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Nucléaire : Framatome annonce le premier composant de combustible imprimé en 3D

Grille d’extrémité supérieure d’assemblage ATRIUM 11 imprimée en 3D de Framatome

Grille d’extrémité supérieure d’assemblage ATRIUM 11 imprimée en 3D de Framatome (crédits photo : Framatome)

Le nucléaire se trouve des atomes de plus en plus crochus avec la fabrication additive. Là où ces dernières années cette filière se voyait freinée dans l’exploitation de cette technologie, du fait notamment des règles et normes très strictes qui la régissent, de plus en plus d’applications d’intérêt majeur se mettent à voir le jour.

Jusqu’alors plutôt discrète dans ce secteur où elle se résumait principalement à optimiser les phases de prototypage rapide, en validant des concepts plus rapidement ou en décuplant le nombre d’itérations, la fabrication additive se retrouve aujourd’hui dans des pièces d’utilisation finale industrielles très critiques. L’un des exemples les plus parlants nous a été fourni cet été par Westinghouse Electric Company. Spécialiste de la conception et de la fabrication d’assemblages de combustibles nucléaires, cette entreprise américaine avait alors annoncé l’installation de filtres à débris de combustible nucléaire imprimés en 3D dans une centrale finlandaise et suédoise. Des pièces considérées comme particulièrement sensibles, puisque vouées à retenir les débris qui pourraient endommager la gaine d’un assemblage combustible. Un an plus tôt, cette même entreprises s’était illustrée en installant un autre composant métallique imprimé en 3D. Une pièce tout aussi critique puisque permettant d’obstruer le « doigt de gant », un composant qui sert à protéger le capteur de température installé sur les circuits du réacteur.

Montrant un recours à la fabrication additive pour des pièces critiques toujours plus près des combustibles, le français Framatome a officialisé ce lundi une nouvelle prouesse. Spécialisée dans la conception des centrales nucléaires, la multinationale a annoncé qu’elle venait d’achever l’introduction du premier composant d’assemblage de combustible en acier inoxydable réalisé par fabrication additive.

Installé dans la centrale nucléaire de Forsmark en Suède, exploitée par Vattenfall, on apprend que ledit composant porte plus exactement sur des grilles d’extrémités supérieures d’assemblages de son ATRIUM 11, un combustible de dernière génération pour les réacteurs à eau bouillante (REB). Les pièces ont été conçues et fabriquées en collaboration avec KSB SE & Co. KgaA, puis introduites dans la tranche 3 de la centrale, dans le cadre d’un programme d’irradiation pluriannuel.

« Les avancées en matière d’intégrité des composants fabriqués par impression 3D sont révolutionnaires pour la génération d’une énergie sûre, fiable et bas-carbone, adaptée aux opérations à long terme », a déclaré Lionel Gaiffe, senior executive vice president, Fuel Business Unit, à Framatome. « Nous apprécions la confiance de Vattenfall, qui nous a ouvert ses portes et offert un tremplin pour les innovations et développements futurs, qui viendront remplacer les procédés de fabrication conventionnels. »

« L’objectif global de ces activités est de maintenir et d’améliorer davantage la sûreté et de permettre des opérations économiquement viables à long terme »

crayon de combustible

©Yuvanoe/CEA

Pour bien mesurer l’importance de ce composant et son exigence au sens de la réglementation nucléaire, il faut savoir que la grille d’extrémité supérieure est un composant dont la fonction est de maintenir les crayons de combustible. Grâce à cette structure, ce que l’on appelle des « crayons », qui sont en fait des pastilles cylindriques enrichies en oxyde d’uranium empilées dans une gaine métallique, peuvent ainsi arrangés en réseau pour former un « assemblage combustible ». La deuxième utilité de cette grille, et non des moindres, est qu’elle empêche également que des débris volumineux ne pénètrent dans l’assemblage par le haut.

« Le fonctionnement des assemblages de combustible en toute sécurité est essentiel pour Vattenfall », confirme Ella Ekeroth de Vattenfall Nuclear Fuel AB. « En plus de ce principe de base, nos contributions au développement de procédés de fabrication efficaces et fiables sont dans l’intérêt de toute l’industrie nucléaire. L’objectif global de ces activités est de maintenir et d’améliorer davantage la sûreté et de permettre des opérations économiquement viables à long terme. »

Framatome explique sa démarche par le fait qu’habituellement les grilles d’extrémité supérieures sont réalisées à partir de plaquettes qui sont découpées et embouties, puis soudées par laser. Un procédé chronophage qui nécessite de nombreuses étapes de fabrication et la surveillance d’opérateurs. L’impression 3D permet de s’affranchir de ces contraintes en rationalisant cette fabrication, tout en multipliant le nombre d’itérations de conception possibles. Les pièces qui en résultent bénéficient de fonctionnalités et de performances accrues.

Si Framatome se montre en revanche très discret quant au procédé additif employé, tout laisse à penser qu’il s’agit d’un système à fusion laser sur lit de poudre qui a été utilisé. On se souvient qu’en 2020, l’entreprise avait annoncé la fabrication d’objets imprimés en 3D en uranium–molybdène et uranium–silicium au moyen d’un « appareil de fusion par faisceau laser ». Le géant du nucléaire disait alors vouloir poursuivre le développement de l’impression 3D pour la production de cibles d’irradiation, mais aussi des petites productions en série de combustibles innovants pour les réacteurs avancés de quatrième génération.

Le cas d’utilisation additive très spécifique rapporté par Framatome concerne un plus grand nombre de pièces qu’on ne pourrait l’imaginer. En faisant quelques recherches sur le sujet, on apprend que le chargement d’un réacteur nucléaire de 900 mégawatts nécessite pas moins de 157 assemblages (contenant en tout 11 millions de pastilles). La France compte aujourd’hui 58 réacteurs de différentes puissances répartis sur 19 centrales nucléaires : 4 de 1 400 MW, 20 de 1 300 MW et 34 de 900 MW.

Framatome rappelle que sa volonté d’introduire la fabrication additive dans la fabrication du combustible nucléaire remonte à 2015, et qu’elle concerne principalement des composants en acier inoxydable et en alliage base nickel. En 2021, un composant d’assemblage de combustible en acier inoxydable (Channel fastener) imprimé en 3D, développé par Framatome en collaboration avec le laboratoire national d’Oak Ridge (ORNL), avait été introduit dans une centrale nucléaire aux États-Unis.

Ajoutons enfin que la multinationale française participe au fameux projet ARQANE (Actions de Réalisation et de Qualification en Additif pour le Nucléaire), lauréat du plan « France Relance » pour le volet nucléaire, qui a été officiellement lancé en avril dernier. Un programme porté par les principaux acteurs de la filière (EDF, CEA, l’Institut de soudure, Inovsys…), qui vise à démontrer et valider la maturité industrielle de la fabrication additive métallique pour l’industrie nucléaire pour deux procédés complémentaires : la fusion laser sur lit de poudre et la fabrication additive arc-fil/laser-fil

Alexandre Moussion