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Les Etats-Unis imposent des contrôles d’exportation pour certaines imprimantes 3D métal

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Le niveau de maturité atteint par la fabrication additive et ses performances, poussent les pays à la considérer de plus en plus sérieusement. Preuve en est, les Etats-Unis ont intensifié les restrictions concernant l’exportation de certaines de ses technologies, dont l’impression 3D métal, vers certains pays considérés comme des menaces potentielles pour la sécurité nationale ou pratiquant des politiques autoritaires.

Dans un document publié le 6 septembre dernier, le Bureau de l’industrie et de la sécurité (BIS) du Département du Commerce des États-Unis, a introduit des contrôles d’exportation renforcés sur les technologies avancées, notamment celles liées à l’informatique quantique, à la fabrication de semi-conducteurs et à la fabrication additive. Ce règlement, qui modifie les numéros de classification des exportations (ECCN) et établit de nouvelles exigences de licence, vise à harmoniser les contrôles avec ceux de pays alliés tout en assurant la sécurité nationale des États-Unis.

Pour ces raisons, le BIS a ajouté l’ECCN 2B910 à la CCL (Commerce Control List : une liste exhaustive d’articles soumis à la réglementation du BIS) pour contrôler les équipements AM spécifiés conçus pour produire des composants en métal ou en alliage métallique, et les composants « spécialement conçus » à cet effet pour des raisons de sécurité nationale, de stabilité régionale et de lutte contre le terrorisme. Les justifications de ces contrôles résident dans l’utilisation possible des imprimantes 3D métal pour produire des pièces critiques pour les missiles, avions de chasse et autres systèmes d’armement avancés, rendant ces technologies sensibles pour les intérêts stratégiques américains.

Voici ce qu’on peut lire dans le document du BIS (pp. 17-18) : « La technologie de pointe actuelle de fabrication additive (FA) s’appuie sur plus de 30 ans de [R&D]. Aujourd’hui, l’équipement de FA métallique est utilisé pour produire des pièces et des composants dans des dispositifs militaires, tels que des avions, des missiles et des systèmes de propulsion. À terme, l’équipement de FA métallique de nouvelle génération avec des niveaux élevés de précision et de contrôle permettra des améliorations significatives des propriétés de performance des pièces et des capacités militaires avancées qui ne sont pas encore réalisables de manière réaliste avec l’équipement de FA standard actuel. »

« Une licence est requise pour exporter ou réexporter des équipements AM, conçus pour produire des composants en métal ou en alliage métallique, ayant tous les paramètres spécifiés dans la liste des articles contrôlés… »

Don Hamadyk, directeur de la recherche et du développement de Newport News Shipbuilding, a présenté la première pièce métallique imprimée en 3D à l'arrière Adm. Lorin Selby, ingénieur en chef du Naval Sea Systems Command et commandant adjoint pour la conception, l'intégration et l'ingénierie navale lors d'une brève cérémonie sur l'USS Harry S. Truman (CVN 75).

En 2019, lors d’une cérémonie sur l’USS Harry S. Truman (CVN 75). Don Hamadyk, directeur de la recherche et du développement de Newport News Shipbuilding, présentait la première pièce métallique imprimée en 3D à Lorin Selby, ingénieur en chef du Naval Sea Systems Command et commandant adjoint pour la conception (crédits photo : Matt Hildreth/HII )

Les pays interdits d’exportation incluent ceux identifiés comme présentant des risques pour la sécurité nationale, la stabilité régionale et ceux classés sous des sanctions anti-terroristes. Parmi ces pays, on retrouve la Chine, la Russie, l’Iran, la Corée du Nord, et certains autres pays figurant dans les groupes A:5 et A:6 de la Commerce Country Chart des États-Unis. Pour ces pays, toute exportation d’imprimantes 3D métal ou de technologies associées est strictement contrôlée, voire interdite.

Les technologies concernées incluent non seulement les imprimantes elles-mêmes, mais aussi les logiciels associés (ECCN 2D910) et les technologies de développement ou production de ces imprimantes (ECCN 2E910).  Fait intéressant, ces mesures de contrôle ne concernent pas tous les procédés de fabrication additive métallique. Pour l’heure, les méthodes à jet de liant et extrusion ne sont pas visés. Le document mentionne les systèmes reposant sur l’utilisation de lasers, de faisceaux d’électrons ou d’arcs électriques, et la mise en place d’une « atmosphère de processus contrôlée ».

Cette dernière mention désigne en fait les imprimantes 3D de type LPBF, c’est à dire à fusion laser sur lit de poudre, dont l’atmosphère est contrôlée pour éviter la contamination par l’oxygène. Pour éliminer tout risque d’inflammabilité/explosion des poudres métalliques, l’enceinte de fabrication est rempli d’un gaz neutre (argon) qui permet un contrôle de l’atmosphère à des teneurs très basses en humidité et en oxygène.

« Une licence est requise pour exporter ou réexporter des équipements AM, conçus pour produire des composants en métal ou en alliage métallique, ayant tous les paramètres spécifiés dans la liste des articles contrôlés de l’ECCN 2B910, et les « composants » « spécialement conçus » à cet effet vers toutes les destinations spécifiées conformément aux contrôles de sécurité nationale et examinés dans le cadre de la politique de licence énoncée aux § 742.4(a)(5) et (b)(10) de l’EAR, et aux contrôles de stabilité régionale et examinés dans le cadre de la politique de licence énoncée aux § 742.6(a)(10) et (b)(11) de l’EAR, et à la colonne 1 de la section Antiterrorisme (AT) du tableau des pays commerciaux dans le supplément n° 1 de la partie 738 de l’EAR. » Peut-on lire dans le document.

Plus concrètement, cette mesure signifie (du moins pour l’heure) que des entreprises américaines telles que par exemple Markforged ou Desktop Metal, tous deux spécialisés dans les technologies à extrusion et jet de liant, n’auront pas à entreprendre de démarches pour obtenir des licences spéciales d’exportation. À contrario, d’autres fabricants tels que 3D Systems, devront se conformer pour exporter leurs machines. En outre, il leur sera impossible d’expédier leurs technologies vers la liste de pays interdits par le BIS.

Les entreprises concernées ont jusqu’au 5 novembre 2024 pour se conformer pleinement à cette nouvelle réglementation. Le document spécifie que les demandes sont examinées au cas par cas.

Qu’en est-il pour la France ?

En France aussi, certaines technologies telles que des machines-outil, ou par exemple des engins volants tels que des drones, peuvent faire l’objet de contrôles d’exportation rigoureux en raison de leur potentiel à être utilisées dans des applications militaires ou à double usage (civil et militaire). Ces restrictions sont appliquées via les réglementations sur les biens à double usage, régies en France par la législation nationale et le règlement européen 2021/821. Chaque exportation de ces équipements doit faire l’objet d’une demande de licence, et les destinations considérées à risque (comme les pays sous embargo ou soumis à des sanctions) sont généralement interdites de réception de ces technologies

La liste des biens à double usage, commune à tous les États membres de l’Union européenne, peut être complétée par des listes nationales soumettant des biens au régime de contrôle des exportations, au titre de l’article 9 du règlement européen.

Pour l’heure, et d’après mes recherches, à l’instar de la législation américaine, les machines de fabrication additive qui seraient le plus susceptibles de faire l’objet d’une demande de licence, sont celles recourant à un laser. Hors ce type d’équipement n’a semble t-il pas encore été qualifié en Bien à Double Usage (BDU). Un document de 2020 émanant du ministère de l’Economie et des finances, indique : « Les remarques générales (§2) permettent de ne pas soumettre la machine à licence, malgré la présence du laser. L’exportation du laser seul, par exemple pour la maintenance, est soumise à licence.« 

Alexandre Moussion