Là où certains secteurs tels que l’aéronautique ont su prendre avec brio le virage de la fabrication additive, l’industrie du nucléaire se met doucement à l’heure de la 3D. Un retard à la transformation qui trouve son explication dans le conservatisme et les exigences de sûreté propres à ce domaine. Le long travail d’évaluation et d’identification que requiert cette technologie avant d’envisager son passage en phase industrielle, commence néanmoins à porter ses fruits.
Quelques jours seulement après que Framatome ait annoncé le premier composant de combustible imprimé en 3D, un autre acteur majeur du nucléaire a partagé de nouvelles avancées. Cette fois-ci c’est le géant français de l’énergie EDF, qui s’est félicité d’avoir produit son premier anneau d’étanchéité imprimé en 3D.
Un composant critique destiné à la sécurité de ses installations hydroélectriques « Hydro », dont on apprend qu’il a été réalisé par l’entreprise française Vallourec. Un nom qui vous est peut-être familier, ce spécialiste des tubes pétroliers ayant déjà recouru plusieurs fois à la fabrication additive métallique. On lui doit la réalisation de très grandes pièces, la plus connue étant un waterbrushing imprimé en 3D – une pièce d’1 m 20 pour 220 kg installée par Total en mer du Nord- ainsi que deux bouchons de levage de 175 kg réalisés pour une compagnie parapétrolière américaine.
Fort de ses expériences réussies, Vallourec a tiré parti du même procédé. Une méthode de fabrication additive métallique appelée WAAM (Wire Arc Additive Manufacturing), qui consiste à utiliser un fil métallique (le plus souvent du titane) comme matière première, et dont la fusion couche par couche est opérée à l’aide d’un arc électrique.
Dans le cas présent, la collaboration de Vallourec avec EDF a cette fois-ci permis la réalisation d’un composant mesurant un mètre de diamètre pour 100 kg. Une pièce critique puisque son rôle est d’assurer la protection de la vanne en cas de problème de fuite.
Si la qualité d’impression du WAAM est inférieure à celle des procédés additifs sur lit poudre, cette méthode est particulièrement efficace pour réaliser rapidement de grandes pièces. Des composants pouvant mesurer jusqu’à 7 mètres, avec un débit supérieur (jusqu’à 10kg de matière/h). L’autre atout du WAAM par rapport aux autres approches, est que les fils de soudure sur lesquels il repose, sont des matériaux bien plus abordables que les poudres métalliques utilisées en frittage laser. À titre d’exemple, le prix d’un fil de Titane 6AI-4V 0,9 mm avoisine les 58 $ / lb contre 120 $ / lb en moyenne pour une poudre de qualité AM.
Bien sûr, EDF entend également s’appuyer sur cette technique pour réduire ses délais d’approvisionnement. Particulièrement longs pour ce type de pièces, ils pourraient passer de plusieurs mois, à seulement quelques jours ou quelques semaines. « Il y a une valeur ajoutée considérable dans l’ensemble de la chaîne logistique puisqu’on a moins de stocks intermédiaires, et on réduit le lead time de livraison au client… » Abonde Samuel Lecerf, Directeur Industriel Europe/Afrique chez Vallourec.
« À terme, EDF espère industrialiser cette méthode de production, ayant déjà qualifié l’ensemble du procédé pour cette pièce »
L’autre intérêt du WAAM pour EDF, réside également dans ce qu’il peut offrir en termes de reprise pour les pièces de grande taille. Des pièces qui par définition sont plus difficiles et coûteuses à remplacer. À l’avenir cette méthode pourrait donc lui être d’une aide très précieuse pour la réparation de pièces massives. Qu’il s’agisse de réparations par rechargement, mais aussi d’ajout d’entités sur des pièces existantes. Dans cet optique, EDF a réalisé d’importants investissements, avec notamment la construction d’un laboratoire dédié au WAAM sur le site d’EDF Lab Chatou. Des évaluations sont également menées au autour du procédé Cold Spray (appelé aussi projection à froid) sur son Lab les Renardières. L’idée serait de l’utiliser pour réparer des tubes usés.
L’autre méthode additive sur lequel mise également l’électricien est la fusion sur lit de poudre. Ses équipes de chercheurs y travaillent dans l’optique de reproduire des petites pièces obsolètes. En effet, le problème est que pour certaines d’entre-elles la production n’a même plus cours. Dotée d’un parc nucléaire vieillissant construit il y a une quarantaine d’années, l’entreprise doit faire face à des enjeux importants de maintenance que la fabrication additive pourrait donc l’aider à résoudre. L’emploi de scans 3D sur des pièces usagées, combiné à l’utilisation de systèmes à fusion sur lit de poudre, est l’une des pistes étudiées pour reproduire plus rapidement et à la demande ses pièces de réparation.
La liberté de conception inégalable dont jouit l’impression 3D par rapport aux techniques classiques est un autre axe important d’amélioration pour EDF. Les performances de ses pièces pourraient s’en trouver grandement améliorées, tant sur les échanges thermiques que la circulation des fluides. Tout comme les économies importantes qui pourraient être réalisées sur la matière première, grâce au gaspillage que permet d’éviter le procédé additif en lui même, mais aussi l’allègement découlant des formes optimisées. L’autre effet bénéfique enfin, concerne le volet environnemental. L’impact de l’impression 3D sur la logistique, se traduit également par une nette réduction des émissions C02 et des stocks induite par la diminution des transports.
« Avec le partenariat avec EDF, Vallourec rentre dans une ère de développement de la technologie WAAM. » Conclut Samuel Lecerf, directeur industriel Europe / Afrique chez Vallourec. « Nous sommes actuellement en train d’étudier un plan d’investissement pour créer un compétence center et un production hub pour avoir les deux bras armés de la croissance de cette technologie au sein de Vallourec. À terme, EDF espère industrialiser cette méthode de production, ayant déjà qualifié l’ensemble du procédé pour cette pièce. »
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