Si l’impression 3D de médicaments en est encore à un stade précoce de son développement, les initiatives se multiplient. Au point même de franchir les portes des hôpitaux. Convaincu du potentiel de cette méthode pour apporter des traitements personnalisés qui soient mieux adaptés aux profils des patients, à Barcelone, le service de pharmacie de l’hôpital universitaire Vall d’Hebron, s’apprête à traiter des enfants avec des médicaments imprimés en 3D.
Dans les prochaines semaines, un essai clinique sera lancé pour tester l’efficacité, la tolérabilité et le niveau d’acceptation de ces médicaments. Première du genre en Europe, cette étude est le résultat d’une collaboration entre le Service de pharmacie du Vall d’Hebron, l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle et la société FabRx. Basée en Grande-Bretagne, c’est cette dernière qui a développé l’imprimante 3D.
En se souvient qu’en 2017 l’entreprise avait lancé une campagne sur Kickstarter, avec l’idée d’adapter la Magic Candy Factory, une imprimante 3D de bonbons développée par une boutique de confiseries allemande, Katje, en une imprimante 3D pour médicaments.
Rappelons que l’impression 3D de médicaments n’est pas quelque chose de nouveau. En 2015, Aprecia Pharmaceuticals avait reçu la validation de l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA), pour son comprimé Spritam. Le premier médicament conçu à l’aide d’une imprimante 3D. Le dernier événement marquant dans ce domaine s’est produit en 2020. Le géant de l’industrie pharmaceutique Merck, et son homologue AMCM, ont conclu un accord de coopération visant à faire de l’impression de médicaments en 3D.
Au regard des nombreux progrès que l’impression 3D a déjà permis de réaliser en termes de médecine personnalisée dans le domaine des prothèses et des implants, les médicaments, (mais aussi bien sûr la bioimpression), apparaissent comme l’un des trophées ultimes qu’il reste encore à accrocher à son palmarès. La raison pour laquelle l’impression 3D de médicaments suscite autant d’espoir et d’engouement, est qu’elle présente de nombreux avantages.
Le premier étant pouvoir fabriquer des médicaments avec des dosages personnalisés adaptés aux profils des patients. En effet, selon Multiply Labs, un fabricant spécialisé dans les filaments pharmaceutiques pour la fabrication de gélules en 3D : « Actuellement, les médicaments sont développés spécialement pour les hommes adultes blancs, ce qui signifie que toutes les femmes et tous les enfants ont une prescription excessive pour leur corps. »
Le haut niveau de personnalisation qui caractérise l’impression 3D pourrait solutionner cette problématique en permettant une meilleure prise en charge de l’individualité des patients. Cela pourrait signifier de nombreux progrès sur le dosage personnalisé des médicaments, mais aussi faciliter la vie des patients en leur évitant certaines contraintes telles que la polymédication. Une situation qui décrit le fait de prendre plusieurs médicaments dans une journée (plus de cinq). Un phénomène qui touche essentiellement les personnes âgées, car souvent touchées par plusieurs pathologies à la fois. Avec la fabrication additive, les pharmaciens seraient en mesure de combiner plusieurs médicaments en une seule pilule.
« De plus, le goût, l’odeur et la couleur peuvent être modifiés parmi plusieurs options selon la préférence de chaque enfant »
L’ambition de Vall d’Hebron et de ses partenaires est de créer des médicaments aux doses personnalisées en fonction du poids et des caractéristiques cliniques de l’enfant. Par sa liberté de conception, l’impression 3D permet de s’adapter au patient en produisant des médicaments semblables à des bonbons gélifiés. Imprimés à partir du principe actif associé à des excipients adaptés, les comprimés auront la forme de semi-solides à croquer. Ce qui facilite également la déglutition.
« Jusqu’à présent, ce sont les familles qui doivent doser le médicament en mesurant le volume de sirop, mais cette nouvelle méthode est beaucoup plus pratique et évite d’éventuelles erreurs dans la dose administrée« , explique le Dr Maria Josep Cabañas, chef de la section de pharmacie de l’hôpital pour enfants et de l’hôpital pour femmes de Vall d’Hebron et chercheur du groupe de pharmacie fondamentale, translationnelle et clinique de l’Institut de recherche de Vall d’Hebron (VHIR).
L’essai clinique vise également à évaluer si les médicaments 3D augmentent l’acceptabilité et améliorent l’expérience des mineurs qui doivent prendre des comprimés. Sont tout particulièrement concernés les patients atteints de pathologies chroniques et qui nécessitent un traitement quotidien, ainsi que de leurs familles et soignants. « Les sirops peuvent parfois avoir un goût désagréable et, à la place, nous avons travaillé pour que les médicaments imprimés aient un goût qui masque l’ingrédient actif » , explique le Dr Cabañas. « De plus, le goût, l’odeur et la couleur peuvent être modifiés parmi plusieurs options selon la préférence de chaque enfant. »
L’autre atout de l’impression 3D mis en avant par Vall d’Hebron, est que le transport s’en trouve également facilité. Ne nécessitant pas de conservation au réfrigérateur, les médicaments peuvent donc être pris à l’extérieur. Un gain de sécurité et de confort de vie pour les patients et leurs familles.
Si l’on ignore encore la nature du traitement, on sait qu’au total ce sont 30 enfants et adolescents âgés entre 6 et 18 ans qui ont été sélectionnés pour participer à cet essai clinique. Pendant trois mois, ils recevront la nouvelle formulation imprimée en 3D qui sera comparée à la formulation standard.