Si l’impression 3D revient aujourd’hui les pieds sur terre après une période de boom médiatique, elle suscite encore beaucoup de fantasmes sur ses réelles capacités. Un paradoxe, quand dans le même temps nombre d’entreprises effleurent tout juste le potentiel de cette technologie. Malgré la consolidation actuelle des usages et leur professionnalisation, il réside encore certains domaines d’applications où les effets d’annonces sont légions. C’est le cas du bioprinting, des armes à feu, mais aussi de la construction 3D. Dans ce secteur naissant où le nombre de projets a explosé depuis 2 ans, les chiffres les plus fantasques, notamment en terme de vitesse de construction sont régulièrement annoncées.
Certains projets de construction 3D soulèvent en effet de gros doutes quant à la véracité des performances. L’exemple le plus parlant est probablement celui du chinois Zhouda Group. En 2015, sa filiale Zhuoda New Material affirmait pouvoir imprimer une maison complète et bon marché en seulement 3 heures (câblage et plomberie comprise).
Malgré son manque de transparence, la société servie par un formidable coup de projecteur médiatique, était parvenue à lever pas moins de 10 milliards de yuans (1,57 milliard de dollars) auprès de plus de 400 000 investisseurs chinois. Les médias locaux avaient fini par émettre de sérieux doutes quand la société avait fait valoir un contrat pharaonique de 94 milliards $ avec la Russie. Un chiffre ubuesque qui représentait à lui seul le total des échanges commerciaux entre la Chine et la Russie en 2014…
Autant dire que lorsque plusieurs sociétés européennes spécialisées dans la construction, décident de se réunir pour créer un consortium pour l’ouverture d’une usine d’impression 3D béton, c’est une bonne nouvelle pour la crédibilité du secteur. Inauguré hier dans la ville d’Eindhoven aux Pays-Bas, ce site commercial et de production unique au monde, réunit deux poids lourds du secteur : BAM Infra et Saint-Gobain Weber Beamix.
« Au milieu des années 90, nous avions déjà commencé à imprimer du béton »
Le premier est une société néerlandaise de construction parmi les plus importantes du Pays. Filiale du géant du BTP Royal BAM Group, elle réalise aussi bien des maisons, des immeubles, des tunnels que des stades de football. Le second, Weber Beamix est une branche du Groupe Français Saint Gobain, le leader mondial des matériaux de construction. Depuis 1965, il est un acteur de premier plan de la construction résidentielle et non résidentielle.
Bas Huysmans, directeur général de Weber Beamix revient aux origines du partenariat : « Au milieu des années 90, nous avions déjà commencé à imprimer du béton, mais il n’y avait pas de marché pour cela. Ainsi, vingt ans plus tard, quelqu’un de l’Université de Technologie d’Eindhoven a frappé à la porte et voulions lancer un projet d’impression de béton, nous avons immédiatement été enthousiastes. »
A l’origine de ce rapprochement, le professeur Theo Salet de l’Université de Technologie d’Eindhoven explique : « Il y a quatre ans, j’ai lancé une étude sur l’impression 3D du béton. Je ne voulais pas faire ça tout seul, alors j’ai commencé à chercher des partenaires… Nous avons effectué des recherches scientifiques pouvant être appliquées directement dans le secteur de la construction. Le pas entre la recherche et la pratique est souvent très important dans le secteur de la construction. Maintenant, nous l’avons fait dans l’inverse. Bam-Infra et Beamix ont été impliqués dans la recherche depuis le début. C’est un bon exemple de parties qui ont trouvé un compromis entre la production et la recherche. »
« Nous espérons que la dernière des cinq maisons pourra être imprimée sur place »
Parmi les autres membres de ce consortium mentionnons également Bekaert, un entreprise à 5 milliards de dollars spécialisée dans les fils d’acier et de revêtements, Witteveen + Bos, un cabinet de conseil en ingénierie, un autre spécialiste de la construction dénommé Van Wijnen, et enfin l’Université de technologie d’Eindhoven.
Ces six partenaires ont déjà fait la démonstration de leur savoir faire en réalisant ensemble le premier pont pour cyclistes imprimé en 3D. Le prochain projet du consortium baptisé Project Milestone, vise à réaliser 5 maisons à étages par impression 3D. Elles devraient accueillir leurs premiers locataires en milieu 2019. L’objectif ultime est d’imprimer directement sur site.
« Les premières maisons du projet Milestone seront imprimées en plusieurs éléments en usine puis assemblées sur place. » Explique le professeur Theo Salet. « Nous espérons que la dernière des cinq maisons pourra être imprimée sur place, mais cela reste très difficile. Ici, il fait toujours 18 degrés et nous avons une humidité constante, mais à l’extérieur, vous ne pouvez pas contrôler cela. Par exemple, si la température tombe en dessous de 5 degrés, le béton ne durcira pas du tout… La vitesse d’impression est encore trop lente, il faudrait qu’elle soit dix fois plus rapide. Nous avons également beaucoup à gagner en matériaux. Nous pouvons penser à de nouveaux types de béton, par exemple de différentes couleurs, différentes armatures ou variantes légères. »
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