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Des scientifiques d’Harvard développent un matériau à mémoire de forme pour l’impression 4D

origami 4D

Si le potentiel de l’impression 3D et son impact futur sur nos industries et notre quotidien est encore largement sous estimé, l’impression « 4D » nous promet des avancées bien plus spectaculaires encore dans les prochaines années. Cette dimension supplémentaire qui réfère en fait à celle du temps, signifie que des objets peuvent évoluer automatiquement et sans intervention humaine.

Cela est rendu possible par des matériaux dits intelligents à mémoire de formes, capables de réagir à des stimulis extérieurs comme de l’eau ou de la chaleur. On imagine ainsi tout un nouveau champ de possibilités, avec des objets pouvant prendre n’importe quelle forme, comme des canalisations capables de s’adapter au volume d’eau qu’elles contiennent, des bâtiments réagissant aux conditions climatiques, ou encore des carrosseries de voiture qui changeraient de forme en réponse au flux d’air.

Ce procédé bien qu’encore largement cantonné aux laboratoires scientifiques, continue de progresser. Dernièrement c’est une équipe de chercheurs de la Harvard John A. Paulson School of Engineering and Applied Sciences (SEAS), qui a développé un matériau qui pourrait être imprimé en 3D dans n’importe quelle forme, et préprogrammé avec une mémoire de forme réversible.

Les auteurs de ces travaux expliquent avoir utilisé de la kératine de la laine, une protéine fibreuse présente dans les cheveux, les ongles, les coquilles, mais aussi la laine. Dans le cas présent, les chercheurs ont extrait de la kératine de la laine d’Angora, couramment utilisée dans la production textile.

La fibre lorsqu’elle est exposée à un stimulus spécifique, ou simplement étirée, fait réagir ses structures en forme de ressort qui se déroulent pour former des feuillets. La fibre garde cette position jusqu’à ce qu’elle soit à déclenchée par un nouveau stimulus pour reprendre sa forme d’origine.

« Cela rend le matériau adapté à une vaste gamme d’applications, du textile à l’ingénierie tissulaire »

Pour faire la démonstration de leur procédé, les chercheurs ont imprimé en 3D des feuilles de kératine de différentes formes. La seconde étape a consisté à programmer la forme permanente du matériau – c’est à dire la forme à laquelle il reviendra toujours lorsqu’il est déclenché – en utilisant une solution de peroxyde d’hydrogène et de phosphate monosodique.

L’équipe donne l’exemple d’une feuille de kératine qui a été pliée en une étoile origami comme sa forme permanente. Une fois la mémoire établie, les chercheurs ont alors plongé l’étoile dans l’eau, où celle-ci s’est dépliée et est devenue malléable. De là, la feuille a été roulée dans un tube étanche. Puis une fois sèche, celle-ci a été verrouillée comme un tube entièrement stable et fonctionnel. Pour inverser le processus, le tube a été replongé dans l’eau, où il s’est déroulé et replié en une étoile origami.

« Ce processus en deux étapes d’impression 3D du matériau puis de définition de ses formes permanentes permet la fabrication de formes vraiment complexes avec des caractéristiques structurelles allant jusqu’au micron », a déclaré Luca Cera, stagiaire postdoctoral à SEAS et premier auteur de l’article . « Cela rend le matériau adapté à une vaste gamme d’applications, du textile à l’ingénierie tissulaire. »

L’équipe de chercheurs estime que sa découverte pourrait contribuer à une plus large réduction des déchets dans l’industrie de la mode – l’un des plus gros pollueurs de la planète – en recyclant la laine. Parmi les innombrables applications possibles, les auteurs citent également l’exemple de t-shirt dotés d’évents de refroidissement qui pourraient s’ouvrir lorsqu’ils sont exposés à l’humidité et se refermer lorsqu’ils sont secs, ou encore des soutiens-gorge personnalisés.

« Que vous utilisiez des fibres comme celle-ci pour fabriquer des soutiens-gorge dont la taille et la forme du bonnet peuvent être personnalisées chaque jour, ou que vous essayiez de fabriquer des textiles d’actionnement pour la thérapeutique médicale, les possibilités du travail de Luca sont vastes et passionnantes », ajoute Kit Parker, professeur en bio-ingénierie et physique appliquée.

Alexandre Moussion