Régulièrement citée pour ses exploits dans les secteurs de l’automobile, du médical et de l’aérospatial, la fabrication additive métallique commence à s’immiscer dans les pratiques des fabricants de luxe. L’arrivée de technologies inspirées du Mim, plus productives et simples d’utilisation que la plupart des procédés à fusion laser sur lit de poudre, eux mieux appropriés aux applications à performances mécaniques, intéressent particulièrement ce secteur. Sous-traitant français spécialisé dans les ornements et pièces métalliques de luxe, EAC a lui fait ce pari. Engagée depuis plusieurs années déjà à faire de l’impression 3D résine, cette PME innovante a fini par sauter le pas en acquérant il y a quelques mois une imprimante 3D métal à jet de liant. Pour découvrir les possibilités offertes par cette technologie et ses atouts dans ce secteur, Primante3D est allé à la rencontre de son dirigeant Patrick Chouvet.
« Nous sommes là où nous voulions être… On peut définitivement dire que nous imprimons le luxe ! »
Bonjour Patrick, pour ceux qui vous ne connaîtraient pas encore, pourriez-vous rappeler la genèse d’EAC et ses activités ?
J’ai racheté EAC en 2002, petite PME drômoise de 7 personnes et 1,2 million d’euros de CA. EAC est aujourd’hui un fabricant d’ornements métalliques qui emploie 75 personnes , réalise un CA d’un peu plus de 6 millions d’euros, reconnu dans le monde du luxe car :
– Intégrée verticalement de la conception BE a la fabrication intégrale du produit fini. Nous maîtrisons la découpe laiton, l’injection zamak et désormais l’impression de l’inox, le polissage manuel ou automatique de ces matières, le traitement de surfaces et leur décoration finale (email, collage, couture…)
– Très impliqués dans le développement de l’industrie 4.0 et particulièrement la fabrication additive.
– Nous évoluons et grandissons dans un environnement Eco responsable rejet zéro.
« Cela fait plus de 5 ans que nous travaillons sur la technique du metal bending jetting (MBJ) »
Près d’un an après notre dernier échange sur votre utilisation de l’impression 3D alors essentiellement dédiée à la réalisation de prototypes en résine, EAC a finalement sauté le pas de la fabrication additive métallique en faisant l’acquisition d’une Desktop Metal Production. Que pouvez-vous nous dire sur les différentes étapes qui vous ont conduits à cette décision ?
Afin de permettre à nos clients de concevoir et imaginer des pièces les plus esthétiques et design possible, nous avons fortement développé la technique de la fonte à cire perdue, technique ancestrale qui permet de se rapprocher un peu plus des possibilités quasi infinies de la fabrication additive. Tout cela pour dire qu’en attendant l’avènement de la fabrication additive, nous occupions avec succès le terrain de la création avec tous les outils à notre disposition.
L’arrivée de la solution Desktop MEtal a été soudaine et inattendue… et malgré la crise du Covid, EAC ne pouvait pas rester inactif… Cela fait plus de 5 ans que nous travaillons sur la technique du metal bending jetting (MBJ) et cette révolution ne pouvait pas démarrer sans EAC.
« nous évoluons dans le monde du luxe ou esthétique et créativité règne en maître »
Le marché offre aujourd’hui un large choix de technologies d’impression 3D métal. Quels sont les critères de sélection d’une entreprise comme la vôtre ?
Le choix en fait n’est pas si vaste…nous évoluons dans le monde du luxe ou esthétique et créativité règnent en maître. Proposer une technologie qui permet d’imprimer le métal sans supports, donc sans déformation de la pièce originale du fichier 3D, avec une précision au 10 ème est un atout majeur pour nos clients et pour nous qui devons ensuite polir et galvaniser la pièce pour la sublimer.
De la phase d’impression jusqu’au post-traitement pourriez-vous nous expliquer le fonctionnement caractéristique de la Desktop Metal Production ?
La production de l’unité de production Desktop Metal se fait en 4 étapes :
– Une étape d’impression qui dure 8 heures.
– Une étape de « curing » de 24 heures ou l’objectif est de consolider l’impression en durcissant les points de colle amalgamant la poudre.
– Une étape de « dépoudrage » pour définitivement ôter la poudre non agglomérée et la récupérer à 100% via un système de tamisage a ultrason. Tout le métal non consommé est ainsi recyclé et entièrement réutilisé.
– Enfin une étape de frittage de 40 h qui permet à la pièce de se consolider et à la poudre de s’amalgamer pour former une pièce uniforme avec des caractéristiques mécaniques performantes.
Quels sont les différents matériaux disponibles avec cette technologie ?
Nous travaillons sur l’inox 17-4 PH. Le 316L est annoncé prochainement et nous commençons un partenariat avec le CETIM et Desktop pour étudier l’opportunité d’introduire le laiton.
« aujourd’hui car l’expérience est primordiale pour piloter de telles unités de production »
Comment s’organise l’intégration d’un tel équipement ? On pense à l’installation de l’imprimante, mais aussi ses équipements périphériques et la formation du personnel.
Nous avons construit une usine dans l’usine. Une sorte de salle blanche climatisée ou l’imprimante et les étuves ont pris place. Nous avons une pièce pour le dépoudrage avec un système de ventilation performant et des consignes de sécurité strictes. Enfin une salle de cuisson ou tout un système de sécurité a été conçu et installé spécifiquement pour le contrôle des gaz utilisés lors de la cuisson/frittage des pièces. Il nous a fallu des mois pour concevoir l’architecture des lieux, la circulation du personnel pour une productivité maximale et l’espace nécessaire pour que tout se passe dans la plus grande sérénité et le confort de travail.
Nous coopérons encore régulièrement avec la médecine du travail et des préventeurs pour intégrer ces nouvelles machines et ces nouvelles technologies dans un cadre strict de sécurité et compatibilité avec les techniciens en charge de cette révolution technologique. Notre équipe est jeune, enthousiaste, car consciente qu’elle participe à l’avènement d’un nouveau monde ! Nous sommes entourés par des partenaires techniques de haut niveau et le support en particulier du groupe Desktop Metal qui investit beaucoup de temps et d’Energie à la réussite de ce projet. Cela fait 5 ans qu’EAC baigne dans l’industrie 4.0 et les nouvelles technologies de fabrication additive, cela nous est très précieux aujourd’hui car l’expérience est primordiale pour piloter de telles unités de production.
La matière première représente souvent une part importante dans le coût de revient d’une impression 3D. Que pouvez-vous nous dire sur cet aspect et le taux de recyclabilité des poudres ?
La poudre est chère en effet, mais le fait de ne gaspiller aucun gramme et de recycler 100% de la poudre non utilisée permet de vraies économies et de proposer de la production industrielle de pièces inconcevables auparavant pour un coût unitaire incroyablement bas si on se réfère par exemple à l’usinage, la fonte a cire perdue ou le décolletage. Pas de coûts d’outillages, une personnalisation à l’infini, une grande flexibilité/réactivité nous donnant la possibilité de mixer des pièces différentes pour des clients différents pour optimiser la productivité d’une même box d’impression, tout cela permet d’affûter les coûts de revient.
« une grande flexibilité/réactivité nous donnant la possibilité de mixer des pièces différentes pour des clients différents »
Après plusieurs mois d’utilisation quels sont les bénéfices que vous avez pu constater avec cette technologie ?
Nous sommes là où nous voulions être : L’avant-garde de la technologie 4.0 au service de la créativité de nos clients. On peut définitivement dire que nous imprimons le luxe ! cela nous a ouvert un champ des possibles en terme de créativité et offre produit qui séduit et intrigue nos clients et qui attirent les designers et les entreprises férues de High Tech qui ont bien compris la puissance de cette nouvelle technologie. Participez à cette aventure a renforcé l’esprit d’équipe et la fierté des employés, cela se ressent au quotidien et cela porte l’entreprise.
À combien avez-vous estimé la durée d’amortissement de cet équipement ?
Compte tenu des sommes importantes en jeu et afin de ne pas plomber les coûts de revient pour mettre cette technologie à la disposition du plus grand nombre de clients, nous sommes partis sur 10 ans.
Que pouvez-vous nous dire sur la part que représente déjà l’impression 3D métallique dans vos activités et vos ambitions sur le marché ?
Je n’en dirai pas trop…tout ce que nous pouvons faire avec nos clients reste chez EAC…mais l’avenir est prometteur …