Accueil » Médecine » Une étude souligne l’impact néfaste de la réglementation Européenne sur l’impression 3D médicale

Une étude souligne l’impact néfaste de la réglementation Européenne sur l’impression 3D médicale

matériaux dédiés à l'impression 3d médicale

Modèle anatomique imprimé à l’aide de l’imprimante 3D multicouleurs J750 de Stratasys (crédits photo : Stratasys)

Qu’il s’agisse d’améliorer les performances de ses dispositifs médicaux, de réduire leur poids, ou d’accélérer les délais de production, l’impression 3D apporte de nombreux avantages au secteur de la santé. Des prothèses aux implants, cette technologie montre un potentiel considérable qui ne demande qu’à être exploité.

Cependant, et quand bien même on peut se féliciter de l’évolution des mentalités chez les professionnels de santé et des avancées considérables de l’impression 3D ces dernières années, la réglementation très stricte de ce secteur continue de freiner la diffusion de cette technologie. Le manque de clarification pose des obstacles supplémentaires qui ralentissent son développement et intégration.

Un constat confirmé dans une récente publication du Dr Marc Mimler et de son équipe. Dans un article intitulé « Core Legal Challenges for Medical 3D Printing in the EU » ayant pour but d’examiner les lois européennes qui régissent ces dispositifs avant et après leur mise sur le marché, les protagonistes de cette étude ont observé le manque de clarté de la réglementation, ce qui complique cruellement le développement de cette technologie.

« Nous avons effectué une analyse, à l’aide d’une étude de la doctrine juridique et de l’informatique juridique, de la législation et de la jurisprudence pertinentes de l’UE sur quatre questions liées à l’impression 3D médicale (à l’exclusion de la bio-impression ou de la pharmaco-impression) : approbation avant commercialisation, responsabilité après commercialisation, droits de propriété intellectuelle et protection des données. » précise les auteurs de cette étude.

« Il existe beaucoup d’incertitude concernant le régime de responsabilité et les droits de propriété intellectuelle applicables à l’impression 3D médicale dans l’UE »

Implants rachidiens imprimés en 3D par rms

Implants rachidiens imprimés en 3D par rms (crédits photos : 3D Systems)

L’un des gros problèmes souligné par cette étude, concerne le manque de clarté dans la définition des dispositifs médicaux personnalisés. Le flou dans la terminologie AM et la nomenclature des dispositifs médicaux personnalisés crée des difficultés pour déterminer avec précision quels produits doivent être soumis à des régulations spécifiques.

Cette absence de définition uniforme engendre des incohérences dans l’application des normes entre les différentes juridictions, compliquant la conformité des fabricants. En conséquence, les évaluations de sécurité et d’efficacité des dispositifs personnalisés peuvent être incomplètes ou inappropriées, ce qui compromet à la fois la protection des patients et le développement de nouvelles innovations. « Des représentants de l’EMA ont déclaré que la question de savoir si les modèles imprimés en 3D de l’anatomie du patient sont considérés comme des dispositifs médicaux dépendra de l’utilisation prévue et si celle-ci répond aux exigences. » peut-on également lire dans le rapport.

L’étude ajoute que certaines règles permettent de contourner les exigences habituelles pour les dispositifs sur mesure telles que le marquage CE, mais pas pour ceux fabriqués en 3D pour des patients spécifiques. Cela crée une « zone grise », une situation où les règles ne sont pas bien définies.

Cette confusion rend difficile pour les hôpitaux et les petites entreprises de suivre les règles correctement. De plus, après que les dispositifs sont mis sur le marché, il n’est pas clair qui est responsable s’il y a un problème. Pire encore, des acteurs comme les chirurgiens, les fabricants externes, et les producteurs internes pourraient être tenus responsables en cas de défaut d’un dispositif imprimé en 3D après son implantation chez un patient. Tout cela freine l’innovation et la croissance de l’impression 3D médicale en Europe.

« Il existe beaucoup d’incertitude concernant le régime de responsabilité et les droits de propriété intellectuelle applicables à l’impression 3D médicale dans l’UE, et le règlement général sur la protection des données, en tant que réglementation très large et restrictive, impose également plusieurs exigences au processus 3D médical. abonde les auteurs de l’étude. « La somme de ces facteurs fait que le paysage médical de l’impression 3D dans l’UE ne semble pas très accueillant pour l’innovation. Lorsqu’il s’agit d’innovation technique, le pouvoir législatif et judiciaire de l’UE a tendance à suivre une approche « prudente » lorsqu’il s’agit d’équilibrer les intérêts des parties impliquées [ 58 ], minimisant ainsi à la fois les risques et les récompenses potentiels. »

« On ne peut cesser de se demander si un cadre législatif « meilleur », peut-être moins conservateur, pourrait favoriser les développements… »

Exemple de corset imprimée en 3D par Orthovoxel

Illustrant la complexité géométrique rendue possible par l’impression 3D, ce corset rachidien a été conçu et imprimé par Orthovoxel (crédits photo : Orthovoxel)

Les conclusions de ce rapport soulignent la nécessité d’une mise à jour et d’une harmonisation des cadres réglementaires pour mieux intégrer les innovations de l’impression 3D dans le secteur médical. Ses auteurs recommandent l’élaboration de lignes directrices spécifiques pour les dispositifs imprimés en 3D afin de garantir leur sécurité et leur efficacité. Ils suggèrent enfin une meilleure collaboration entre les autorités réglementaires, les fabricants et les professionnels de santé pour développer des normes adaptées aux spécificités de cette technologie émergente.

« On ne peut cesser de se demander si un cadre législatif « meilleur », peut-être moins conservateur, pourrait favoriser les développements et élargir la gamme des utilisations de l’impression 3D médicale. Il est entendu que les patients, en raison de leur situation défavorisée, nécessitent une protection juridique particulière. » conclut l’étude. « Cependant, il convient également de reconnaître que même dans les systèmes de santé avancés et bien financés, il existe un grand besoin non satisfait de thérapies nouvelles et meilleures, là où les capacités actuelles de la médecine ne sont pas en mesure de fournir une aide suffisante. Cette souffrance bien réelle, voire cette mort, doit également être gardée à l’esprit lorsqu’on réfléchit à la manière de réglementer strictement l’innovation médicale.

Toutefois, l’innovation médicale se poursuivra à la fois au sein et (surtout) en dehors de l’UE, et de nouvelles méthodes ont tendance à être rapidement adoptées dans le monde entier là où la loi le permet. Dans les cas où ce n’est pas le cas, la loi devra peut-être être adaptée sous la pression des parties prenantes telles que les patients, les cliniciens et les fabricants d’appareils.«

Alexandre Moussion