Si dans le domaine de l’énergie, l’impression 3D est le plus souvent utilisée pour faire avancer rapidement les phases de prototypage, son recours pour des pièces d’utilisation finale est de moins en moins anecdotique. Preuve en est les nombreuses initiatives menées ces dernières années dans le secteur nucléaire et de la recherche, sur des pièces de réacteur par exemple, ou des dissipateurs thermiques.
La dernier cas du genre nous est rapporté par le fabricant américain 3D Systems, qui a récemment raconté comment avec l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le CERN, et l’Institut national néerlandais de physique subatomique, Nikhef, sa technologie avait été utilisée pour imprimer des composants de refroidissement pour le Grand collisionneur de hadrons (LHC). Ceux pour qui ce nom n’évoquerait absolument rien, sachez qu’il s’agit du plus grand et plus puissant accélérateur de particules au monde. Située dans la région frontalière entre la France et la Suisse à plus de 100 mètres sous terre , cette gigantesque construction de presque 27 km de circonférence est probablement la machine la plus puissante jamais construite par l’homme. Les scientifiques l’utilisent pour projeter à grande vitesse des particules telles que des protons et des électrons les unes contre les autres. L’objectif est de recréer les conditions qui existaient un centième de milliardième de seconde juste après le Big Bang il y a 14 milliards d’années.
On apprend que les partenaires du projet ont utilisé le système DMP Flex 350 de 3D Systems pour imprimer des barres de refroidissement en titane personnalisées. Utilisées pour des expériences de détection de particules des composants, ces dernières auraient selon les protagonistes été impossibles à réaliser avec les techniques traditionnelles. « une bande longue et extrêmement étroite de détecteurs de photons doit être refroidie à -40 ˚C pour préserver la réaction à étudier. » Explique 3D Systems « Cette bande mesure environ 140 mètres de long, fait moins de 2 mm de large et est fixée à des barres de refroidissement en titane imprimées en 3D qui prennent en charge la totalité du refroidissement. »
« L’impression 3D offre réellement de nouvelles possibilités… On peut vraiment repousser les limites »
Non seulement le Cern exigeaient que les composants devaient être parfaitement plats pour que le détecteur puisse obtenir des images de haute résolution, mais les barres devaient être très fines aussi, soit une fraction de millimètre. Directeur du projet SciFi au sein du Cern, Antonio Pellegrino ajoute que pour une efficacité maximale, le moins de matériau possible devait séparer le liquide de refroidissement et la surface à refroidir. L’utilisation de la fabrication additive a permis d’obtenir des barres de titane extrêmement légères, d’une largeur de 1,6 millimètres et d’une épaisseur de 0,1 millimètre seulement.
Côté matériaux, les exigences en matière d’étanchéité ont conduit à choisir le LaserForm® TiGr23, un alliage en titane extrêmement résistant. L’ensemble de paramètres personnalisés développés par 3D Systems pour le projet a également permis de respecter ces exigences. La pièce finale comprend des composants A et B en miroir qui ont soudés ensemble et ne nécessitaient qu’un assemblage manuel minimal.
D’après les tests de résistance réalisés, le Cern s’attend à ce que les barres durent au moins dix ans. Le peu d’assemblage rendu possible grâce à la fabrication additive, ainsi que la forme optimisée des composants et l’emploie d’un seul matériau, laisse à penser qu’elles pourraient même résister au-delà. M. Pellegrino affirme que la fabrication additive a été un énorme avantage pour l’équipe du CERN. Le succès de ce projet aurait par ailleurs éveillé l’intérêt de ses collègues qui n’avaient jamais utilisé cette technologie auparavant. « L’impression 3D offre réellement de nouvelles possibilités, conclut M. Pellegrino. « On peut vraiment repousser les limites. »