Connu pour son expertise et nombreux travaux dans le domaine de la fabrication additive, le laboratoire national d’Oak Ridge, un centre américain pluridisciplinaire de science et de technologie basé dans le Tennessee, a récemment annoncé un accord avec son partenaire de recherche ZEISS, l’un des leaders mondiaux de l’industrie optique et optoélectronique. La raison pour laquelle ce rapprochement nous intéresse grandement, et qu’il a pour objectif d’effectuer des contrôles plus rapides des composants imprimés en 3D par tomodensitométrie. Les deux partenaires affirment que l’apprentissage automatique devrait permettre de réduire de plus de dix fois le temps et le coût des inspections tout en améliorant la qualité.
Signé pour une période de cinq ans, l’accord de recherche porte plus exactement sur l’utilisation de scanners CT et d’autres appareils de mesure qui permettent l’inspection de l’intérieur des pièces imprimées en 3D afin de vérifier les fissures et autres défauts pendant le processus de fabrication.
La raison est que la complexité géométrique qui caractérise souvent les pièces imprimées en 3D (canaux, formes entrelacées, cavités…) nécessite des techniques 3D volumiques pour contrôler leur structure interne. En effet, si avec les techniques traditionnelles comme le moulage, le forgeage ou l’usinage, présentes depuis déjà des décennies, les fabricants savent à quoi s’attendre, l’impression 3D est un procédé plus récent qui requiert la mise en oeuvre et la maîtrise de nouveaux processus de contrôle.
Quand bien même des équipements de Tomographie Numérique (TN) à rayons X, peuvent être employés pour repérer toutes les anomalies susceptibles d’affecter les performances d’une pièce imprimée en 3D, comme des fissures, des défauts de soudures ou les porosités, ce processus se montre encore bien trop lent et coûteux. Un point que cherchent précisément à améliorer l’ONRL et Zeiss. De nouvelles start-up cherchent également à solutionner cette problématique, à l’image de Lumafield et son scanner 300 fois plus rapide.
« La CT est une technique non destructive standard utilisée dans une multitude d’industries différentes pour garantir la qualité du composant produit. Mais la tomodensitométrie est traditionnellement un processus long et coûteux. » confirme Amir Ziabari, chercheur à l’ORN. « Le défi est de savoir comment tirer parti de ce que nous savons de la physique et de la technologie pour accélérer le processus CT et lui permettre d’être plus largement adopté par l’industrie. »
« Comprendre quels types de défauts peuvent être présents est extrêmement important pour comprendre le comportement des matériaux »

Exemple de pièce imprimée en 3D inspectée à l’aide d’un scanner 3D de métrologie de Nikon
Dans le laboratoire de caractérisation du MDF, ZEISS dispose pour cela d’équipements comprenant des systèmes de tomodensitométrie industriels et des microscopes électroniques à balayage qui sont utilisés pour rechercher les moindres défauts dans les pièces imprimées en 3D. L’analyse n’est cependant que la première étape. Les données de l’analyse doivent être soumises à des analyses complexes pour déterminer où se trouvent les failles. Le problème, explique le laboratoire scientifique, est ce processus nécessite beaucoup de puissance de calcul, ce qui équivaut à du temps et du coût. Le framework Simurgh offre l’avantage d’utiliser l’apprentissage en profondeur pour accélérer considérablement le temps d’analyse et d’analyse tout en fournissant des résultats encore plus précis.
Ce type de caractérisation très précise est on le sait indispensable pour les pièces additives de grande valeur qui doivent fonctionner dans des environnements extrêmes où la moindre défaillance n’est pas envisageable. Pour illustrer cela, l’ORNL révèle avoir utilisé des techniques de tomodensitométrie pour certifier les performances de supports d’assemblage de combustible nucléaire qui ont été insérés dans la centrale nucléaire de Browns Ferry en Alabama en 2021. C’est la première fois qu’une pièce imprimée en 3D était placée à l’intérieur d’un réacteur nucléaire.
Le laboratoire américain souligne à quel point la caractérisation CT a également été essentielle à la création d’aubes de turbine imprimées en 3D qui ont été récemment testées dans un moteur terrestre où les pales tournent à des vitesses allant jusqu’à 12 000 tours par minute dans un environnement pouvant dépasser 800 degrés Celsius. « Les pales ont résisté à l’environnement hostile de la turbine et ont fonctionné exactement comme prévu. » se félicite L’ORNL. « Comprendre quels types de défauts peuvent être présents est extrêmement important pour comprendre le comportement des matériaux« , ajoute Ryan Dehoff, directeur de MDF, qui a dirigé le développement du support nucléaire. « Dans ce type de pièces, tout défaut ou tout petit pore dans le matériau pourrait entraîner une défaillance catastrophique. »
L’une des limites de la technologie actuelle de tomodensitométrie soulignée par l’ONRL, est qu’elle limite la taille, la forme et le type de matériaux pouvant être numérisés. Pour les fabricants, il est logique d’utiliser cette technique pour un petit nombre de composants de grande valeur comme
les aubes de turbine. Cela est également judicieux pour valider un petit nombre de pièces issues d’une série plus importante, en extrapolant à partir du lot de test pour voir comment l’ensemble de la série fonctionnera.
Le rapprochement entre l’ORNL et ZEISS, porte également sur la réduction du temps et le coût du scanner, afin qu’il devienne aussi courant qu’aurait pu l’être une inspection visuelle pour les pièces sortant d’une chaîne d’assemblage il y a plusieurs décennies.
« Mon objectif ultime, ce que j’aimerais atteindre, est de rendre cela si rapide que nous puissions l’intégrer dans une chaîne de production afin que chaque pièce puisse être numérisée rapidement et de manière fiable« , conclut Ziabari. « Si nous y parvenons, ce serait un développement révolutionnaire qui permettrait à l’impression 3D de réellement réaliser son potentiel. »