Si dans l’inconscient collectif un prix élevé est souvent synonyme de qualité, l’impression 3D remet fortement en cause ce genre d’idée reçue. Sa capacité à fabriquer des objets tout aussi fonctionnel que les originaux et à des coûts défiant toute concurrence, fait des émules notamment dans le domaine de la prothèse orthopédique. Un américain de 53 ans du nom de Jose Delgado symbolise à lui seul cette tendance. Né sans main gauche ce dernier a délaissé sa prothèse de 42 000 $ pour un modèle imprimé en 3D à 50 $…
Originaire d’Elgin dans l’Illinois, Jose a pourtant connu de nombreuses prothèses dans sa vie, des plus archaïques aux plus onéreuses. Adolescent, celui-ci portait déjà une prothèse de métal en forme de crochet qui s’articulait grâce à des bandes de caoutchouc. Quand il dépliait son bras les bandes permettaient au crochet de s’ouvrir. Un procédé rudimentaire mais qui a équipé Jose une bonne partie de sa vie jusqu’à il y a 3 ans où celui-ci a obtenu sa première prothèse myoélectrique.
« il arrivait que ma prothèse myoélectrique lâche le volant »
La technologie myoélectrique est un procédé innovant, elle fonctionne grâce à des capteurs placés sur le moignon qui transforment les contractions musculaires en mouvement. Un moteur placé dans la fausse main capte ces signaux pour déclencher l’ouverture ou la fermeture de celle-ci. Mais malgré ses qualité, cette prothèse i-tech à 42 000 $ (la moitié avait été prise en charge par son assurance) a vite montré ses limites… En effet sur les cinq doigts, seuls trois étaient véritablement fonctionnels, à l’instar de son ancienne prothèse ils se comportaient comme une pince.
Une prothèse certes plus esthétique et plus réaliste mais pas toujours très opérationnelle et parfois imprévisible. Jose raconte : « quand je conduisais ma voiture et que je roulais sur une bosse, il arrivait que la main myoélectrique lâche le volant… Il était également important de laisser mes muscles au chaud et de ne pas être trop exposé au froid sans quoi la prothèse ne fonctionnait plus. »
Déçu Jose décide donc de faire des recherches sur internet pour trouver une alternative. Celles-ci le mènent à E Enabling The Future, un site et un collectif à but non lucratif né du projet Robohand, le précurseur des prothèses open source imprimées en 3D. Une association réunissant plus de 650 bricoleurs, ergothérapeutes et scientifiques en tout genre réunis pour développer ces fameuses mains mécaniques imprimées en 3D. Jose entre en contact avec l’un de ses contributeurs appelé Jeremy Simon qui accepte alors de l’aider pour concevoir sa prothèse.
Ainsi les deux hommes se rencontrent… Après avoir pris les mesures de son moignon, Jeremy Simon choisit un modèle de prothèse préexistant appelé Cyborg Beast. Il adapte ensuite les dimensions à son modèle 3D et lance l’impression sur ses deux FlashForge Creator. Le matériau utilisé est de l’ABS, l’impression dure 14 h… Une fois les pièces imprimées il ne reste plus qu’à les assembler et à faire passer plusieurs câbles et cordons souples dans chaque doigt. Ils permettent aux doigts de se refermer grâce à la tension provoquée par la flexion du poignet.
« C’est la prothèse la plus réaliste que j’ai jamais eue »
Jose a été immédiatement séduit par sa nouvelle main. Une prothèse avec un ajustement parfait, à la fois très esthétique et très fonctionnelle. Dans la vidéo ci-dessous réalisée par 3Duniverse, il ne tarit pas d’éloge : « C’est la prothèse la plus réaliste que j’ai jamais eue. » explique t-il. Jose peut désormais plier tous ses doigts, une fonctionnalité qui a amélioré son quotidien et son travail. Il est maintenant plus facile pour lui de prendre un verre ou de déplacer des palettes lorsqu’il travaille dans son entrepôt. En effet les doigts enserrent mieux les objets et ils peuvent supporter jusqu’à 13 kg. Jose Delgado préfère donc sans hésitation cette prothèse qui en plus de n’avoir coûté que 50 $ de matériaux (que Jeremy ne lui a pas fait payer) est beaucoup plus confortable et fonctionnelle que la main myoélectrique qui elle avait coûté la somme exhorbitante de 42 000 $.
Jeremy Simon pense désormais améliorer ce modèle, notamment en utilisant un matériau de meilleure qualité que l’ABS. Il s’agit du Nylon Bridge que l’on doit au fabricant Taulman3D, un filament plus résistant et qui absorbe moins l’humidité que ses concurrents. Celui-ci espère également généraliser ce concept à un maximum de personnes atteintes par ce genre de handicap. Un monde où finalement chacun pourrait s’auto-réparer en imprimant soi même ses prothèses. Des applications et des perspectives très encourageantes donc mais qui soulèvent aussi des points d’interrogation. En effet le marché de la prothèse étant très lucratif et la santé un domaine très sensible, on se demande bien comment ces derniers pourraient réagir si un tel phénomène prenait trop d’ampleur…