pas sur moi, cela me tire presque, donc je préfère avoir le masque sur moi. Je sens qu’il a un effet sur ma peau, je vois vraiment la différence car il y a un an, ma peau n’était pas du tout comme ça : j’étais plus rouge, plus gonflée et beaucoup plus rigide, donc je sens que le masque a vraiment des effets positifs. » 

« L’impression 3D est une phase essentielle de notre nouveau flux de travail et nous a permis de produire plus de cent masques en un an »

Les reliefs sont créés manuellement sur les moules en silicone imprimés en 3D, qui sont ensuite utilisés comme modèles pour thermoformer le masque final à partir d'une feuille de plastique transparent

Les reliefs sont créés manuellement sur les moules en silicone imprimés en 3D, qui sont ensuite utilisés comme modèles pour thermoformer le masque final à partir d’une feuille de plastique transparent (crédits photo : Formlabs)

L’autre bénéfice de l’impression 3D et dont l’établissement a pu faire le constat, est la possibilité de traiter des patients à distance, même les plus éloignés. Le Centre explique explique être parvenu à soigner une patiente qui se trouvait à des milliers de kilomètre du centre : en Jordanie. Une collaboration avec Médecins sans frontières a permis de réaliser un scan sur place, puis de récupérer les données pour réaliser un masque sur mesure et l’expédier à la patiente.

« L’impression 3D est une phase essentielle de notre nouveau flux de travail et nous a permis de produire plus de cent masques en un an. Nous ne pourrions pas atteindre ce niveau de production avec des méthodes conventionnelles », affirme Christophe Debat, Directeur général du Centre Romans Ferrari. « Ce projet participe au soutien et à l’espoir dont chaque enfant a besoin pour se reconstruire au mieux après cette épreuve difficile à surmonter, tant sur le plan physique qu’émotionnel. Forts de notre expérience, nous souhaitons proposer cette technique à tous les patients, car les méthodes et les outils que nous produisons sont uniques et bien plus efficaces que ceux disponibles ailleurs. L’idée est de pouvoir trouver des partenaires qui fourniront le scanner au médecin pour lui permettre de concevoir les dispositifs médicaux. Nous les fabriquerons ensuite à prix coûtant, afin que d’autres puissent également bénéficier de cette innovation. »

« Le regard des autres peut être pesant quand on est grand brûlé ou que l’on porte notre masque, j’aimerais que la cause des grands brûlés soit plus médiatisée, afin de changer ce regard, de faire connaître nos difficultés, nos souffrances et les solutions comme celles apportées par le Centre Romans Ferrari », conclue une patiente.

Alexandre Moussion