Si l’époque où l’impression 3D était presque exclusivement cantonnée au prototypage a laissé place à une plus grande capacité de production, certains facteurs l’empêchent encore de rivaliser avec les techniques de fabrication classique. Pour répondre aux exigences d’une production industrielle, ils sont quelques fabricants à emprunter la voie de la fabrication hybride, une approche qui consiste à combiner les avantages de la fabrication soustractive et additive en une seule et même machine. Alors que peu d’options sont encore disponibles sur le marché, une jeune start-up bordelaise du nom de Namma a réussi ce pari en y ajoutant même la découpe/gravure laser. Souhaitant en apprendre plus sur cette solution grand format et ses capacités multifonctions, Primante3D a interrogé son co-fondateur Clément Cazautets.
« la combinaison de la fabrication additive et soustractive laisse de nouvelles philosophies de conception et de fabrication pour les pièces de demain… »
Clément bonjour, quel est le parcours qui vous amené jusqu’à Namma ?
Bonjour Alexandre, après l’obtention de mon baccalauréat, j’ai intégré l’École Nationale des Arts et Métiers pour suivre un Bachelor de Technologie. C’est d’ailleurs sur les bancs de l’école en 2014 où nous nous sommes rencontrés avec Tom Lopez, Robin Genty et Mickael Audureau, associés et cofondateurs de Namma. Nous avons ensuite continué tous les quatre dans le cycle Ingénieur par Apprentissage. C’était pour nous l’occasion d’acquérir de l’expérience professionnelle et de s’imprégner du tissu industriel. Pour ma part, j’ai effectué mes 3 années d’apprentissage au sein de Safran Landing Systems, Robin à LISI Aerospace, Tom à AIRBUS et Mickael à POEITIS.
En parallèle, nous avons également participé aux Olympiades des Métiers – Worldskills dans la catégorie Production Industrielle en équipe avec toujours les mêmes co-équipiers Mickael et Tom (Robin a participé au concours en 2018 avec une 2ème place à la clé). Nous avons été Médaillé d’Or de la Région Nouvelle-Aquitaine en Juillet 2020, et nous sommes en lice pour concourir aux finales Nationales qui se dérouleront à Lyon en 2021.
Une fois le diplôme d’Ingénieur obtenu en 2020, nous nous sommes lancés à 100% dans l’aventure NAMMA. J’ai fait le choix de suivre une formation sur la stratégie Marketing et le développement Commercial dans le but d’acquérir une double compétence et la mettre à profit de NAMMA.
À quand remonte votre première expérience avec l’impression 3D ?
Pour ma part, j’ai découvert l’impression 3D durant mes études post-bac en 2014 où nous avons pu réaliser des projets autour de cette technologie. J’ai ensuite été véritablement mêlé à l’impression 3D (FDM) durant 3 ans en développant la fabrication additive sur le site de Safran autour de la création et du développement d’un FabLab destiné à réaliser des prototypes, maquettes et outillages pour l’ensemble de la production du site. Je suis tombé amoureux de ce procédé lorsque j’ai découvert ce que pouvait offrir la fabrication additive à notre monde avec un nombre incalculable d’applications et de possibilités.
En ce qui concerne Tom et Robin, ils baignent dans le monde de l’impression 3D depuis 2013 avec la mise au point de leurs propres imprimantes 3D suivies de plusieurs expériences professionnelles dans la fabrication additive polymère et métallique. Quant à Mickael, son expérience s’est construite autour de la Bio-Impression 3D et 4D depuis 2017.
« une machine qui regrouperait à la fois l’impression 3D, l’usinage et la découpe/gravure laser, dotée d’une seule et même interface »
Dites-nous en plus sur la genèse de Namma. À quelles problématiques souhaitiez-vous répondre en créant cette entreprise ?
En parallèle de nos études et passionnés de conception 3D, nous avons participés en 2019 au concours de conception national THE CAD CHALLENGE. Le but était de concevoir un produit innovant avec à la clé une dotation financière. Pour choisir ce que nous allions présenter, nous avons fait le constat que la plupart des entreprises font appel à la sous-traitance pour une partie de leur fabrication, car elles n’ont pas les moyens financiers d’investir dans plusieurs machines, ne disposent pas de la place suffisante pour les implanter et qui dit plusieurs machines différentes dit plusieurs formations nécessaires. Alors on a eu l’idée de concevoir EVA, une machine qui regrouperait à la fois l’impression 3D, l’usinage et la découpe/gravure laser, dotée d’une seule et même interface commune aux trois procédés.
Nous avons alors remporté le premier prix et avons été encouragés par les partenaires industriels du concours à réaliser le prototype de cette machine. C’est ce que nous avons fait en 2020 grâce à la dotation du concours ainsi que les différents partenariats noués avec le CFAI d’Aquitaine, La Moulure Bordelaise, Norelem et Visiativ. Ce prototype a pu valider nos choix techniques ainsi que la cohabitation des trois procédés.
Nous avons ensuite réalisé un deuxième prototype plus résistant mécaniquement notamment pour permettre à la machine d’usiner de l’aluminium comme une Machine à Commandes Numériques classique. Nous avons par la suite suivi le programme étudiant-entrepreneur pour nous amener à intégrer l’incubateur technologique UNITEC depuis l’été 2020 qui nous accompagne dans le monde entrepreneurial.
Présentez-nous votre imprimante 3D hybride Eva et son fonctionnement.
EVA est une imprimante 3D Multifonction regroupant impression 3D fdm, usinage CNC 3 axes et découpe/gravure laser pour des dimensions de travail de 1000 mm x 500 mm x 500 mm. Nous avons conçu la machine de façon à ce qu’elle soit aussi performante en impression 3D, qu’en Usinage ou en gravure laser à l’inverse d’autres machines multifonctions. Elle est également dotée d’une interface commune et intuitive, et conçue pour s’adapter aux utilisateurs débutants comme confirmés.
Le changement d’outil/procédé se fait en moins d’une minute et laisse la possibilité de déployer d’autres outils performants ou développés sur-mesure en fonction du besoin client. Notre volonté est de proposer une machine évolutive et configurable autour d’une brique commune : le système 3 axes avec changeur d’outils.
En impression 3D, la machine dispose d’un double extrudeur, d’une enceinte chauffée et thermo régulée jusqu’à 60°C ainsi qu’un plateau chauffant jusqu’à 110°C. En usinage, la machine utilise un système de fraisage 3 axes et est dimensionnée principalement pour usiner de l’aluminium pour être aussi performante qu’une machine à commandes numériques. Enfin pour la partie Laser, nous avons fait le choix d’implémenter un laser UV permettant de réaliser différents types d’opérations (Gravure, découpe).
Quels sont les matériaux compatibles ?
EVA offre un large panel de matériaux utilisables. En effet, en mode impression 3D, les polymères classiques (PLA, ABS, PA6, TPU, ASA et filaments chargés) sont utilisés. Concernant l’usinage, l’utilisateur a la possibilité de travailler avec des matières comme l’aluminium (et métaux non-ferreux : cuivre, laiton), composites, bois et polymères. De plus, grâce au laser UV, des matériaux tels que l’aluminium anodisé, le cuir, l’acrylique, les polymères et bien d’autres pourront être découpés et/ou gravés.
Quelle est la part du Made in France dans cette machine et en quoi est-ce un atout ?
Aujourd’hui, on compte sur les doigts d’une main les fabricants français d’imprimantes 3D, notre but est de compléter cette offre et de garantir un service support, un accompagnement et une proximité avec le client. Nous souhaitons favoriser et dynamiser l’industrie française avec notre machine en développant la réactivité, la polyvalence et la flexibilité des entreprises. Nous constatons de plus en plus que les entreprises françaises ont la volonté de travailler avec des fournisseurs français afin de bénéficier de savoir-faire français.
« le client à la possibilité de valider rapidement sa conception en imprimant le prototype en 3D en plastique et ensuite, usiner directement la pièce finie en aluminium »
À qui s’adresse Eva ? Donnez-nous des exemples concrets d’applications.
Notre machine s’adresse aux entreprises manufacturières (automobile, mécanique, aéronautique, agroalimentaire et bien d’autres) qui souhaitent internaliser et/ou diversifier leur fabrication. En effet, EVA est utilisable à chaque étape d’un cycle de vie d’un produit en réalisant des maquettes, des prototypes, des outillages et des pièces finies. Avec la même machine, le client à la possibilité de valider rapidement sa conception en imprimant le prototype en 3D en plastique et ensuite, usiner directement la pièce finie en aluminium. Ainsi avec EVA, l’utilisateur aura plusieurs bénéfices : réactivité, diminution des coûts, flexibilité, polyvalence et innovation débridée.
De plus cette machine se destine au domaine de l’éducation, du lycée, en passant par les centres de formation professionnels jusqu’aux établissements supérieurs afin de permettre aux étudiants de découvrir plusieurs procédés dans une seule machine et de faciliter l’approche éducative en étant formés sur une seule machine.
Enfin, la combinaison de la fabrication additive et soustractive dans une seule et même enceinte, laisse de nouvelles philosophies de conception et de fabrication pour les pièces de demain. Par exemple, nous pouvons imprimer en 3D une pièce de façon « grossière » pour gagner du temps et ensuite venir usiner cette même pièce afin d’obtenir des états de surface correctes et des tolérances précises, choses difficiles avec de la simple extrusion sans post-traitement.
Parlez-nous de votre actualité et de vos objectifs pour 2021.
Actuellement nous sommes dans une phase de re-conception afin de rendre la machine commercialisable notamment en la certifiant CE avec pour objectif une mise sur le marché début 2022. Avant cela, nous allons proposer EVA à des clients Beta-Testeurs de septembre 2021 à décembre 2021 afin d’avoir un maximum de retours sur l’utilisation de la machine. Pour financer cette phase, nous avons engagé le processus financier auprès de différents acteurs locaux et nationaux.