Accueil » Matériaux » Des scientifiques impriment en 3D des aimants liquides

Des scientifiques impriment en 3D des aimants liquides

Réseau de gouttelettes magnétiques de 1 millimètre : Les vertes fluorescentes sont paramagnétiques sans nanoparticules bloquées à l’interface liquide; les rouges sont paramagnétiques avec des nanoparticules non magnétiques bloquées à l’interface; les brunes sont ferromagnétiques avec des nanoparticules magnétiques bloquées à l’interface. (Crédit: Xubo Liu et al./Berkeley Lab)

Une équipe de chercheurs du Laboratoire américain Berkeley déclare avoir mis au point un nouveau matériau qui permettrait l’impression 3D de liquides magnétiques permanents. Selon les auteurs de l’étude publiée le 19 juillet dernier dans Science, cette découverte pourrait ouvrir la voie à un certain nombre d’applications innovantes, comme des composants électroniques flexibles ou de cellules artificielles capables d’administrer des traitements médicamenteux ciblés aux cellules cancéreuses.

Les rares innovations portant sur l’impression 3D magnétique se limitaient jusqu’alors au développement de filaments. La première du genre remonte à 2016 avec le lancement d’un filament Ferro-Magnetic PLA développé par Graphene 3D Lab. Composé de PLA et de particules de fer, celui-ci permet d’imprimer toutes sortes de composants ferromagnétiques.

Pour fabriquer ce nouveau matériau aux propriétés étonnantes, à la fois liquide et magnétique, les scientifiques Tom Russel et Liu Xubo, expliquent avoir utilisé une imprimante 3D modifiée combinée à des ferrofluides. La présence d’oxyde de fer dans ces solutions liquides les rend très magnétiques en présence d’un autre aimant.

Une technique d’impression 3D développée avec un autre chercheur du nom de Joe Forth a permis d’imprimer des gouttelettes de 1 millimètre à partir d’une solution de ferrofluide contenant des nanoparticules d’oxyde de fer de seulement 20 nanomètres de diamètre.

« les gens avaient toujours supposé que les aimants permanents ne pouvaient être fabriqués qu’à partir de solides »

Des nanoparticules d’oxyde de fer à aimantation permanente gravitent l’une vers l’autre en parfaite harmonie. (Crédit: Xubo Liu et al./Berkeley Lab)

C’est en utilisant des techniques de chimie de surface et de microscopie que l’équipe de scientifiques a découvert que les nanoparticules formaient une coque ressemblant à un solide à la jonction des deux liquides. Un phénomène appelé « brouillage interfacial » ferait que les nanoparticules seraient naturellement amenées à la surface de la gouttelette, « comme les murs qui se rejoignent dans une petite pièce pleine de monde« , explique Russell.

Pour les rendre magnétiques, les protagonistes ont exposé les gouttelettes à une bobine magnétique. Si comme prévu les nanoparticules d’oxyde de fer ont toutes été attirées vers elle, un phénomène beaucoup plus inattendue c’est produit au moment du retrait de la bobine. Les gouttelettes ont commencé à graviter l’une vers l’autre pour bouger parfaitement à l’unisson « comme de petites gouttelettes dansantes« , a déclaré Liu, chercheur diplômé à la division Science des matériaux de Berkeley Lab et doctorant à l’université de chimie de Beijing. Ils avaient réussi à créer des aimants liquides permanents ! « Nous ne pouvions presque pas y croire », a déclaré Russell. « Avant notre étude, les gens avaient toujours supposé que les aimants permanents ne pouvaient être fabriqués qu’à partir de solides. »

Les milliards de nanoparticules d’oxyde de fer qui forment surface solide autour de chaque gouttelette liquide, ne seraient en réalité séparées chacune que de 8 nanomètres. Grâce à des mesures de magnétométrie, les scientifiques ont également constaté que les propriétés magnétiques des gouttelettes étaient préservées. Et cela même si les gouttelettes étaient divisées en gouttelettes plus petites et plus minces de la taille d’un cheveu.

Tom Russel et Liu Xubo disent vouloir poursuivre leurs recherches au Berkeley Lab et d’autres laboratoires nationaux afin de développer des aimants liquides encore plus complexes. Il est question de cellules artificielles liquides imprimées en 3D et de systèmes robotique miniatures qui pourraient se déplacer comme une hélice pour livrer des traitements médicamenteux aux cellules malades.

Le laboratoire Lawrence-Berkeley n’en est pas à ses premiers travaux sur les matériaux d’impression 3D liquides. En mars 2018, une autre équipe de scientifiques avaient mis au point une méthode d’impression 3D capable de fabriquer des structures entièrement liquides.

Alexandre Moussion