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Nano Dimension : interview exclusive avec le leader de l’impression 3D électronique

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Avec le bioprinting, l’impression 3D appliquée à l’électronique est sûrement l’une des plus belles promesses de cette technologie. Sur ce segment très nouveau, un nom défraye régulièrement l’actualité, celui de « Nano Dimension ». Véritable pionnier dans ce domaine, cette start-up israélienne a repoussé les limites de l’impression 3D en développant une machine capable d’imprimer des circuits électroniques complets. Dénommée Dragonfly 2020, cette imprimante 3D PCB à l’allure futuriste, promet de bousculer les codes de l’industrie électronique. CEO et co-fondateur de Nano Dimension, Amit Dror nous livre les secrets de sa technologie d’impression 3D.

« Le but est d’offrir à des ingénieurs en électronique une solution qui réduit le temps nécessaire pour produire des prototypes PCB »

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Amit Dror

Amit Dror bonjour, pourriez-vous vous présenter et définir votre rôle chez Nano Dimension ? Parlez-nous un peu de votre parcours.

Je suis le PDG et co-fondateur de Nano Dimension. Mon parcours professionnel a commencé il y a 20 ans lors de mon service militaire dans l’armée israélienne où je faisais partie d’une unité technologique. Par la suite j’ai évolué dans des entreprises israéliennes de hautes technologies qui fournissaient des services de télécommunications partout dans le monde, également chez France Telecom et SFR. Quand vous êtes âgé de 20 ans et confronté à des projets technologiques que vous devez exécuter, on apprend que tout est possible et vous apprenez à vous connaître. Maintenant que je gère une entreprise NASDAQ, je dois faire face à de nombreux défis qui exigent de prendre des décisions rapides, et ce même si je n’ai pas toujours toutes les informations. C’est stimulant et j’adore ça.

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Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu parler d’impression 3D ? Quel a été votre premier sentiment ?

Il y a à peu près 10 ans mais ce n’était pas de la vraie fabrication additive, mais une imprimante qui sculptait une forme dans un bloc de mousse. À l’époque, ce concept me semblait comme de la science-fiction. Mais quand je regarde ce qui s’est fait dans l’industrie de l’impression 3D au cours de la dernière décennie, l’évolution est étonnante.

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Lena Kotlar, chef designer de Nano Dimension

À l’image du design futuriste de sa machine, Nano Dimension fait presque figure d’ovni dans le paysage de l’impression 3D. Depuis maintenant 2 ans, votre projet suscite beaucoup de questions. Quelle est la genèse de votre entreprise et qui sont ses protagonistes ?

J’ai fondé la compagnie avec mes 3 collègues Dagi Ben-midi (COO), Sharon Fima (CTO) et Simon Fried (CBO) il y a deux ans, après une période durant laquelle nous avons travaillé ensemble à fournir des services techniques associés au design mécanique et matériaux spéciaux. Nous recherchions une application perturbatrice unique, mais qui serait aussi un obstacle à la concurrence  Il y avait un matraquage publicitaire de l’impression 3D et nous avons vu beaucoup de nouvelles imprimantes cool. Le problème est que la plupart d’entre elles étaient destinées au marché du consommateur et nous supposions que la barrière de la PI (propriété intellectuelle) était trop fragile. C’est ainsi que nous en sommes venus à penser à l’impression professionnelle 3D pour l’électronique. Combinant les nanos matériaux de pointe avec la technologie avancée du jet d’encre

Finalement, Sharon, notre directrice technique, est arrivée avec l’idée de rendre les avantages de l’impression 3D accessible au monde de l’électronique professionnelle. Le défi était très élevé, mais nous avons pensé qu’il était réalisable. Le but est d’offrir à des ingénieurs en électronique une solution qui réduit le temps nécessaire pour produire des prototypes PCB. Les possibilités sont exaltantes… Actuellement, les quatre fondateurs sont des gestionnaires de niveau C pour Nano Dimension et nous avons plus de 60 employés. Outre l’impression PCB, nous avons même imprimé des tissus humains (Bioprint) il y a quelques semaines.

« DragonFly2020 est basée sur la technologie jet d’encre et les nanos matériaux avancé »

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Dites-nous en plus sur votre machine. Quel est son volume de fabrication ? Combien de temps faut-il pour imprimer une carte PCB ?

L’imprimante 3D DragonFly2020 est basée sur la technologie jet d’encre et les nanos matériaux avancés. Elle est destinée à produire des cartes de circuits imprimés multicouches pour l’électronique professionnelle. Les encres sont à base de nanos matériaux, nous avons notre encre en argent conductrice et de l’encre diélectrique. Les deux ont des formulations uniques mises au point dans notre département de nano chimie. Considérant que les cartes PCB haut de gamme contenaient 10 couches de traces conductrices, c’est le travail d’une nuit, à raison d’une heure d’impression par couche. Le DragonFly2020 prend en charge une superficie de 20cm sur 20cm par couche, jusqu’à 3mm de hauteur, ce qui signifie qu’en général le nombre de couches n’est pas limité.

« ce qui peut prendre des semaines à faire aujourd’hui, ne prend que quelques heures avec la DragonFly2020 »

La fabrication d’une carte imprimée (ou PCB) est une opération complexe. Pour que chacun puisse bien mesurer le caractère disruptif de votre technologie, comment les fabrique t-on habituellement et en combien de temps ? Quels sont les avantages mais aussi les limites de votre technologie par apport à ces techniques conventionnelles ?

Normalement la fabrication d’un PCB nécessite de nombreuses étapes, avec de nombreuses heures de travaille, de surcroît très mauvaise pour l’environnement. C’est comme ça au moins pour les prototypes. La fabrication d’un circuit imprimé est complexe, nécessitant une grande précision pour chaque largeur de trace (~ 100 microns), tout en respectant les propriétés fonctionnelles : conductivité et diélectrique.

Le but est d’offrir à des ingénieurs en électronique une solution qui réduit le temps nécessaire pour produire des prototypes PCB. Ce qui peut prendre des semaines à faire aujourd’hui, par des vendeurs intermédiaires, ne devrait prendre que quelques heures avec la DragonFly2020. Elle est également destinée à un usage interne, ce qui signifie que les utilisateurs peuvent protéger leur propriété intellectuelle sans avoir à la partager avec les fournisseurs PCB pendant la phase de développement d’un produit.

À quelles difficultés majeures avez-vous été confrontées dans le développement de votre technologie ? Etait ce plutôt sur la partie mécanique, matériau, ou logiciel ? Parlez-nous de votre partenariat avec SolidWorks.

Tous les aspects du développement ont été compliqués. L’imprimante 3D demande des conditions spécifiques liées aux PCB comme le frittage de 2 matériaux différents, qui ont chacune des propriétés très différentes, l’un étant diélectrique et l’autre conducteur. Cela n’existe pas dans les autres imprimantes 3D que nous avons examinées. Les matériaux doivent simuler les matériaux de l’industrie. Nous avons dû inventer un matériau diélectrique qui peut résister à des températures de plus de 300c afin de soutenir le processus de refonte et d’assemblage des composantes électroniques du panneau.

Il fallait s’assurer que notre encre argentée simule les propriétés du cuivre qui est le principal matériau utilisé dans l’industrie de l’électronique. Même le développement du software n’a pas été simple… Aucun logiciel connu n’était jusqu’à aujourd’hui capable de  convertir les fichiers design au format GERBER PCB pour l’impression. Toutes ces difficultés que nous avons résolues nous ont aussi permis de créer plusieurs nouveaux brevets.

SolidWorks est une entreprise qui encourage l’innovation et dans le cadre de sa démarche, ils interviennent pour permettre à leurs clients, qui sont des designers, de faire des designs PCB avec des objets, jusqu’à un certain point. Naturellement l’imprimante 3D de Nano Dimension offre une approche similaire en permettant aux professionnels de faire de l’impression 3D sur ce genre designs. Il est naturel que les entreprises qui partagent la vision de la fabrication additive, qui combine objets et l’électronique, se soutienne mutuellement de façon complémentaire.

« Nano Dimension se concentre sur la création d’une solution pour les professionnels »

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Quels sont vos atouts par rapport à vos concurrents ? Je pense notamment à Chemcubed, Squink, Voltera, Optomec ou dans un autre registre Voxel8.

Nano Dimension se concentre sur la création d’une solution pour les professionnels. Les résolutions très précises et la performance électronique très spécifique de nos matériaux sont notre principal atout. Notre solution permet d’imprimer précisément et rapidement avec plusieurs matériaux qui sont compatibles avec les autres process standardisés dans la fabrication des PCB par exemple… et notre polymère supporte des très hautes températures, jusqu’à 300 C°.

Voxel8 a développé un système pour créer des objets avec une capacité électronique mais ça n’est pas une solution pour fabriquer les PCB. ChemCubed peut imprimer des circuits mais les performances de leurs matériaux ne répondent pas aux besoins des ingénieurs électroniques.

AGcite

Parlons des caractéristiques et des atouts de vos encres conductrices, votre gamme AgCite et celle à base de cuivre. Quelles est leur conductivité et leur résolution ? Avec quels substrats sont-elles compatibles ?

AgCite est un encre à base de nano-argent (Argent = Ag) que nous avons développée avec une licence technologique de l’université de Jérusalem, pour nous permettre d’imprimer très précisément avec une très haute conductivité. Ça nous permet d’imprimer des traces jusqu’à 90 microns de largeur. L’encre est compatible avec plusieurs types substrats, des fois c’est mieux d’utiliser un « prime »’ ou « coating » mais tout dépend du process et du substrat. L’impression d’un circuit professionnel nécessite des niveaux très élevés de conductivité et de contrôle d’impédance.

Ces capacités doivent faire partie des matériaux, conducteurs et diélectriques. Nos encres AgCite à base d’argent sont désormais une technologie mature qui offre une conductivité de classe mondiale pour permettre l’impression de fines traces fonctionnelles. Elle permet également le soudage. La conductivité très élevée du cuivre + de 70%) du cuivre permet d’imprimer de fines traces encore suffisamment conductrices pour être fonctionnelles. Nano Dimension travaille également sur d’autres encres métalliques ce qui permettrait une impression moins couteuse, mais ces technologies ne sont pas encore mature.

« nous avons soumis plus de 10 brevets en moins de 2 ans »

En février 2015, Nano Dimension a déposé une demande de brevet portant sur un système de recyclage d’encre et de refroidissement des têtes d’impression, qui par chance a été acceptée en un temps record (octobre 2015)… Que pouvez-vous nous dire sur ce système ?

La nécessité de surmonter les défis pousse nos ingénieurs a apporter des modifications mécaniques à l’imprimante tout en améliorant nos modèles. Alors que les encres Nano sont conservées à température ambiante, nous sommes tenus de les fritter une fois imprimées. La température change constamment et il était impératif de trouver une solution pour contrôler la température afin d’optimiser la vitesse et le processus de frittage.

Ce défi n’existe pas nécessairement pour d’autres imprimantes qui utilisent un seul type de matériau. La nécessité de résoudre ce problème nous a menés à déposer un nouveau brevet tellement différent qu’il a été approuvé en moins d’un an. En fait, . La propriété intellectuelle et les brevets font partie de divers domaines: software, mécanique et matériaux.

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Le design très futuriste de la Dragonfly 2020, tient aussi une part importante dans la médiatisation de votre technologie. Quelle est la genèse de cette esthétique ?

Notre chef-designer, Lena Kotlar, avait plusieurs concepts à étudier. Nous sommes très influencés par les voitures de sport. Mais le plus important est de se rappeler que les gens utilisent cette imprimante et qu’elle fait partie de leur environnement. Elle doit convenir à n’importe quel environnement et rendre les gens à l’aise avec elle.

Lena a rejoint notre équipe juste après avoir obtenu son diplôme de la Bezalel Academy of Arts and Design. Nous croyons qu’un produit, quel qu’il soit, fait partie de son environnement et qu’il l’affecte. Il était très important que tout ce que nous faisions soit examiné pour répondre aux besoins de nos utilisateurs, tant sur le plan fonctionnel que visuel. Nous sommes très fiers de notre designer en chef qui travaille d’ailleurs à nos futurs designs.

Pour le moment la machine a été livrée aux premiers clients bêta… Quand sera t’elle commercialisée et à quel prix  ?

L’imprimante est un système complexe et multidisciplinaire, mais elle doit également fonctionner de manière fiable et être facile d’utilisation. Le monde de l’électronique est également beaucoup plus exigeant que les applications 3D régulières telles que l’impression d’objets mécaniques, comme un PCB qui doit toujours être toujours. Le moindre défaut signifie que le circuit n’est bon à rien.

Pour cette raison, nous sommes très concentrés sur les essais et l’assurance qualité pour l’imprimante ainsi que pour le matériel et les logiciels. Notre stade actuel de développement signifie que ce sont sur ces questions que nous nous concentrons présentement, certaines d’entre elles avec les partenaires de l’industrie et certaines autres à l’interne. Les premières livraisons commerciales devraient débutées fin 2016 mais le prix n’est pas encore publique.

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Imprimante 3D Dragonfly 2020

Aujourd’hui où en êtes-vous dans votre plan de financement ? Entre les subventions et les investisseurs privés, Nano Dimension ne semble avoir aucune difficulté à lever des fonds… ?

Nano Dimension a réussi à créer un intérêt positif parmi les investisseurs et reçoit un niveau élevé de confiance qui lui a permis de devenir une société NASDAQ (NNDM) malgré qu’elle soit une société émergente en pleine croissance. Il est très clair que mener la révolution de la fabrication additive dans le monde de l’électronique est un énorme marché et donc les attentes des investisseurs de Nano Dimension sont élevés. Cela permet à l’entreprise de gérer l’apport de fonds d’une manière qui soutien sa croissance rapide et son développement.

*crédits photo : Nano Dimension

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*tous les crédits photos : Nano Dimension

Alexandre Moussion