Portée par des machines de plus en plus fiables et productives, et l’élargissement des matériaux disponibles, l’impression 3D a fini par s’extirper des applications de prototypage pour gagner les pratiques industrielles. Si le niveau de maturité de la fabrication additive reste difficile à définir tant elle couvre de familles de procédés et matériaux, plusieurs de ses technologies sont aujourd’hui utilisées par de grands noms de l’industrie (BMW, Airbus, Safran…) comme des outils de production à part entière.
Pour autant et malgré ses nombreux avantages, intégrer la fabrication additive dans les chaînes de production classiques nécessite des changements importants. Une fois les applications à fort ROI identifiées, de nombreux défis se posent sur la réorganisation de la supply chain, de la montée en compétence, de la certification, ou encore de la modernisation des équipements.
C’est de cette problématique qu’est née CPI Additive, une entreprise qui accompagne les industriels dans leur transition vers l’impression 3D. Pour mieux comprendre son ADN et approche, j’ai interrogé son directeur technique Anthony Aubrun à travers 5 grandes thématiques : définition des besoins, adaptation des conceptions, maîtrise du comportement des pièces, standardisation, et exigences de certification.
« nous avons constaté que beaucoup d’industriels peinaient à franchir le cap de l’industrialisation de l’impression 3D. Nous avons donc décidé d’unir nos expertises pour les accompagner »

Anthony Aubrun
Bonjour Anthony Aubrun, pourrais-tu nous présenter CPI Additive et sa genèse ?
CPI Additive est une entreprise de conseil en ingénierie industrielle spécialisée dans l’accompagnement des industriels sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la fabrication additive. À l’origine, CPI Additive n’était qu’une marque portée par CPI et notre collaboration, avant de devenir une entreprise à part entière.
La société est née de la collaboration entre les dirigeants de CPI et moi-même (ainsi que mes équipes) lors de mon précédent poste, alors que nous travaillions pour le même client. Ensemble, nous avons mis en place une méthode novatrice afin de profiter pleinement de cette nouvelle technologie et la rendre industriellement viable.
Forts de nombreuses années dans ce domaine, nous avons constaté que beaucoup d’industriels peinaient à franchir le cap de l’industrialisation de l’impression 3D. Nous avons donc décidé d’unir nos expertises pour les accompagner dans l’intégration de cette technologie et atteindre la rupture promise et attendue depuis si longtemps pour certains.
« Nous combinons une maîtrise approfondie des procédés de fabrication additive avec une solide expérience des environnements industriels exigeants. »
Comment définirais-tu l’ADN de cette entreprise ?
L’ADN de CPI Additive repose sur trois piliers fondamentaux : l’excellence technique, l’innovation pragmatique et la proximité avec nos clients. Nous combinons une maîtrise approfondie des procédés de fabrication additive avec une solide expérience des environnements industriels exigeants. Notre approche est résolument orientée vers la recherche de solutions performantes, fiables et économiquement viables pour nos clients.
En quoi consiste exactement ton rôle de Directeur Technique ?
En tant que Directeur Technique, je suis garant de l’expertise et de la qualité technique des solutions proposées. Mon rôle est de définir la philosophie que nous mettons en place pour accompagner nos clients. La fabrication additive étant une technologie relativement récente, il n’existe pas toujours de consensus établi sur les meilleures pratiques.
Mon travail consiste donc à faire des choix techniques et stratégiques pour orienter nos démarches dans une direction que je crois être la plus pertinente et adaptée aux besoins industriels. Ce cadre permet ensuite à nos experts d’intervenir sur les aspects opérationnels, notamment en matière d’industrialisation, en passant du design à la qualification, de la création de gamme et la certification de pièces en série.
« nous luttons contre l’image réductrice et erronée de prototypage rapide et contre le fantasme d’un remplacement ‘plug and play’ d’une technologie traditionnelle par l’impression 3D »
1. Définir ses besoins
Si la fabrication additive répond à de nombreuses problématiques, elle n’est pas toujours pertinente. Quelle est votre approche pour définir les pièces éligibles à l’impression 3D, celles qui tireront le mieux profit de ses avantages ?
Notre approche repose sur une analyse fonctionnelle rigoureuse des besoins de nos clients. Nous identifions les pièces où la fabrication additive apporte une réelle plus-value, notamment en matière d’allègement, d’intégration de fonctions, de réduction d’assemblages ou d’amélioration des performances mécaniques.
Nous privilégions les applications pour lesquelles les procédés traditionnels atteignent leurs limites en termes de coût, de délais ou de complexité géométrique. Surtout, nous luttons contre l’image réductrice et erronée de prototypage rapide et contre le fantasme d’un remplacement ‘plug and play’ d’une technologie traditionnelle par l’impression 3D.
« Concevoir en adéquation avec la fabrication additive implique avant tout d’avoir une compréhension intrinsèque des phénomènes thermiques et mécaniques »
2. Adapter ses conceptions à la fabrication additive
En tant que première étape du processus d’impression 3D, la conception joue un rôle capital dans la qualité du résultat obtenu. Quelles sont les clés pour optimiser ses conceptions afin de tirer pleinement parti des capacités et répondre aux contraintes spécifiques de la fabrication additive ?

Exemple d’optimisation topologique : ici une fixation en aluminium que BMW avait reconçue pour la capote de sa BMW i8 (crédits photo : BMW)
Optimiser une pièce pour la fabrication additive repose sur deux aspects fondamentaux : tirer parti des avantages technologiques et concevoir en adéquation avec elle.
Tirer parti de la technologie signifie exploiter pleinement ses atouts, notamment :
La réduction de la masse par l’optimisation topologique, en plaçant la matière uniquement sur les chemins d’efforts mécaniques.
L’intégration de fonctions pour réduire le nombre de composants.
L’anticipation des contraintes spécifiques aux procédés additifs, comme la gestion des supports, les déformations thermiques ou encore la rugosité des surfaces.
Concevoir en adéquation avec la fabrication additive implique avant tout d’avoir une compréhension intrinsèque des phénomènes thermiques et mécaniques à l’œuvre lors de la fabrication, que ce soit pour l’impression elle-même ou l’ensemble de la gamme de production.
Dans certains cas, il est nécessaire de revoir ses ambitions à la baisse afin d’améliorer l’imprimabilité et d’assurer la robustesse du procédé. Dans notre vision industrielle, ‘on monte des pièces, pas des plans’. La meilleure pièce sera toujours celle qui saura allier performance technique, économique et robustesse du procédé.
« La clé réside dans la mise en place de gammes de fabrication robustes et répétables »
3. Des gammes standards et répétables
La standardisation des pièces produites de manière additive est essentielle pour l’industrialisation des pièces. Comment répondre aux défis de production sans compromettre l’équilibre entre la formidable capacité de personnalisation offerte par l’impression 3D et le besoin de standardisation ?

Exemple d’intégration de la fabrication additive dans une entreprise. Ici une ligne d’impression 3D à sable entièrement automatisée dans la fonderie de Landshut de BMW en Allemagne (crédits photo : BMW)
La clé réside dans la mise en place de gammes de fabrication robustes et répétables. Cela passe par la définition de paramètres machine qualifiés et reproductibles, le contrôle strict des matières premières et l’automatisation des post-traitements.
Nous pouvons également travailler sur la standardisation des interfaces et des zones critiques des pièces, tout en laissant de la flexibilité sur certaines géométries non fonctionnelles pour répondre aux besoins de personnalisation.
4. Prédire et maîtriser le comportement des pièces
Recourir à la fabrication additive pour des pièces d’utilisation finale implique des tests approfondis pour garantir des paramètres optimaux, tout en ne compromettant pas ses avantages clés, tels que la réduction des coûts et des matériaux. Quelles sont les solutions à mettre en oeuvre ?
Tout d’abord, la première étape est d’avoir une qualification machine-matériau-procédé de manière à garantir une répétabilité proche d’un processus traditionnel. L’objectif de cette qualification est aussi de se donner une base de données des capacités de la configuration retenue.
Nous nous appuyons ensuite sur des outils de simulation avancés pour prédire le comportement des pièces en phase de conception. Cela inclut la simulation des contraintes résiduelles, des déformations thermiques et des propriétés mécaniques.
Ces simulations sont ensuite corrélées par des essais mécaniques sur éprouvettes et des contrôles (destructifs ou non) sur les pièces finales. Cette boucle vertueuse permet de fiabiliser la production tout en réduisant les coûts liés aux itérations.
« La certification des pièces issues de fabrication additive représente un défi majeur, en particulier pour les secteurs aéronautique, défense et nucléaire »
5. Répondre aux exigences de certifications
L’industrialisation de l’impression 3D va de pair avec la mise en oeuvre de contrôles qualité adaptés. Il y a un réel besoin de certification pour les pièces critiques. Quels sont les défis pour certifier ses processus de fabrication additive et comment s’y préparer pour répondre aux exigences des marchés réglementés ?
La certification des pièces issues de fabrication additive représente un défi majeur, en particulier pour les secteurs aéronautique, défense et nucléaire. Cependant, la structure du processus de contrôle est similaire aux autres industries de la métallurgie. Cela nécessite de maîtriser l’ensemble de la chaîne de production : traçabilité des poudres, qualification des équipements, validation des procédés et contrôles rigoureux sur chaque lot produit.
Il faut impérativement que l’ensemble de la gamme de fabrication soit mise sous contrôle (figée) ; C’est pourquoi nous accompagnons nos clients, qu’ils soient donneurs d’ordres (rang 1) ou sous-traitants (rang 2 et plus), sur la mise en place de modes opératoires et d’instructions clairs, figés et répétables sur chacune des étapes de fabrication.
Nous nous appuyons sur les référentiels existants (Environnement 9100, normes ISO/ASTM, etc…) et restons à jour par rapport aux évolutions des exigences des organismes de certification pour anticiper les exigences réglementaires.
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