Dans un article publié ce lundi dans la revue Advanced Sciences, une équipe de chercheurs de l’université de Tel-Aviv a fait sensation en présentant un prototype de cœur humain entier imprimé en 3D. Le professeur Tal Dvir, qui a dirigé les recherches conjointement avec le Dr Assaf, parle d’un organe de la taille d’un cœur de lapin.
Mesurant seulement 2 cm de long pour un diamètre de 1,4 cm, ce cœur bio-imprimé serait rempli de cellules, de vaisseaux sanguins, de ventricules et de chambres. Grâce au prélèvement de tissus humains et de vaisseaux sur un patient, l’organe correspondrait parfaitement à ses propriétés immunologiques, cellulaires biochimiques et anatomiques. Une première mondiale. « Nous imprimons un coeur entier qui est complètement biocompatible avec le patient et ne provoquera pas de réponse immunitaire », commente le professeur Tal Dvir.
La bio-impression suscite de nombreux espoirs dans le domaine médical. Des centaines de chercheurs à travers le monde mènent des travaux avec pour but ultime d’imprimer un jour des organes humains transplantables pour palier au manque de donneurs. Encore balbutiante par apport aux autres secteurs d’applications de la fabrication additive, la bio-impression montre des résultats très prometteurs.
Les premiers cas d’applications les plus probables porteront sur la fabrication de tissus imprimés en 3D, comme de la peau ou des patchs cardiaques. Les recherches de BIOLIFE4D par exemple vont dans ce sens, mais aussi celles du français Poetis, à l’origine de la première commercialisation d’un tissu de peau humaine imprimé en 3D.
« le passage à l’échelle reste un sujet délicat au niveau de la biologie »
Malgré les avancées réelles dans ce domaine, la fabrication d’un organe viable et transplantable tient aujourd’hui plus du rêve que d’un progrès à portée de main. L’intérêt des travaux effectués par Dr Assaf reposent principalement dans l’utilisation des cellules du patient. Interrogé par Primante 3D à ce sujet, le co-fondateur de la start-up française Poietis Bruno Brisson explique :
« Il s’agit d’un bel article scientifique et une belle preuve de concept pour la bio-impression au stade du laboratoire. Il faut avoir à l’esprit que l’objet bioimprimé dont ils parlent fait la taille d’une cerise. Nous sommes donc très loin d’avoir un cœur humain implantable et le passage à l’échelle reste un sujet délicat au niveau de la biologie. Ce qui est intéressant pour la bioimpression c’est le fait d’avoir utilisé des cellules de patient et d’avoir mis au point un organoïde intégrant de la vascularisation, des éléments importants pour des prochaines étapes de développements à visée clinique. »
Un avis partagé par Christophe Marquette, fondateur de la plateforme de bioimpression 3D.Fab : « La pièce est si vous regardez de prêt très petite (quelques mm), non fonctionnelle. La seul nouveauté étant d’avoir utilisé de la matrice extracellulaire à partir d’une biopsie de patient. »
Des artères en bleu et le muscle cardiaque en rouge pour encore plus de réalisme
Les scientifiques expliquent en effet avoir réalisé une biopsie du tissu adipeux sur différents patients. Appelées adipocytes, les cellules prélevées ont ensuite été mélangées aux bio-encres (l’hydrogel), créant ainsi un support sur-mesure. En parallèle des cellules cardiaques et des cellules endothéliales ont été extraites, puis reprogrammées pour en faire des cellules souches dites pluripotentes.
Mélangées à la bio-encre, ces dernières ont d’abord été utilisées pour imprimer des patchs cardiaques en 3D avec des vaisseaux sanguins, puis un cœur entier. Pour mieux visualiser la structure en 3D, les chercheurs de l’université de Tel Aviv ont poussé le réalisme en colorant les artères en bleu et le muscle cardiaque en rouge. Le processus aurait nécessité environ 3-4 heures d’impression.
Bien sûr à ce stade, le cœur imprimé en 3D est encore loin de pouvoir battre comme un vrai cœur. Si semble t-il les cellules peuvent se contracter, la capacité à travailler de concert pour pomper du sang est un défi de taille. En attendant de lever les nombreux freins techniques qui permettraient d’aboutir à un coeur à taille réelle et transplantable, le mini coeur 3D pourrait trouver ses premières applications dans les tests médicamenteux. Le professeur Tal Dvir espère pouvoir réaliser les premières greffes sur animaux d’ici un an.