Comme le souligne les nombreux témoignages d’entreprises relayés dans cette rubrique, de plus en plus de dirigeants font aujourd’hui le pari de l’impression 3D. Si nombre d’entreprises ignorent encore bien souvent cette technologie et ses atouts, certaines n’hésitent pas à investir dans des machines industrielles pour élargir leur gamme de solutions. Ces dernières années, l’imprimerie 2D est devenue un interlocuteur de choix pour les services d’impression 3D mais aussi la fabrication et la distribution. Une tendance qui semble s’accélérer, à l’image de Cartridge qui a généralisé son service l’impression 3D sur toute la France, Canon qui a développé sa propre imprimante 3D, ou encore Global Graphics et son accord de distribution avec Massivit.
Helio Graphic, entreprise nantaise spécialisée dans l’impression numérique 2D, a fait elle aussi le pari de l’impression 3D. Dans un marché en perpétuelle évolution technologique et particulièrement concurrentiel, cet imprimeur a décidé d’investir 80 000 € dans une imprimante 3D industrielle multi-couleurs pour diversifier ses activités. Hugues Allaume, responsable du Pôle Nouvelles Technologies chez Helio Graphic, nous parle de cette nouvelle acquisition, des applications possibles et des bienfaits de cette technologie pour l’entreprise.
« Dans peu de temps, matérialiser tout ou partie d’un projet sera devenu aussi usuel que faire reproduire un document… »
Hugues Allaume bonjour. Pourriez-vous vous présenter ? Quel poste occupez-vous chez Helio Graphic et quel est votre rôle ?
Bonjour. Je suis responsable du Pôle Nouvelles Technologies qui regroupe la PAO, la gestion numérique du document, le Web-to-Print, le marketing Cross-Media et, bien sûr, l’impression 3D. Mon rôle est de piloter la mise en production de ces nouvelles prestations et de veiller à la montée en compétences de nos commerciaux.
Parlons un peu de votre entreprise. Comment est-elle née et quelles sont ses activités ?
Filiale nantaise de Docuworld Group, Helio Graphic est une entreprise née en 1963 qui a connu une croissance importante dans la reprographie et le tirage de plans. Depuis environ 10 ans, l’entreprise investit dans les domaines de l’impression grand format (affiches, bâches) et de PLV (stands, roll-up). Nous sommes équipés en sublimation textile, en table à plat et table de découpe numérique. Le « petit format » n’a pas été oublié, puisque nous disposons de machines de production hauts volumes, tant en noir et blanc que couleurs, et notamment d’une presse offset numérique HP Indigo.
« une machine capable de produire des pièces de grandes dimensions, multicolores et avec une rapidité supérieure à la moyenne »
En septembre 2014, Helio Graphic a décidé d’investir dans une imprimante 3D. Quelle est la genèse de cette décision ?
En raison de notre activité historique de « tireur de plans », nous avons une importante clientèle dans le secteur du BTP (architectes, promoteurs, constructeurs). Afin de compléter les prestations d’Helio Graphic, nous avons évalué l’intérêt d’un équipement qui permettrait de réaliser des maquettes de leurs projets. C’est pourquoi nous avons orienté notre choix vers une machine capable de produire des pièces de grandes dimensions, multicolores et avec une rapidité supérieure à la moyenne.
Parlez-nous de votre machine. De quel modèle s’agit-il et sous quelle technologie fonctionne-t-elle ? Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Sur la base de notre cahier des charges, nous avons sélectionné la 3D Systems Projet660 Pro, machine conçue par Z-Corporation. Il s’agit tout simplement de têtes d’impression jet d’encre qui injectent un liant (5 couleurs) sur une couche de poudre calibrée à 0,1 mm. Cette machine est assez imposante (193 x 76 x 145 cm) et pèse 340 kg. Nous l’avons complétée par un scanner 3D Artec Eva.
Avec quels matériaux est-elle compatible ? Pour quelle précision et quel volume d’impression ?
Notre machine utilise uniquement la poudre VisiJet PXL (hybride de plâtre et de polyamide), mais sa finesse d’impression et sa technologie quadrichromie nous permettent d’obtenir le rendu de n’importe quel matériau. La précision est de 0,1mm dans tous les axes. Le volume du bac est important et nous permet d’imprimer des pièces de plus de 20 cm de haut en une nuit.
A quelles applications destinez-vous cette imprimante 3D et pour quelle clientèle ?
Au-delà des grands comptes du BTP, nous avons eu l’occasion de produire pour des professionnels du goodies et du cadeau personnalisé. Des grands noms de la chaussure ou des industriels de la machine-outil nous ont soumis des fichiers pour reproduction en construction additive. Nous souhaitons aller encore plus loin en les accompagnant dès le dessin de leurs fichiers, afin de garantir son imprimabilité.
Comment se présentent les consommables et quelle est leur capacité ?
Nous commandons à la fois des barils de poudre et des cartouches de liant (en CMJN + incolore). Finalement, le consommable que nous changeons le plus sont les têtes d’impression, de simples têtes jet d’encre HP que l’on peut trouver partout. Pour une grande maquette de bâtiment qui utiliserait la totalité du plateau (soit 25,4 x 38,1 cm, le tout sur une hauteur de 20 cm), nous serons amenés à changer toutes les têtes d’impression et à recharger les cartouches de liant (dans les 5 couleurs). Dans cette machine, la poudre est à la fois le matériau et le support, et nous mettons en œuvre de grandes quantités de matière, qui est bien évidemment récupérée au cours de l’opération de finition.
En prenant l’exemple d’une pièce, de la conception à l’impression, combien de temps faut-il pour la fabriquer ? Il y a t-il du post-traitement ?
Pour le moment, nous ne dessinons pas de pièces au sein de notre entreprise. Nous avons des accords avec d’excellents prestataires qui savent dessiner pour la construction additive et connaissent bien les points forts de notre machine. En général, nous examinons en détail les fichiers de nos clients (STL, WRL, OBJ, 3DS) puis nous simplifions et évidons ce qui peut l’être afin d’optimiser le coût de fabrication de la pièce. La machine progresse à la même vitesse d’environ 1 cm de haut (axe Z) par heure, quelle que soit la dimension des pièces en X et Y.
Selon le niveau de détail, il nous faut de 5 à 30 minutes pour parfaitement « dépoudrer » une pièce. La pièce idéale est typiquement un smartphone : aucune aspérité, aucune fragilité. Une pièce complexe comme l’intégralité d’un étage d’immeuble peut nécessiter près d’une heure pour éliminer la poudre de chaque recoin, puis infiltrer la pièce à l’aide de la solution de colle cyanoacrylate qui vient durcir le matériau et révéler les couleurs.
Combien de personnes travaillent actuellement sur ce service d’impression 3D ? Ont-elles suivi une formation spécifique ?
Tous les opérateurs du pôle Nouvelles Technologies, soit 4 personnes, ont été formées à l’impression 3D. Le revendeur de la machine et le revendeur du scanner nous ont consacré plusieurs journées chacun. Beaucoup de sujets nous rappellent le monde de l’impression « 2D » que nous connaissons bien. Mais la 3D, c’est aussi beaucoup de nouveautés autour de l’analyse de fichier, des volumes, des épaisseurs, et de la finition.
Après plusieurs mois d’utilisation, quel est votre bilan ? Selon vous quels sont les atouts mais aussi les limites de cette technologie ?
Le bilan est très positif techniquement. Les premières grandes productions nous ont obligés à devenir irréprochables sur la maintenance et la propreté de la machine. Nous savons faire face à un grand nombre de situations. Les difficultés que nous rencontrons encore concernent les fichiers fournis : peu de dessinateurs intègrent la construction additive dans leurs dessins. Il ne suffit pas de réduire l’échelle d’un fichier pour en faire une maquette en 3D. Il faut également optimiser (par exemple évider), renforcer certaines zones, supprimer certains détails trop fins pour être reproduits à l’échelle. Typiquement, si on réduit le plan complet d’un appartement pour le reproduire dans une maquette de 20 cm x 30 cm, certaines cloisons seront extrêmement fines et certains détails ne pourront pas être restitués.
Nous voyons les choses évoluer vite, souvent les fichiers reçus sont « prêts à imprimer » et les formats d’export de mieux en mieux reconnus. Dans peu de temps, matérialiser tout ou partie d’un projet sera devenu aussi usuel que faire reproduire un document.
*tous les crédits photos : Helio Graphic