La capacité de la fabrication additive à réaliser des formes géométriques très complexes, constitue sans nul doute un formidable accélérateur pour le développement du biomimétisme. Ce processus qui rappelons-le, désigne la reproduction à l’identique ou inspirée de processus observés dans la nature pour une utilisation liée aux activités humaine, a déjà fait ses preuves dans des domaines extrêmement variés.
Avec près de 3,8 milliards d’années d’évolution et d’adaptation, la faune et la flore fournit une source inépuisable de solutions éprouvées par des millénaires de sélection naturelle et de concurrence vitale. C’est ainsi le fruit de la bardane a donné naissance au Velcro, et que le bec du martin-pêcheur a inspiré le nez profilé du TGV japonais.
Avec l’impression 3D, toutes ces structures façonnées par la nature qui ne pouvaient être envisagées avec les techniques traditionnelles, comme le moulage, l’extrusion et l’usinage, sont désormais possibles. C’est ainsi que l’on voit ressurgir aujourd’hui des cartons des industriels des projets que seule la modélisation permettait d’entrevoir.
Un bel exemple de biomimétisme nous a récemment été fourni par une équipe d’étudiants en génie mécanique de l’Université Purdue aux Etats-Unis. Il est question d’un dissipateur de chaleur imprimé en 3D qui a été inspiré de la peau de requin. Jugé très performant, le design a remporté la première place du concours universitaire « Virtual Student Heat Sink Design Challenge », soutenu et parrainé par General Electric.
« la fabrication additive nous a permis de proposer des conceptions innovantes pour de nouvelles solutions thermiques avancées »
Il faut savoir qu’un dissipateur thermique est un dispositif généralement muni d’ailettes, et qu’il permet l’évacuation de la chaleur des appareils électroniques, et de les rendre ainsi plus performants. Le défi lancé aux candidats, portait sur la conception d’un dissipateur de chaleur imprimable en 3D qui serait capable de retirer le plus de chaleur possible, à moindre coût, et avec le minimum de matériaux.
Soumya Bandyopadhyay, Ph.D. étudiant de l’équipe Purdue, commente : « La clé pour avoir des appareils électroniques performants est de les garder au frais. Au cours de la dernière décennie, la fabrication additive nous a permis de proposer des conceptions innovantes pour de nouvelles solutions thermiques avancées. »
De là est venue l’idée aux quatre étudiants de s’inspirer de la peau du requin pour optimiser la dissipation de la chaleur. Constituées de millions d’écailles de 0,06 millimètres, les denticules dermiques qui la recouvrent, confère à l’animal un hydrodynamique extrêmement efficace. La présence de stries permet à l’eau de s’écouler plus facilement, régulièrement, et sans turbulences, le long de l’animal lorsqu’il se déplace. C’est ainsi que la peau des squales a inspiré la conception de combinaisons de natation et de plongée.
La loi de la dynamique des fluides s’appliquant aussi bien aux liquides qu’aux gaz, les chercheurs de Purdue ont ajouté ces formes sur la paroi de leur dissipateur thermique pour réduire la perte de charge et induire le mélange d’air. Les auteurs expliquent avoir également ajouté des générateurs de vortex, comme ceux trouvés sur les voitures de course de Formule 1, pour faire tourner intentionnellement l’air afin de maximiser la quantité de transfert de chaleur. Ces « tourbillons » apparaissent à l’avant et à l’arrière de leur conception de dissipateur thermique.
Le défi suivant était de savoir comment expulser cet air nouvellement chauffé. C’est ainsi qu’entre les deux tourbillons, l’équipe a conçu une section « respirateur ». Sa géométrie permet d’absorber l’air frais de l’extérieur et d’expulser l’air chauffé à travers une rampe perforée qui ressemble aux sacs aériens trouvés dans les poumons humains.
Les six meilleures équipes du concours ont ensuite été choisies pour faire imprimer en 3D leurs conceptions. C’est GE AddWorks qui s’est chargé de l’impression en utilisant une poudre d’aluminium et une machine Concept Laser M2. Les dissipateurs de chaleur physiques ont ensuite été testés dans des conditions identiques à l’Oregon State University, afin de déterminer si leurs performances réelles correspondaient aux simulations.
Bandyopadhyay a déclaré que la performance réelle s’est avérée bien meilleure que ce qu’ils n’avaient imaginé. « En termes de coût, cela a également permis d’économiser beaucoup plus. Et il a même fait mieux en minimisant la quantité de matière utilisée. »
« Prendre des structures inspirées de la nature et les traduire en quelque chose qui peut être imprimé en 3D pour un dissipateur de chaleur était très difficile », conclut Julia Meyer, Ph.D. étudiant sous Partha Mukherjee . « Il a fallu beaucoup repenser et optimiser notre conception. Mais c’était un processus amusant, et cela a abouti à quelque chose dont je suis très fier. »