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Rencontre avec Orthovoxel : quand l’impression 3D se met au service de l’orthopédie

Exemple de corset imprimée en 3D par Orthovoxel

Illustrant la complexité géométrique rendue possible par l’impression 3D, ce corset rachidien a été conçu et imprimé par Orthovoxel (crédits photo : Orthovoxel)

Bien qu’encore insuffisamment exploité, le haut degré de complexité géométrique et de personnalisation permis par l’impression 3D gagne néanmoins les pratiques des professionnels de santé. Dans ce secteur exigeant qu’est celui du médical, où les méthodes traditionnelles touchent à leurs limites lorsqu’il s’agit d’obtenir rapidement des pièces sur-mesure qui ne soient pas onéreuses, la fabrication additive fait des miracles. C’est particulièrement le cas pour les orthèses et les prothèses, des dispositifs orthopédiques qui lorsqu’ils sont imprimés en 3D sont obtenus dans des délais drastiquement plus courts, tout en apportant des niveaux de performances et de confort plus élevés aux patients. Sur ce créneau en plein essor, une start-up suisse du nom d’OrthoVoxel est en train de se faire un nom. Pour vous la faire découvrir, PRIMANTE3D a interrogé son CEO Daniel Robert.

« nous sommes convaincus que la fabrication additive dans le domaine de l’orthopédie prendra une place prépondérante »

Daniel Robert

Bonjour Daniel, pouvez-vous nous raconter le parcours qui vous a amené jusqu’à l’aventure OrthoVoxel ?

J’ai suivi une formation d’Orthoprothésiste en Suisse au début des années quatre-vingt avec une expérience en Asie du Sud-Est en développant des technologies appropriées pour la fabrication des prothèses. Avant cela, une expérience aux Etats-Unis de quelques années m’a permis de me confronter aux technologies les plus avancées.

Cette expérience entre la technologie de pointe et la simplicité m’a naturellement amené sur la voie de la fabrication additive qui fait rupture avec les fabrications traditionnelles en s’affranchissant des moules et contre-moules mais surtout qui ouvre des possibilités de créativité jusque-là pas vraiment faisables.

Comment est née l’idée d’OrthoVoxel ? 

L’orthopédie technique motive beaucoup d’entreprises et de bureaux d’ingénieurs qui développent des solutions 3D. Nous ne voulions pas laisser partir à l’extérieur du domaine de l’orthopédie ces compétences mais au contraire développer des solutions de l’intérieur tout en utilisant les ressources externes.

« Nous fabriquons surtout les emboîtures de prothèses mais également les orthèses de jambe, les corsets, minerves, assises sur mesure… »

Quelles sont les différents types de dispositifs orthopédiques actuellement couverts par votre solution ? À ce jour, sur quel dispositif intervenez-vous le plus ?

Minerve designée par Daniel Robert

Minerve designée par Daniel Robert (crédits photo : Orthovoxel)

Nous fabriquons surtout les emboîtures de prothèses mais également les orthèses de jambe, les corsets, minerves, assises sur mesure et certaines parties de chaussures. Nous pouvons également fabriquer des moules qui nous permettent une fabrication traditionnelle qui parfois est nécessaire, comme par exemple une orthèse en carbone difficilement remplaçable par un polymère imprimé en 3D.

Pour bien comprendre les bénéfices et les changements de pratique qu’implique l’impression 3D, expliquez-nous quelles sont les méthodes classiques habituellement employées pour fabriquer ce type de dispositifs médicaux ?

Nous pouvons par les techniques de scans et de modélisations s’affranchir de toutes les étapes préliminaires comme les moules, les contre-moules. D’autre part, nous utilisons la matière exacte de la pièce sans déchet et la structure de la construction peut être innovative et dépouillée.

« Nous avons développé une gamme d’imprimantes 3D à dépôt de filament qui nous permettent de fabriquer, sur place, de grosses pièces et très rapidement. »

Concrètement, expliquez-nous le processus de fabrication de vos orthèses et prothèses ? 

Il faut distinguer les techniques additives utilisées dans notre cas. Nous avons développé une gamme d’imprimantes 3D à dépôt de filament qui nous permettent de fabriquer, sur place, de grosses pièces et très rapidement.

Nous utilisons également les impressions à poudre Multi Jet Fusion en divers matériaux comme le polyuréthane, le polypropylène ou nylon. Ces techniques MJF (jet de liant) ou SLS  (frittage laser) permettent des formes et designs incroyables mais nous sommes vite limités par la dimension des pièces.

Y a t-il une réalisation dont vous êtes particulièrement fier ?

Un corset rachidien conçu par Daniel Robert, imprimé en PA12

Un corset rachidien conçu par Daniel Robert, imprimé en PA12 (crédits photo : Orthovoxel)

Oui, le premier corset rachidien que j’ai réalisé en PA 12 blanc reste une pièce de référence souvent utilisée d’ailleurs par mes collègues. On la trouve sur la première page de mon site.

Que pouvez-vous nous dire sur les procédés et matériaux d’impression 3D employés par OrthoVoxel ? Quelles sont les différentes options de personnalisation que vous proposez ?

Il s’agit de repenser les formes et designs pour sortir des réalisations traditionnelles. Seule notre créativité est la limite de ce qu’on peut imaginer faire. Un post-traitement est nécessaire et permet d’obtenir des finitions de toutes les couleurs mais également l’impression de motifs par le moyen de l’hydrographie.

« c’est une situation classique où le réglementaire prend plus de temps que les innovations »

Sur le plan de la réglementation, à quelles contraintes devez-vous répondre pour ce type de dispositif médical ?

Cela dépend des pays et il se peut que certaines réalisations ne rentrent pas dans le cadre législatif. Toutefois, il ne faut pas que ces contraintes nous empêchent d’avancer et c’est une situation classique où le réglementaire prend plus de temps que les innovations.

En termes de prix, pouvez-vous nous donner un ordre d’idée en comparant l’un de vos DM par rapport à un équivalent traditionnel ? Les demandes de remboursement par la Sécurité Sociale ne pouvant être faites qu’après le marquage CE, est-ce le cas de vos dispositifs ?

Orthèse plantaire imprimée en polyuréthane souple

Orthèse plantaire imprimée en polyuréthane souple (crédits photo : Orthovoxel)

Le marquage CE s’applique sur les dispositifs de série et industriel. Dans notre cas, ce sont des MD (Medical Devices) sur mesure qui requièrent une traçabilité et l’utilisation de matières premières, qui elles doivent être labellisées CE.

Jusqu’alors, comment avez-vous été accueilli par le milieu médical ? Avez-vous ressenti ces dernières années un changement de mentalité de la part les professionnels de santé quant à leur perception de l’impression 3D ?

Nous avons reçu un accueil favorable qui évoque la nouveauté, l’innovation et « le faire autrement » ceci au bénéfice du patient. Nous pouvons dire aujourd’hui que de nouveaux marchés se sont ouverts grâce à cette approche disruptive.

« nous faisons face à une réticence des professionnels eux-mêmes, ayant peurs de perdre leurs habitudes et leur savoir-faire… »

Enfin, d’après vous, quels sont les freins actuels à un déploiement à plus grande échelle de l’impression 3D dans le domaine des dispositifs orthopédiques ?

Il faut encore valider les aspects de durabilité et de solidité sur plusieurs années. D’autre part nous faisons face à une réticence des professionnels eux-mêmes, ayant peur de perdre leurs habitudes et leur savoir-faire, voir leur travail. Un changement de mentalité est requis si l’on veut se lancer dans la fabrication additive. De notre côté, nous ne pouvons pas imaginer revenir en arrière et sommes convaincus que la fabrication additive dans le domaine de l’orthopédie prendra une place prépondérante.

Alexandre Moussion