Essentielle pour garantir la conformité d’une pièce, et parfois même obligatoire pour l’utilisation de certaines pièces critiques, la certification continue de gagner le secteur de l’impression 3D. Un progrès que l’on sait ô combien crucial pour faire avancer cette technologie vers un statut industriel.
La bonne nouvelle est que la fabrication additive s’aligne progressivement sur les normes industrielles, allant désormais jusqu’à produire des pièces critiques pour des secteurs sujets à des normes drastiques de sécurité, notamment l’aérospatiale.
L’exemple connu le plus récent nous est rapporté par la compagnie pétrolière Shell. La multinationale anglo-néerlandaise et Bonney Forge, un important fabricant américain de valves et de raccords, ont reçu une certification CE pour un robinet-vanne (ou robinet d’arrêt) imprimé en 3D. Validée par la société de classification internationale DNV, cette pièce a été certifiée pour répondre à la directive européenne sur les équipements sous pression 2014/68/UE. La conformité à cette directive est requise pour les concepteurs et les fabricants qui cherchent à vendre leurs équipements dans l’UE.
Bien sûr, il ne s’agit pas de la première compagnie pétrolière à tirer parti de la fabrication additive. Les avantages de cette technologie en termes de réduction des délais et des coûts de fabrication et de maintenance, tout en relevant les défis environnementaux, suscite toujours plus d’intérêt chez l’industrie du Oil & Gas.
Mentionnons par exemple Vallourec, un spécialiste français des tubes pétroliers, qui en 2021 était parvenu à produire le tout premier waterbushing imprimé en 3D. Un composant de 220 kg qui avait été déployé avec succès sur l’un des puits de Total en mer du Nord. Un an plus tard, Vallourec avait récidivé en réalisant cette fois-ci deux bouchons de levage de 175 kg (lifting plugs) pour une compagnie américaine para-pétrolière du nom de Weatherford.
« Les composants produits par ces procédés sont généralement utilisés dans des applications qui nécessitent des propriétés mécaniques similaires à celles des pièces forgées usinées »
Selon les premières informations délivrées par Shell, la pièce en question dont on ignore pour l’instant les dimensions et le poids, a été imprimée à partir d’alliage d’acier inoxydable UNS S31603 (une nuance d’acier américain), au centre d’excellence (CoE) et à l’atelier d’impression 3D situés sur le campus de transition énergétique de Shell à Amsterdam.
À la question de savoir quel procédé de fabrication additive a été employé pour cette vanne, un indice précieux nous est fourni par la DNV. Dans un post Linkedin, la société fait mention de la norme ASTM F3184-16 S31603, qui correspond en fait à la fabrication additive de composants UNS S31603 au moyen de processus de fusion sur lit de poudre « à fusion totale basés sur un laser et un faisceau d’électrons ».
« Les composants produits par ces procédés sont généralement utilisés dans des applications qui nécessitent des propriétés mécaniques similaires à celles des pièces forgées usinées et des produits corroyés. Les composants fabriqués selon ces spécifications sont souvent, mais pas nécessairement, post-traités par usinage, meulage, usinage par électroérosion (EDM), polissage, etc. pour obtenir la finition de surface souhaitée et les dimensions critiques. » Peut-on lire sur le site d’ASTM, le comité en charge des normes internationales pour la fabrication additive.
« nous compterons et conserverons nos pièces de rechange uniquement sous la forme d’un ensemble de données »
Quant à la technologie employée pour imprimer cette vanne, il se pourrait bien qu’il s’agisse du système industriel M Line Factory de Concept Laser (un fabricant allemand dont on rappelle qu’il a été racheté par GE en 2016). On se souvient que c’est précisément sur cette machine que plus tôt cette année, Shell International BV et GE Additive avait réalisé un micromélangeur d’oxygène et d’hydrogène fabriqué de manière additive. Une pièce de démonstration complexe et non fonctionnelle qui avait été imprimée dans un alliage de nickel 718.
Shell soulignait alors les perturbations provoquées par le Covid-19 et du conflit en Ukraine sur les chaînes d’approvisionnement, et leur impact sur la capacité des entreprises à se procurer du matériel et des pièces de rechange. Outre le bénéfice de relocalisation de la fabrication additive, Angeline Goh, la digital manager de Shell, expliquait son impact sur la durabilité, que ce soit en termes de diminution de consommation matériau, mais aussi de réduction des émissions de CO2 grâce au gain de carburant obtenu par l’allègement des pièces.
Pour l’industrie extractive, comme pour de nombreux autres secteurs, l’adoption de la fabrication additive signifierait une production plus intelligente grâce à possibilité d’une fabrication à la demande et la création de bibliothèques numériques. « Ainsi, il y a des réductions potentielles d’émissions en expédiant moins de poids, en gaspillant moins du poids expédié et, au lieu de garder des pièces de rechange à portée de main… nous compterons et conserverons nos pièces de rechange uniquement sous la forme d’un ensemble de données. » Avait expliqué Angeline Goh.
Quant à la mise en service de la vanne imprimée en 3D, on apprend que les premières pièces seront installées sur le Shell Energy and Chemicals Park de Rotterdam (anciennement appelée raffinerie de Pernis.) Angeline Goh a déclaré que Shell partagerait plus d’informations sur la manière dont a été fabriquée cette pièce lors de la Conférence internationale de l’ASTM sur la fabrication avancée (ICAM) 2023, à Washington DC (30 octobre-3 novembre).
« Ce travail pionnier aide à démontrer les avantages et la sécurité des produits de valve avec la technologie AM, qui mène à la production commerciale de composants à pression qui répond aux normes de qualité pour un fonctionnement sûr dans le cadre énergétique. » a déclaré la société de classification internationale DNV.