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À 7 ans il fait ses premiers pas tout seul grâce à des orthèses imprimées en 3D

Si l’impression 3D médicale en est encore à ses balbutiements, son impact sur les soins de santé se fait grandissant. Pendant que l’industrie de la santé et les grandes sociétés pharmaceutiques amorcent un tournant vers cette technologie, nombre d’associations telles qu’E-NABLE ou d’Open Bionics, mais aussi des particuliers, utilisent des imprimantes 3D de bureau pour produire des prothèses de membres ou orthèses sur-mesure à moindre coût.

Aux quatre coins du globe, les témoignages se succèdent. Le dernier exemple du genre nous vient de Slovénie, où un enfant de 7 ans du nom de Nik a pu faire ses premiers pas grâce à des orthèses imprimées par son père. Une issue inespérée pour ce petit garçon atteint de paralysie cérébrale depuis la naissance, condamné à se déplacer avec des modèles d’orthèses des années 50 inconfortables, très coûteux, et inefficaces.

Faisait fi de l’avis des médecins qui affirmaient que son fils, ne serait jamais capable de marcher seul, Matej a développé un processus innovant (dont il a déposé le brevet) pour produire des orthèses sur mesure imprimées en 3D. Matej s’est donné un objectif simple : permettre à Nilk de marcher. S’en sont suivi 6 mois de recherche et de développement pour obtenir une orthèse qui lui fournisse le soutien et la correction exactement là où il en avait besoin.

 

« Les orthèses disponibles actuellement sur le marché sont généralement inconfortables et seuls des modèles haut de gamme très coûteux sont véritablement sur mesure »

Orthèses traditionnelles

Cette histoire traduit le retard considérable qui a été pris dans certains domaines de la santé. Si la médecine a vu s’améliorer les performances d’un certains nombre de dispositifs médicaux, on pense par exemple aux prothèses auditives et à la lunetterie, les modes de fabrication des orthèses n’ont pas évolué depuis les années 50. « Il existe des orthèses prêtes à l’emploi de différentes tailles et formes. Bien qu’elles puissent être adaptées au patient dans une certaine mesure, il est difficile de traiter plusieurs problèmes avec le même dispositif. » Exlique le père de Nik.

« Les orthèses sur mesure haut de gamme sont fabriquées à la main et sur des machines CNC, à partir d’un plâtre ou d’une empreinte sur mousse du pied du patient. Mais leur production prend plusieurs semaines et des réglages additionnels sont nécessaires après essayage. Les orthèses disponibles actuellement sur le marché sont généralement inconfortables et seuls des modèles haut de gamme très coûteux sont véritablement sur mesure. Ils peuvent coûter des milliers de dollars et prendre des semaines avant de les recevoir. »

Inspiré par ce succès, Matej qui a une formation d’ingénieur et travaillé comme responsable R&D dans le secteur des télécoms pendant 12 ans, a quitté son emploi et lancé sa propre entreprise. Son but : rendre les orthèses plus accessibles aux enfants, et de changer le status quo de l’industrie médicale en offrant des des orthèses véritablement sur mesure et abordables. Du scan à l’impression 3D, l’entreprise de Matej produit désormais des orthèses 3D en moins de 24 heures pour une fraction du prix des dispositifs traditionnels.

Différentes versions d’orthèses imprimées en 3D

Après six mois d’expérimentation et de recherche, Matej a mis au point un processus innovant dont il attend le brevet :

1. Les pieds du patient sont placés dans un sac sous vide dans la position correcte, debout et supportant son poids.

2. Les pieds sont scannés en 3D par le haut ainsi que par le bas à travers le sac à l’aide d’un scanner Structure monté sur un iPad.

3. Les données sont réunies et optimisées pour produire une représentation précise du pied du patient.

4. L’orthèse sur mesure est alors conçue directement sur le scan du pied dans le logiciel CAO.

5. L’orthèse est imprimée en 3D haute résolution à l’aide d’une imprimante 3D Form 2 et d’une Durable Resin.

Le premier prototype conçu par Matej montait pratiquement jusqu’au genou, comme les orthèses pied-genou traditionnelles, mais, sur les conseils de Petra Timošenko, le kinésithérapeute de Nick, il réalisa que cela ne faisait qu’empêcher son fils de marcher librement. Il a donc recommencé et conçu un prototype qui n’était pratiquement pas plus haut qu’une semelle intérieure et tenait dans une chaussure. Souvent, les patients qui portent des orthèses pied-genou sont obligés d’acheter des chaussures spéciales extra-larges, qui sont difficiles à trouver pour des enfants.

« Après avoir porté l’orthèse deux ou trois mois, j’ai vu Nik sourire, pour la première fois »

Orthèse imprimée sur une imprimante 3D Form 2

C’est finalement le 13 ème prototype qui a été le bon. « En deux ou trois jours, Nik marchait, nous n’avions pas besoin de le surveiller et il n’est plus jamais tombé. Le changement a été immédiat, c’était incroyable. », se rappelle Matej. « Après avoir porté l’orthèse deux ou trois mois, j’ai vu Nik sourire, pour la première fois. Après quatre à cinq mois, il a été de plus en plus rapide. Ses pas étaient plus longs et sa démarche plus fluide. Il a même commencé à danser. », raconte Petra. « Maintenant, je peux lui faire faire des exercices plus élaborés. Nous pouvons courir sur un tapis de course et sauter, parce que je sais que ses pieds sont dans la bonne position, et qu’aucune déformation des os ou des articulations n’est à craindre, qu’il faudrait sinon opérer à long terme. S’il n’avait pas cette orthèse, il y aurait un risque pour ses pieds. »

L’orthèse permet de maintenir le pied de Nik dans la bonne position, de la même façon qu’un appareil dentaire maintient les dents, et sa mère peut lui faire faire des exercices de kinésithérapie pour renforcer ses muscles et ses ligaments. Les orthèses sont plus efficaces lorsque l’enfant est jeune et que son corps peut s’adapter pendant la croissance. Grâce à plusieurs dispositifs qui traitent les symptômes qu’il présente, l’état de Nik s’améliore plus rapidement et les résultats sont globalement meilleurs.

« La quatrième orthèse a corrigé son pied droit qui était décentré par rapport au corps, ce qui lui a permis de se tenir debout en position bien droite »

« La première version de l’orthèse lui a donné confiance et l’a stabilisé. La deuxième a amélioré la fluidité globale de la démarche. La troisième l’a aidé à prendre une meilleure posture, et c’est alors qu’il a vraiment apprécié de pouvoir marcher et qu’il a commencé à jouer. La quatrième a corrigé son pied droit qui était décentré par rapport au corps, ce qui lui a permis de se tenir debout en position bien droite. », explique Matej.

Encouragé par ces premiers résultats mais aussi l’avis d’un certain Dejan Tašner, un orthésiste et prothésiste certifié, Matej et sa femme Mateja ont décidé de breveter et faire certifier le processus de fabrication. Après avoir passé des nuits à remplir des papiers relatifs aux aspects légaux et réglementaires, Matej a démissionné de son travail et avec Mateja, Dejan et Petra, a créé la société aNImaKe, à partir du prénom Nik, pour se consacrer à plein temps à la conception d’orthèses imprimées en 3D pour aider d’autres enfants.

L’équipe qui teste actuellement ses prothèses sur divers profils de patients âgés entre 3 et 11 ans, constate de nettes améliorations en termes de biomécanique mais aussi un changement très positif chez les parents qui voient s’améliorer la vie au quotidien de leurs enfants qui ont besoin de se sentir bien avec leur orthèse pour améliorer la marche. ANImaKe souhaite appliquer leur procédé à d’autres parties du corps. Ils testent notamment une attelle de bras pour un enfant atteint d’IMC (infirmité motrice cérébrale). En savoir plus.

*crédits de toutes les photos : Formlabs

Alexandre Moussion