Associé à certain savoir faire, celui de l’artisanat et des techniques de fabrication traditionnelles, le monde du luxe fait lui aussi sa révolution numérique en s’ouvrant à l’impression 3D. Dans un secteur synonyme de petite série où l’unicité prime, la fabrication additive apporte sa personnalisation et sa grande liberté de design. Aux formes plus complexes s’ajoute aussi une plus grande réactivité, sans oublier des économies significatives grâce à des délais de conception améliorés. EAC, sous-traitant français de Bourg-de-Péage spécialisé dans les ornements et les pièces métalliques de luxe, compte parmi ces fabricants pour qui l’impression 3D est devenue un procédé à part entière et incontournable. Pour comprendre comment cette entreprise a su intégrer cette technologie et l’adapter à ses procédés, Primante3D a interrogé son dirigeant Patrick Chouvet.
« Désormais, nous imprimons près de 95% de nos prototypes en résine. Cela nous permet de gagner beaucoup de temps de prototypage… »
Patrick Chouvet bonjour, quel a été votre parcours avant votre arrivée à EAC ?
Diplômé d’école de commerce j’ai exercé toutes les fonctions dans des entreprises PME intermédiaires françaises et américaines de responsable export, à directeur export, directeur commercial puis directeur général avant de décider en 2001 de franchir le pas et de diriger ma propre structure.
Spécialisée dans la fabrication d’accessoires métalliques pour les marchés de la chaussure et de la maroquinerie depuis 1992, EAC s’est progressivement repositionnée sur d’autres domaines, notamment l’industrie du luxe. Parlez-nous de cette transition.
Lors de la reprise d’EAC, nous étions 7 dans un local de 400 m2 obsolète…il a donc fallu tout reconstruire et renouveler aussi bien la stratégie commerciale que l’organisation industrielle… pour aujourd’hui compter 75 employés et l’équivalent de 4000 m2 de bâtiments (3 sites industriels dont un en Roumanie)… tous ces investissements tournés vers la qualité et la recherche de l’excellence ont un coût et il fallait trouver de nouveaux marchés… Compte tenu de la mondialisation, le créneau ou la France pouvait continuer d’exceller était le monde du Luxe et pas le monde du mass market ou la concurrence internationale à bas coût nous aurait freiné.
« un esthétique puissant et sans cesse renouvelé sans pour autant augmenter les prix de façon délirante »
Depuis maintenant trois ans EAC utilise l’impression 3D. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
La volonté de proposer à nos clients de nouvelles formes, un esthétique puissant et sans cesse renouvelé et renouvelable et valorisant sans pour autant augmenter les prix de façon délirante et inappropriée à nos marchés
Quelles technologies d’impression 3D utilisez-vous et pour quels types d’applications ? Donnez-nous quelques exemples.
Nous sommes partis sur la stéréolithographie résine en attendant de maitriser les nouvelles technologies d’impression métal. Aujourd’hui nous sommes très avancés dans le jet métal binding qui est la technologie la plus appropriée au monde du luxe. Désormais, nous imprimons près de 95% de nos prototypes en résine. Cela nous permet de gagner beaucoup de temps de prototypage avec une réduction des délais de conception d’environ 50 %, et de réaliser des pièces plus complexes, avec plus de détails. Quant à l’impression 3D métal, nous sommes encore en phase de recherche et développement.
« On doit penser ajouter de la matière et non plus en enlever…ce que la plupart des clients n’ont pas l’habitude de penser et voir »
Dans quels cas l’impression 3D devient-elle pertinente pour des pièces d’utilisation finale ?
Dès lors qu’on veut donner des formes et un rendu relief cela peut se justifier mais l’idéal serait d’avoir des clients qui pensent 3D et voient 3D ce qui n’est pas évident du tout…avoir à disposition une telle technologie sans s’en servir vraiment, à savoir en créant de vrais pièces 3D je trouve cela dommage… On doit penser ajouter de la matière et non plus en enlever…ce que la plupart des clients n’ont pas l’habitude de penser et voir. Avec la 3D il n’y a plus de limites à la créativité.
Beaucoup d’entreprises sont perdues devant la masse d’informations disponible sur l’impression 3D. Quelle a été votre démarche pour sélectionner votre technologie ?
De la veille technologique, de la prise d’informations, des formations, de l’échange avec des utilisateurs plus aguerris, des professionnels puis définir ses besoins et les produits finaux qu’on veut créer par rapport à l’attente de ses clients…tous ces éléments vont permettre de définir nos besoins technologiques et investir…c’est en tombant qu’on apprend à marcher surtout en 3D !
« il aura bien fallu 12/18 mois avant que chacun comprenne l’intérêt et la complémentarité à travailler ensemble »
Quel impact l’arrivée de la 3D a-t-elle eu dans votre organisation, et comment votre ancien personnel formé sur des techniques traditionnelles, a-t-il accueilli ce nouveau procédé ?
La transition fut douloureuse… car les anciens, les manuels et les techniciens des techniques classiques ont eu beaucoup de mal à côtoyer les rois de la souris et de l’écran… On pourrait dire que cela fut le même ressenti dans le sens inverse puisque les secrets de fabrication des anciens et leur savoir-faire pour produire de belles pièces ne se transmettent pas via l’informatique… on peut dire qu’il aura bien fallu 12/18 mois avant que chacun comprenne l’intérêt et la complémentarité à travailler ensemble pour qu’à l’arrivée chacun contribue à fabriquer des produits de plus en plus sophistiqués et originaux.
Parmi vos derniers projets, il y a cette collaboration avec l’artiste sculpteur Cyril Maccioni. En quoi consiste-t-elle ? Quelles sont les différentes étapes de fabrication ?
Dans le but de gagner en visibilité et d’accroitre notre notoriété, nous avons décidé à la rentrée 2019, de lancer une collaboration avec un sculpteur renommé. Cyril Maccioni, un artiste Corse, a directement adhéré au projet et a gentiment accepté de collaborer avec nous. Le projet consiste à numériser une œuvre de l’artiste, en l’occurrence une statue de gorille, afin d’en obtenir un fichier numérique 3D. Grâce à ce fichier numérique, nous avons pu imprimer en 3D l’œuvre originale, dans un format beaucoup plus petit, capable de tenir dans la main.
Après avoir imprimé ce mini-gorille, nous lui avons fait subir les différentes étapes classiques de traitement de surface, à savoir le polissage etc. L’innovation chez EAC, c’est que nous sommes capables de métalliser la surface des pièces en résine plastique, issues des imprimantes 3D. Une fois que les pièces ont été métallisées, nous les envoyons en galvanoplastie, où elles reçoivent leur traitement en métal précieux. C’est ainsi que nous obtenons un mini gorille avec un cœur en résine plastique, et une peau en métal précieux.
« Nous attendons avec impatience l’avènement de l’impression 3D métal »
Plus largement, comment voyez-vous évoluer l’impression 3D dans l’industrie luxe dans les années à venir ?
Nous attendons avec impatience l’avènement de l’impression 3D métal… qui lorsqu’elle sera plus démocratique et accessible à tous va révolutionner notre monde des ornements métalliques. Aujourd’hui nous développons des techniques révolutionnaires (la métallisation des résines) ou faisons évoluer des arts traditionnels pour compenser le manque de compétitivité et de productivité des imprimantes 3D métal actuelles.
Nous investissons actuellement énormément dans l’apprentissage de ces nouvelles technologies afin d’être précurseur et fin prêt lorsque ce nouveau monde sera prêt à démarrer.