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La justice ordonne à Nano Dimension d’achever sa fusion avec Desktop Metal

décision de justice concernant la fusion de Desktop Metal et Nano Dimension

Bien que l’analogie du mariage soit souvent utilisée pour décrire les fusions et acquisitions d’entreprises, ces opérations sont rarement aussi idylliques qu’elles n’y paraissent, à fortiori des changements de direction vient entraver la lune de miel.

C’est précisément la situation dans laquelle se trouve Nano Dimension, le spécialiste israélien de l’impression 3D électronique. Après avoir tenté de fusionner avec Desktop Metal, l’entreprise se retrouve désormais plongée dans un contentieux judiciaire. Le fabricant d’imprimantes 3D métalliques accuse Nano Dimension d’avoir délibérément cherché à ralentir l’avancée du processus de fusion.

Le dernier rebondissement dans cette affaire a eu lieu ce 24 mars 2025, lorsque la Cour de chancellerie du Delaware, l’un des tribunaux commerciaux les plus influents des États-Unis, a rendu son verdict en faveur de Desktop Metal.

La cour a estimé que Nano Dimension a violé les termes du contrat d’acquisition et a rejeté ses demandes « reconventionnelles », c’est-à-dire ses tentatives de contre-attaquer juridiquement en réclamant des réparations ou des sanctions contre Desktop Metal. Selon l’arrêt, Desktop Metal avait respecté l’intégralité de ses obligations contractuelles.

« Dans son avis et son ordonnance rendus après le procès le 24 mars, la Cour a conclu que Nano avait violé substantiellement l’accord de fusion, a rejeté ses demandes reconventionnelles et a accordé à Desktop Metal une exécution spécifique. » A communiqué Desktop Metal. « La Cour a ordonné que, dans les 48 heures suivant son ordonnance, Nano accepte et signe un accord de sécurité nationale avec le Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis, seule condition restante à la finalisation de la fusion. La Cour a également ordonné que si la finalisation n’a pas eu lieu d’ici le 31 mars 2025, la date d’expiration prévue par l’accord de fusion pourra être prolongée, à la discrétion de Desktop Metal, jusqu’à la finalisation de la fusion. La décision de la Cour constitue un jugement définitif sur les demandes d’exécution spécifique, ce qui la rend immédiatement susceptible d’appel devant la Cour suprême du Delaware en vertu de l’article 54(b) du Règlement de la Cour de chancellerie. »

« Nano Dimension estime que cette action en justice n’est « rien de plus qu’une tentative de Desktop Metal d’empêcher la Société d’exercer ses droits en vertu de l’Accord de fusion… »

Nano Dimension, Desktop Metal

Dans sa décision, la Cour enjoint également l’entreprise israélienne à verser l’intégralité du prix d’acquisition par action, tout en lui interdisant de résilier l’accord ou de prendre toute mesure susceptible d’entraver l’exécution de ses engagements ou de compromettre sa capacité à respecter ses obligations.

Un « rappel à l’ordre » qui intervient dans un contexte instable pour Nano Dimension, qui doit faire face à d’importantes réorganisations internes. Suite à l’assemblée générale annuelle de 2024 et à une décision récente de la justice israélienne, la société avait subi des changements majeurs au sein de son conseil d’administration.

Pour rappel, le nouveau conseil d’administration est désormais composé de quatre membres : Ofir Baharav, nommé président, Robert Pons, le Dr Joshua Rosensweig, président du comité d’audit, et Kenneth Traub. Six anciens administrateurs, dont le Dr Yoav Nissan-Cohen, ont démissionné après que le tribunal ait validé l’assemblée générale extraordinaire de mars 2023, initialement contestée par les actionnaires.

La fronde des actionnaires était en grande partie alimentée par la stratégie d’acquisitions de l’ancienne direction, qu’ils jugeaient comme une mauvaise gestion des ressources financières de l’entreprise. En conséquence, la nouvelle équipe dirigeante affiche semble t-il une approche plus mesurée vis-à-vis des acquisitions. Baharav et Pons ont pris les postes de Yoav Stern et Michael X. Garrett, tandis que Julien Lederman a été nommé PDG intérimaire, succédant à Stern, qui n’a pas été réélu.

Quant à la réaction de Nano Dimension à cette décision de justice, elle ne s’est pas fait attendre. Elle s’explique : « La Société estime que cette action en justice est dénuée de fondement et incompatible avec les termes de l’Accord de fusion, notamment en ce qui concerne son droit de participer au processus d’examen en cours auprès du Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (« CFIUS »). » Nano Dimension estime que cette action en justice n’est « rien de plus qu’une tentative de Desktop Metal d’empêcher la Société d’exercer ses droits en vertu de l’Accord de fusion et d’imposer des délais et des obligations incompatibles avec cet accord. » Nano Dimension entend donc se défendre vigoureusement et préserver ses droits en vertu de l’Accord de fusion. »

Système Metal X de Markforged

Système Metal X de Markforged (crédits photo : Markforged )

Rappelons qu’au moment du changement de direction, l’autre acquisition stratégique en cours, en plus de celle de Desktop Metal, était celle de Markforged pour 115 millions de dollars. Une opération qui a entraîné une nouvelle action en justice de Desktop Metal contre Nano Dimension, accusée d’avoir enfreint les termes de leur accord en finalisant ultérieurement sa fusion, mettant ainsi en péril leur propre rapprochement.  Pour résumer la situation, Desktop Metal cherche donc à obtenir une injonction judiciaire pour bloquer la finalisation de la transaction entre Nano Dimension et Markforged, le temps de conclure sa propre fusion avec l’entreprise israélienne.

On se souvient que dans une lettre adressée à ses actionnaires le 28 janvier 2025, Nano Dimension avait présenté sa fusion avec Desktop Metal et Markforged comme une occasion stratégique de renforcer sa position et de devenir le leader des solutions de fabrication numérique. Cette initiative vise à capter des marchés à forte valeur ajoutée et à forte croissance, tels que l’aérospatiale, la défense, l’automobile, l’électronique, l’industrie et la médecine.

Face aux nombres d’incertitudes pesant sur ce type d’opérations, je me suis interrogé sur la réussite des fusions et acquisitions d’entreprises. J’ai découvert qu’en réalité, ces opérations aboutissent rarement à des succès durables. D’après les experts, entre 70 % et 90 % des fusions et acquisitions échouent à atteindre leurs objectifs ou à générer de la valeur à long terme.

Une étude menée par la Harvard Business Review révèle que près de 70 % des transactions ne parviennent pas à produire la valeur attendue. Parmi les principales causes de ces échecs, figurent des incompatibilités culturelles, une évaluation imprécise des cibles, une gestion post-fusion défaillante et des obstacles réglementaires.

Alexandre Moussion