
À gauche de l’ivoire véritable, à droite le matériau Digory (crédits photo : Université technique de Vienne)
Les capacités de reproduction et de restauration de l’impression 3D en font un outil de plus en plus prisé par les métiers de l’histoire et de l’art. Bien qu’issus d’un domaine traditionnel, conservateurs de musée, archéologues ou encore restaurateurs d’oeuvres d’art, commencent à saisir les nombreux opportunités offertes par cette technologie en termes de sauvegarde et de partage des connaissances. La rapidité à laquelle évolue l’impression 3D et sa diversité de procédés, rendent difficilement compte de ses capacités dont beaucoup sous-estiment encore l’étendue. Preuve en est ce nouveau matériau d’impression 3D « Digory », une résine étonnante récemment dévoilée par Cubicure GmbH, capable d’imiter l’apparence de l’ivoire.
Cette société si vous ne la connaissez pas encore, est une jeune pousse autrichienne qui a développé une technologie d’impression 3D photopolymère baptisée Hot Lithography. Spin off de l’Université de Vienne TU Wien, elle fabrique aussi des résines sur-mesure et de très haute précision pour l’industrie. Forte de son expérience dans les matériaux similaires, des résines céramiques pour les applications dentaires, l’équipe de recherche, et deux autres partenaires – le Département d’art et de préservation des monuments historiques de l’archidiocèse de Vienne et du studio de restauration Addison KG – se sont lancés le défi de développer un matériau d’impression 3D pouvant reproduire les propriétés de l’ivoire.
L’idée des protagonistes comme chacun l’aura deviné, est d’offrir une alternative à l’ivoire récupéré sur les animaux et la menace l’extinction qu’il fait peser sur eux. On estime qu’aujourd’hui dans le monde, un éléphant meurt toutes les 15 minutes pour son ivoire.
« c’est une preuve supplémentaire de la diversité des applications possibles de la stéréolithographie »

Ornements du coffret à relique. À gauche la pièce originale en ivoire, à droite les reproductions imprimées en 3D (crédits photo : Université technique de Vienne)
Là où les solutions à base d’os et de plastique n’ont jamais été très concluantes, la résine Digory présenteraient des propriétés mécaniques et optiques étonnamment très proches de celles de l’ivoire. Des capacités telles, qu’un projet de restauration d’un coffret à relique conservé par une église en Basse-Autriche, est actuellement mené avec ce matériau. « Le projet de recherche a commencé avec un coffret du XVIIe siècle dans l’église paroissiale de Mauerbach », explique le professeur Jürgen Stampfl de l’Institut de science et technologie des matériaux de la TU Wien. « Il est décoré de petits ornements en ivoire, dont certains ont été perdus au fil du temps. La question était de savoir s’ils pouvaient être remplacés par la technologie d’impression 3D. »
Le secret de Digory résiderait en fait dans la présence de particules de phosphate de calcium et de poudre d’oxyde de silicium d’environ 7 µm de diamètre, mélangées à une résine spéciale. Le bon dosage de ces deux composants, associé au procédé d’impression 3D résine de Cubicure, permettrait d’obtenir un effet translucide, une propriété propre à l’ivoire. Pour reproduire parfaitement la couleur de l’ivoire mais aussi certains détails typiques comme les veines, les protagonistes expliquent qu’après que l’impression ait été poncée, un colorant à base de thé noir est appliqué sur les pièces.
« Avec nos systèmes d’impression 3D spécialement développés, nous traitons différentes formulations de matériaux pour des domaines d’application complètement différents, mais ce projet était aussi quelque chose de nouveau pour nous », conclut Konstanze Seidler de Cubicure. « En tout cas, c’est une preuve supplémentaire de la diversité des applications possibles de la stéréolithographie. »

Pièces d’échec imprimées avec la résine Digory (crédits photo : Université technique de Vienne)